Dans Nowhere Near, la photographe russe Alisa Martynova retrace le quotidien de migrants. Très loin du confort d’un environnement paisible, ses sujets semblent esseulés dans des paysages incertains dont les nuances traduisent l’urgence et l’effroi. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
Terreur, détermination, vulnérabilité, confiance, perte de contrôle, désespoir, trahison. Ces mots contradictoires décrivent ce que vivent hommes, femmes et enfants en quête d’une vie meilleure. Ils sont plus de 280 millions de personnes en 2020 selon l’Organisation internationale pour les migrations. « Ces dernières années, les images de migrants ont été largement exposées dans les médias, si bien que le public s’habitue à les voir et ne développe plus aucune réaction émotionnelle à leur égard », annonce Alisa Martynova, autrice russe, née en 1994, venue étudier le 8e art à la Fondation Studio Marangoni, à Florence. La jeune femme a donc choisi de travailler autour de la représentation des sentiments. Passionnée de poésie, elle développe un langage fait de symboles et de métaphores. « Je cherche à concevoir des mondes parallèles. La réalité est effrayante, je préfère proposer une traduction. Ma méthode de création est similaire aux quatre phases du processus poétique identifiées par le poète romantique anglais William Wordsworth : observation, mémoire, filtrage et composition », ajoute-t-elle. Pour son projet Nowhere Near, amorcé en 2016, elle a croisé la parole de psychologues à celle de migrants. « Certain·es rejettent leur culture d’origine en arrivant en Italie, préférant s’adapter aux nouveaux modes de vie. Et puis il y a celles et ceux qui chérissent leur histoire, leur origine et leur culture, et qui sont prêt·es à partager leurs traditions. »
Mirages ou rêves ? Nowhere Near, c’est aussi un non-lieu sombre, mais pourtant chaleureux. Nowhere Near, ce sont des paysages directement inspirés des visions de celles et ceux qui ont accepté de lui raconter leur histoire. Il y a par exemple Mahamadou, un étudiant engagé politiquement – moitié sénégalais, moitié gambien –, qui a pris la route pour fuir les persécutions politiques. Ou encore Clayton qui, une fois arrivé en Italie, s’est découvert une passion pour les danses traditionnelles africaines – il a depuis ouvert une école avec l’envie d’apprendre à bouger son corps. Le tout composant ce qu’Alisa Martynova aime appeler « l’atmosphère du sentiment humain », un clin d’œil à un autre poète romantique anglais, Percy Bysshe Shelley. Que ses modèles viennent du Nigeria, de Gambie ou de la Côte d’Ivoire, toutes et tous constituent des étoiles, parsemées ici et là, tentant de se frayer un chemin vers des galaxies plus lumineuses.
Un projet exposé au festival La Gacilly, à partir du 1er juin, dans le cadre du Prix Nouvelles Écritures.
Cet article est à retrouver dans Fisheye #53, disponible ici.
© Alisa Martynova