Le duo de femmes photographes Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde s’intéresse aux mythologies liées à la gémellité. Un travail au long cours jouant avec les codes du documentaire pour susciter la fascination. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
Il fallait au moins être deux pour s’attaquer à la mythologie des jumeaux. Bénédicte Kurzen, Française vivant au Nigéria, et Sanne de Wilde, Belge résidant aux Pays-Bas, toutes deux membres de l’agence Noor, n’en sont pas à leur coup d’essai. En 2019, elles avaient reçu un premier prix World Press Photo pour Land of Ibeji, une série sur une ville très connue au Nigéria pour son nombre très élevé de jumeaux parmi la population. Elles réitèrent et prolongent leur travail en Chine avec Land of Shuangbaotai, qui met en scène la ville de Mojiang, dans l’ouest du Yunnan. Depuis quinze ans s’y déroule un festival consacré aux jumeaux qui prospère sur fond de présence massive d’accouchements gémellaires, de traditions religieuses et d’incitations politiques.
Menant un vrai travail journalistique, les deux autrices embrassent pleinement les codes du documentaire afin de proposer une version subjective et singulière de leur sujet. Ainsi, Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde n’hésitent pas à utiliser des filtres : bleu en référence à l’eau soi-disant magique de la ville, et violet pour la couleur des légumes réputés de la région. La variété des artifices employés pour souligner l’ambivalence est vaste. Double exposition, effet kaléidoscopique ou éclairage artificiel servent à souligner cette dualité totale. Celle des deux regards des photographes, mais aussi du visible et de l’intangible, de la métaphore et du littéral, ou encore de la science contre la légende. Cette grande confusion nous interroge sur ce que nous regardons. La thématique des jumeaux nous fascine, car elle met en jeu une part d’inexpliqué. Elle trouble notre perception de l’unicité, et anime un champ irrationnel que Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde savent cultiver à merveille.
Cet article est à retrouver dans Fisheye #45, en kiosque et disponible ici.
© Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde