Située dans le sud de la Drôme, rn7 développe des projets de création qui vont du simple workshop aux résidences d’artistes. Lumière sur une structure singulière qui nous invite à repenser la photographie contemporaine par le prisme des archives.
En 2019, dans le sud de la Drôme, Anne-Lore Mesnage – iconographe et photographe – a imaginé un espace propice aux résidences artistiques. Au sein de cette structure intitulée rn7 – un nom qui fait référence à la route nationale qui traverse la région –, elle y a très vite développé des actions de médiation. L’objectif premier ? Sensibiliser les populations au 8e art, tout en tirant parti des atouts du territoire. « Les paysages préservés, la mise en réseau des acteurs culturels, le cadre qui permet de se retirer pour créer… La dimension pédagogique est venue de cette envie de partage, de rencontre et d’échange avec les habitants », poursuit Antoine Picard, en charge du développement pédagogique de rn7. Workshops, formations, mentorats, ateliers scolaires… Celles et ceux qui souhaitent s’initier ou approfondir leur pratique du médium photographique sont accompagnés selon leurs désirs.
« À ce jour, rn7 ne dispose pas d’un lieu. Elle s’appuie sur les institutions culturelles déjà existantes dans la région », précise Anne-Lore Mesnage. Sur ce territoire où tout reste encore à inventer, la structure encourage l’innovation. Elle cultive ainsi cette originalité pour ériger ses propres repères et esquisser des perspectives inédites. À cet effet, rn7 a lancé Les Nouvelles Oubliées en 2019. Cette résidence, qui se solde par une exposition et/ou un ouvrage, permet aux artistes de donner une nouvelle vie à leurs archives grâce à l’introspection. « Elle peut faire resurgir un travail ou permettre à l’auteur de revisiter toute son œuvre. Tout dépend du temps dont il dispose ou le volume de ses fonds », précise notre interlocutrice. Adepte de la pluridisciplinarité, la structure s’engage à favoriser les rencontres entre les différents champs de recherche qui « apport[ent] des contrepoints » non négligeables.
Double Roses (2019) © Louise Honée
Diffuser les créations des artistes auprès de professionnels
Au-delà d’une volonté d’inviter les photographes à s’implanter dans la région se cache une envie de sauvegarder le patrimoine. Un refus d’alimenter le flux visuel quotidien aussi. « L’idée était d’arrêter de produire des images pour plonger dans celles qui existent déjà, explique Antoine Picard. Pour différentes raisons, on a mis certaines d’entre elles de côté. Le commanditaire les a jugées inappropriées, elles ne correspondaient pas au projet ou à la “mode” du moment… Il s’agit de les relire à l’aune d’une intention et d’un œil nouveaux. » rn7 défend une photographie exigeante qui interroge aussi bien le fond que la forme, quels que soient les récits promus par chacun. « Nous ne hiérarchisons pas les genres. Chaque projet se révèle unique et trouve la déclinaison qui lui est propre. Souvent, nous pensons les scénographies avec les artistes, en fonction du propos et des contraintes de lieux. »
Cette démarche inclusive, résolument tournée vers l’avenir, a très vite obtenu le soutien de la BnF. D’autres dispositifs, initiés par le département ou les communes, ont alors commencé à valoriser la structure. À leur tour, ils ont diffusé les créations des artistes auprès de professionnels ou d’amateurs. « Ils ont d’ailleurs permis à des photographes de gagner en notoriété sur le territoire. Et de susciter suffisamment de curiosité pour générer de nouvelles résidences ! C’est le cas cette année avec Louise Honée qui était venue dans la Drôme en 2019 lors d’un workshop en partenariat avec l’Agence VU’. Le parc naturel régional des Baronnies provençales a ensuite souhaité que nous mettions tout en œuvre pour la faire revenir en 2022 », nous raconte Anne-Lore Mesnage avec entrain.
Double Roses (2019) © Louise Honée
Des lieux convoités
Destinés aux photographes professionnels ou en devenir, les workshops de rn7 sont pensés comme des moments privilégiés avec un artiste de renom. « Les stagiaires plongent dans son œuvre et bénéficient de conseils avisés et individualisés pour avancer dans leur propre recherche », déclare Antoine Picard. Ces ateliers se tiennent deux fois par mois dans des lieux différents. Ceux-ci font écho à la richesse de l’environnement et aux problématiques liées au tourisme, à l’agriculture ou à la réinsertion d’espèces disparues. « Parmi les espaces de travail prévus cette année, il y a Les Trois Platanes à Nyons, un cadre magique et calme, propice à la création. C’est un tiers lieu atypique et inspirant où des artisans et artistes travaillent au quotidien. Julien Guinand y mènera son workshop, avec une orientation très forte sur les paysages, leurs usages et la manière dont ils sont habités. »
Les mois à venir seront également riches en workshops. Le LaboM de Montélimar accueillera Frédéric Lecloux pour un stage d’écriture. Jean-Christian Bourcart y proposera, par la suite, d’aborder la question du portrait et de l’autoportrait. En 2023, Béatrix Von Conta dispensera ses précieux conseils dans un « endroit mythique de la vallée du Rhône ». Encore gardé secret, de nombreux photographes convoiteraient le lieu, nous indique Anne-Lore Mesnage sur le ton de la confidence. « rn7 allie l’exigence du travail tout en bénéficiant d’un dépaysement qui se rapproche d’un esprit de “vacances”… La vacance étant aussi à entendre comme l’émergence d’un vide qui permettrait de prendre du recul et de travailler autrement », conclut-elle.
À g. L’Homme de Bochum, à d. Autodéfense (I) (1984) © Alain Willaume / Tendance floue
© Bertrand Meunier / Tendance floue
À g. Double Roses (2019) © Louise Honée, à d. © Frédéric Lecloux / Agence VU’
© Alain Willaume / Les Nouvelles Oubliées 2020
Image d’ouverture © Alain Willaume / Tendance Floue