Dans City Sculpture, sa série exposée au Lianzhou Foto Festival en décembre dernier, le photographe chinois Wu Dengcai pointe du doigt le phénomène des monuments de plus en plus extravagants et déconnectés des villes dans lesquelles ils sont érigés. Une critique du développement capitaliste chinois. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
Quasi introuvable sur Google, Wu Dengcai fait partie des photographes qui commencent à être connus en Chine et dont vous trouverez surtout des traces sur Baidu, le moteur de recherche chinois. Pourtant, sa série et son regard critique font de lui un des acteurs de premier plan d’une photographie chinoise consciente, que nous avons découverte malgré la censure qui a touché le festival de Lianzhou. Pour réaliser City Sculpture, Wu Dengcai a arpenté vingt provinces et soixante-dix villes au sud du fleuve Yangzi Jiang (ou Yang-tsé-kiang), d’août à octobre 2018. Ces constructions monumentales – censées être liées à l’histoire, à l’héritage culturel et profitables au prestige de la ville – sont un moyen de flatter l’ego et la carrière des politiques locaux. Elles mettent aussi en lumière la concurrence acharnée que se livrent les cités chinoises afin d’attirer population et investisseurs.
Extrêmement onéreuses, ces sculptures, dont la construction peut coûter une vingtaine de millions d’euros – L’Anneau de vie, dans la ville de Shenfu, a coûté 15 millions d’euros –, interrogent aussi l’art officiel chinois et la manière dont les commandes sont passées à des artistes reconnus par le pouvoir officiel. « Lorsque tu te promènes sur Internet, tu es littéralement submergé par les publicités qui veulent te vendre des sculptures. Mais une fois construites, elles sont souvent peu entretenues et délaissées », explique le photographe. Avec ses images à la chambre, cadrées au plus juste, Wu Dengcai transcende ces monuments et nous livre une allégorie de cet étonnant mariage entre capitalisme sauvage et régime communiste autoritaire. Un travail majeur pour comprendre la Chine d’aujourd’hui.
© Wu Dengcai
Cet article est à retrouver dans Fisheye #34, en kiosque et disponible ici.