Les auteurs au chevet d’une planète à la dérive

14 novembre 2019   •  
Écrit par Eric Karsenty
Les auteurs au chevet d’une planète à la dérive

Les photographes n’ont pas le choix, ils sont obligés d’aller sur le terrain pour réaliser leurs images. Toujours aux premières loges, ils connaissent le monde mieux que quiconque. C’est sans doute la raison pour laquelle nombre d’entre eux ont pris conscience – bien avant que l’écologie ne devienne une « tendance » – des problèmes environnementaux qui menacent notre planète. C’est probablement aussi pour cela qu’ils se sont engagés sur la question de l’eau, du dérèglement climatique, de la destruction de la biodiversité, des problèmes de pollution, de la disparition des forêts, des aberrations consuméristes et énergivores… Ils se sont faits lanceurs d’alerte avec des images qui nous interpellent par leur beauté, leur horreur ou leur inquiétante étrangeté…

© Mustafah Abdulaziz

Mustafah Abdulaziz, 33 ans, vient de recevoir le prix Leica Oskar Barnack pour sa série Water, qui interroge les relations entre l’homme et l’eau à l’échelle de la planète. Ses images nous rappellent la fragilité de la vie et la manière dont notre comportement individuel influe sur le bien-être de la collectivité. Cet article est à retrouver dans le dossier de notre dernier numéro.

« Ce qui m’a poussé à choisir l’eau, c’est le fait qu’il s’agissait du sujet le plus universel, que je pouvais l’utiliser comme un “miroir” de ce que les gens font à leur planète – à propos des questions directement liées à l’eau, mais aussi pour nous interroger sur notre futur conditionné par ces interactions », explique Mustafah Abdulaziz, lauréat du 40e prix Leica Oskar Barnack, qui lui a été attribué le 25 septembre à Berlin. Depuis plus de huit ans, le photographe, né à New York en 1986, a arpenté une quinzaine de pays (Sierra Leone, Inde, Éthiopie, Pakistan, Chine, Afrique du Sud, États-Unis, Nigeria, Islande, Australie, Suède…) pour en rapporter des images qui racontent nos différentes relations à « l’or bleu », un liquide bien plus précieux qu’on le suppose.

© Mustafah Abdulaziz

Changer les habitude

À l’origine de cette exploration, que le photographe entend poursuivre encore plusieurs années, on trouve une statistique publiée en 2011 par les Nations unies qui prévoyait, pour 2025, plus de trois milliards de personnes confrontées à une pénurie d’eau. « Ce projet est ma façon d’explorer le monde. C’est une façon de donner un sens à un sujet d’une ampleur écrasante, mais capitale. Notre relation avec la planète est peut-être l’histoire la plus importante de notre époque, explique le photographe. Le but de mon projet est de montrer aux gens que nous sommes inséparables de notre environnement. » Mais au-delà des problèmes environnementaux liés à l’eau que pointent ses images, Mustafah Abdulaziz veut aussi montrer que « le monde est un endroit magnifique ». Il poursuit : « Je veux que les gens soient inspirés par la beauté que je photographie, et qu’ils soient motivés pour changer leurs habitudes. »

En effet, ce qui frappe quand on découvre ses photographies, c’est leur grande beauté plastique, la rigueur des cadrages et l’attention aux lumières qui donnent à son écriture documentaire une dimension esthétique revendiquée par l’auteur: « L’esthétique est inhérente à la photographie. Il est à la mode aujourd’hui d’être “anti-esthétique” dans la façon dont on montre les choses, de les faire apparaître comme si c’était sans pensée. Je trouve cela malhonnête et illusoire. » D’un autre côté, il se méfie de « l’hyper-esthétisme », qui donne au spectateur l’idée qu’il voit quelque chose de profond quand le photographe n’a fait qu’un « tour de magie visuelle ».

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #39, en kiosque et disponible ici.

© Mustafah Abdulaziz© Mustafah Abdulaziz

© Mustafah Abdulaziz© Mustafah Abdulaziz

© Mustafah Abdulaziz

© Mustafah Abdulaziz

Explorez
Raphaëlle Peria et Fanny Robin remportent l’édition 2025 du BMW ART MAKERS 
© Raphaëlle Peria / ADAGP
Raphaëlle Peria et Fanny Robin remportent l’édition 2025 du BMW ART MAKERS 
Le jury du BMW ART MAKERS s’est accordé à nommer l’artiste Raphaëlle Peria et la curatrice Fanny Robin lauréates de la quatrième édition...
18 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Résidence 1+2 : fusion du vivant et des croyances en images
© Alžběta Wolfova, Insect Gaze_3, Photogramme.
Résidence 1+2 : fusion du vivant et des croyances en images
La Résidence 1+2 dévoile son coffret 2024, Fabulae, composé de trois livres photographiques présentant les séries de Céline Clanet...
16 janvier 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
À travers Female Gaze, Luma Koklova réenchante le monde
© Luma Koklova. Female Gaze (Cosmologies).
À travers Female Gaze, Luma Koklova réenchante le monde
Dans « Female Gaze », le premier chapitre de sa série Cosmologies, la photographe Luma Koklova pose un regard neuf, décolonisé et libéré...
09 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La première rétrospective de Corinne Vionnet est à découvrir au musée de Pont-Aven
© Corinne Vionnet
La première rétrospective de Corinne Vionnet est à découvrir au musée de Pont-Aven
Le musée de Pont-Aven accueille l’exposition Écran total de Corinne Vionnet. Il s'agit de la première rétrospective de l’artiste...
04 janvier 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Prix Polyptyque 2024 : célébration des expérimentations et du livre photo
© Marion Ellena. Scrolling (de la ventana), 2023.
Prix Polyptyque 2024 : célébration des expérimentations et du livre photo
La Galerie Sit Down à Paris accueille les quatre lauréat·es du Prix Polyptyque 2024 pour une exposition conjointe qui se tient jusqu’au...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Beggar’s Honey : Jack Latham s’immisce dans le monde clandestin des fermes à clics
© Jack Latham
Beggar’s Honey : Jack Latham s’immisce dans le monde clandestin des fermes à clics
Depuis dix ans, Jack Latham mène des recherches sur la naissance des théories conspirationnistes et la manière dont ces récits sont...
04 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #492 : battre le pavé
© Annissa Durar / Instagram
La sélection Instagram #492 : battre le pavé
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’emparent de la rue, l'arpentent, la figent, la saisissent. Détails chocs...
04 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l'œil des photographes qui racontent leurs images aux chics allures
© Guillaume Blot
Dans l’œil des photographes qui racontent leurs images aux chics allures
Fisheye se plaît à faire parler les photographes, à les inciter à dévoiler les secrets qui se cachent derrière leurs images. La rédaction...
03 février 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine