Plus grande, plus centrale et plus accessible, la galerie de la célèbre agence Magnum Photos a également une nouvelle directrice, Samantha McCoy, qui vient d’inaugurer ce nouvel espace au cœur du 11e arrondissement de la capitale. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
« À l’époque de la création de Magnum, en 1947, le photojournalisme était dominant, et le marché de la photo quasi inexistant. Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé et le monde de la photographie aussi », explique Samantha McCoy, la jeune directrice de la Magnum Gallery qui vient de déménager et d’ouvrir ses portes à Paris dans le 11e arrondissement. Plus qu’un simple espace de monstration des photographes de l’agence, la galerie se veut une galerie comme les autres à travers des événements qui alterneront entre expositions de groupes, thématiques et expositions consacrées à un·e seule·e photographe. « Nous sommes présents sur les salons comme Paris Photo ou Photo London, avec des objectifs de chiffre d’affaires, précise Samantha. Nous avons pour mission de mettre les photographes de Magnum en valeur mais aussi de leur donner une plus grande visibilité, de favoriser les dialogues implicites, de donner à voir leurs œuvres aux curateurs, collectionneurs et aux publics les plus larges, mais aussi d’assurer une partie de leurs revenus. » Inaugurée le 22 octobre, la Magnum Gallery permet à l’agence de se rapprocher du quartier du Marais « et de son énergie », tout en bénéficiant d’une surface plus importante que celle dont elle jouissait précédemment, dans le 8e arrondissement. « Magnum dispose de plusieurs départements : les archives, l’éditorial, le culturel, le corporate, la galerie… Ce n’était pas facile de trouver un lieu qui puisse répondre à notre cahier des charges, détaille la directrice de 33 ans. Mais le lieu d’implantation a été très important dans notre décision. » Au dessus de la galerie qui s’étale sur les 125 m2 du rez-de-chaussée – avec une pièce de 22 m2 dédiée aux tirages qui ne sont pas exposés, en particulier des vintages qui racontent l’origine de l’agence –, on trouve sur l’étage les autres départements.
Humanité et engagement
Bruce Davidson et Khalik Allah étaient à l’affiche de l’ouverture cet automne, une programmation donnant le ton de la ligne curatoriale. « Avec cette première exposition, l’idée était de rendre hommage à un photographe iconique, Bruce Davidson, tout en faisant dialoguer ses images sur Harlem avec un jeune photographe émergent qui a travaillé sur ce même quartier de New York à plus de quarante ans d’écart, explique Samantha McCoy. Avec deux écritures différentes, on retrouve une grande humanité et ce sentiment d’engagement qui font partie de l’ADN des photographes de Magnum. » Avec quatre expositions par an, mais aussi des événements (projections, tables rondes, signatures…) en rapport avec les œuvres présentées, la programmation défendra tour à tour des séries connues et d’autres qui le sont moins. C’est d’ailleurs ce que l’on aura l’occasion de découvrir dès cet hiver avec les images couleurs inédites de Susan Meiselas de la série Carnival Strippers, une exposition accompagnée d’un livre publié en parallèle chez Steidl et Delpire & Co pour l’occasion. La galerie ne travaille qu’avec des vintages et des tirages destinés à la vente pour rester en adéquation avec les usages du marché de l’art – contrairement au département digital qui a développé des tirages 15×15 cm à 100 dollars en édition illimitée. Un marché de l’art que la nouvelle directrice connaît bien puisqu’elle a grandi dans ce milieu: son père Jason McCoy dirigeait une galerie d’art moderne à New York, et son grand-oncle, le peintre Jackson Pollock, n’est plus à présenter. Après des études d’histoire de l’art, Samantha a travaillé quatre ans dans la galerie familiale où elle a progressivement introduit la photographie, un médium qu’elle a notamment découvert dans la galerie d’Howard Greenberg présente dans le même immeuble… En parallèle à cette arrivée de sang neuf à Paris, on notera que la Magnum Gallery à Londres a aussi une nouvelle direction depuis janvier 2021 avec Nicolas Smirnoff, qui a travaillé huit ans à la Pace Gallery à New York. C’est donc un « instant décisif » dans la vie de cette institution qui, sans abandonner le photojournalisme de ses débuts, s’oriente un peu plus vers une autre culture avec des autrices et des auteurs qui pratiquent de nouvelles écritures photographiques, comme Nanna Heitmann, Newsha Tavakolian, Bieke Depoorter, Khalik Allah… Une manière d’acter les changements en cours dans le monde de la photographie. Dans les projets de la directrice également, l’idée de présenter une exposition des jeunes talents de l’agence avec une curation signée Martin Parr. Une nouvelle histoire de transmission entre générations.
Carnival Strippers: Revisited
Jusqu’au 23 avril 2022
Magnum Gallery, 68, rue Léon Frot, à Paris (11e)
Cet article est à retrouver dans Fisheye #51, disponible ici.
© Susan Meiselas / Magnum Photos