Les photographes n’ont pas le choix, ils sont obligés d’aller sur le terrain pour réaliser leurs images. Toujours aux premières loges, ils connaissent le monde mieux que quiconque. C’est sans doute la raison pour laquelle nombre d’entre eux ont pris conscience – bien avant que l’écologie ne devienne une « tendance » – des problèmes environnementaux qui menacent notre planète. C’est probablement aussi pour cela qu’ils se sont engagés sur la question de l’eau, du dérèglement climatique, de la destruction de la biodiversité, des problèmes de pollution, de la disparition des forêts, des aberrations consuméristes et énergivores… Ils se sont faits lanceurs d’alerte avec des images qui nous interpellent par leur beauté, leur horreur ou leur inquiétante étrangeté…
Mustafah Abdulaziz, 33 ans, vient de recevoir le prix Leica Oskar Barnack pour sa série Water, qui interroge les relations entre l’homme et l’eau à l’échelle de la planète. Ses images nous rappellent la fragilité de la vie et la manière dont notre comportement individuel influe sur le bien-être de la collectivité. Cet article est à retrouver dans le dossier de notre dernier numéro.
« Ce qui m’a poussé à choisir l’eau, c’est le fait qu’il s’agissait du sujet le plus universel, que je pouvais l’utiliser comme un “miroir” de ce que les gens font à leur planète – à propos des questions directement liées à l’eau, mais aussi pour nous interroger sur notre futur conditionné par ces interactions », explique Mustafah Abdulaziz, lauréat du 40e prix Leica Oskar Barnack, qui lui a été attribué le 25 septembre à Berlin. Depuis plus de huit ans, le photographe, né à New York en 1986, a arpenté une quinzaine de pays (Sierra Leone, Inde, Éthiopie, Pakistan, Chine, Afrique du Sud, États-Unis, Nigeria, Islande, Australie, Suède…) pour en rapporter des images qui racontent nos différentes relations à « l’or bleu », un liquide bien plus précieux qu’on le suppose.
Changer les habitude
À l’origine de cette exploration, que le photographe entend poursuivre encore plusieurs années, on trouve une statistique publiée en 2011 par les Nations unies qui prévoyait, pour 2025, plus de trois milliards de personnes confrontées à une pénurie d’eau. « Ce projet est ma façon d’explorer le monde. C’est une façon de donner un sens à un sujet d’une ampleur écrasante, mais capitale. Notre relation avec la planète est peut-être l’histoire la plus importante de notre époque, explique le photographe. Le but de mon projet est de montrer aux gens que nous sommes inséparables de notre environnement. » Mais au-delà des problèmes environnementaux liés à l’eau que pointent ses images, Mustafah Abdulaziz veut aussi montrer que « le monde est un endroit magnifique ». Il poursuit : « Je veux que les gens soient inspirés par la beauté que je photographie, et qu’ils soient motivés pour changer leurs habitudes. »
En effet, ce qui frappe quand on découvre ses photographies, c’est leur grande beauté plastique, la rigueur des cadrages et l’attention aux lumières qui donnent à son écriture documentaire une dimension esthétique revendiquée par l’auteur: « L’esthétique est inhérente à la photographie. Il est à la mode aujourd’hui d’être “anti-esthétique” dans la façon dont on montre les choses, de les faire apparaître comme si c’était sans pensée. Je trouve cela malhonnête et illusoire. » D’un autre côté, il se méfie de « l’hyper-esthétisme », qui donne au spectateur l’idée qu’il voit quelque chose de profond quand le photographe n’a fait qu’un « tour de magie visuelle ».
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #39, en kiosque et disponible ici.
© Mustafah Abdulaziz