Peintures brésiliennes

01 octobre 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Peintures brésiliennes

Jusqu’au 6 décembre, Le BAL accueille un ensemble photographique de Miguel Rio Branco, réalisé au Brésil entre 1968 et 1992. Une collection d’images aux tons profonds révélant la beauté des lieux populaires.

Langueur, liberté, asphyxie, fluidité… Les images de Miguel Rio Branco sont faites de captivants contrastes. Fils de diplomates, l’artiste francophone a beaucoup voyagé, et pris l’habitude de s’immerger dans des cultures étrangères. Figure de proue de la création contemporaine, il expérimente avec la photographie comme avec la peinture, et laisse les différents médiums se nourrir l’un de l’autre. Il arrive pour la première fois au Brésil avant la fin de la dictature, et s’immerge dans les quartiers populaires, notamment celui de Pelourinho, situé au nord-est du pays. Un lieu tout en contradiction, autrefois riche grâce à l’esclavage, et désormais laissé à l’abandon.

C’est cette première errance, sans but, dans les ruelles sombres et grouillantes, qu’a représenté Le BAL. Diane Dufour et Alexis Fabry, les commissaires de l’exposition mettent en lumière les premiers travaux du photographe dans une scénographie singulière. Au sous-sol, l’espace d’exposition est aménagé pour représenter un cheminement urbain. Un parcours aux multiples points d’entrées au cœur duquel les visiteurs peuvent avancer au hasard, se perdre, et découvrir, au détour d’un virage, quelques images touchantes.

© Miguel Rio Branco / Magnum Photos

Capter l’énergie vitale des espaces

Si l’histoire du Brésil transparaît, dans les expressions des modèles et la dureté de leur quotidien, les images de Miguel Rio Branco ne se veulent pas documentaires. Au contraire, l’artiste ne recherche que l’esthétique, le symbolique. Influencé par la peinture, le photographe réalise des œuvres poignantes, sans perspective, où tout est frontal, saisissant. Les corps nous font face, parfois coupés, ou à moitié effacés. Pareil à un peintre, il place ses éléments, et réalise des œuvres réfléchies. Çà et là, des flous – discrets et maîtrisés – donnent à l’environnement une aura fantasmagorique.

L’artiste capte l’énergie vitale des espaces. La beauté des gens, la couleur des murs, la texture des routes. Il fige le mouvement avec une grâce formidable et joue avec les reflets des miroirs pour convoquer le surnaturel. Face à son objectif, par exemple, les sauts des jeunes pratiquant la capoeira deviennent des entrechats, dans une séquence hypnotique aux tons sombres qu’on ne peut lâcher du regard. Il nous semble manquer de souffle en pénétrant dans les rues insalubres de Pelourinho, aux côtés du photographe, tant les couleurs qui parsèment ses images nous invitent à goûter les bruits, les odeurs, l’essence des lieux. Une sensation prolongée par le livre accompagnant l’exposition, publiée aux Éditions Toluca, qui présente une collection d’images inédites, réalisées à partir de négatifs brûlés. Les traces laissées par l’incendie offrent aux clichés une dimension organique, suffocante.

 

Miguel Rio Branco, Éditions Toluca, 35€, 120 p. 

 

Miguel Rio Branco, Photographies 1968-1992

Jusqu’au 6 décembre

Le BAL, 6 impasse de la Défense, Paris

© Miguel Rio Branco / Magnum Photos© Miguel Rio Branco / Magnum Photos© Miguel Rio Branco / Magnum Photos© Miguel Rio Branco / Magnum Photos© Miguel Rio Branco / Magnum Photos

© Miguel Rio Branco / Magnum Photos

Explorez
Tour, street style et avortement : nos coups de cœur photo de mars 2025
The Tower © Xiaofu Wang
Tour, street style et avortement : nos coups de cœur photo de mars 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
28 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 17 mars 2025 : Arles, Agnès Varda et souvenirs
The Tower © Xiaofu Wang
Les images de la semaine du 17 mars 2025 : Arles, Agnès Varda et souvenirs
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, nous vous parlons de la programmation des Rencontres d’Arles, de la rétrospective que le musée...
23 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Steph Wilson : Une provoc' à soi
Self (WIP) © Steph Wilson
Steph Wilson : Une provoc’ à soi
Entre satire esthétique et image de mode, l'artiste britannique Steph Wilson compose sa série d’autoportraits Self (WIP), un work in...
20 mars 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Des champs de courses aux défilés : l’histoire de la photographie street style
© Séeberger Frères, Les comtesses de Vitrolles et de Miramont au champ de courses, 1925-1930, tirage gélatino-argentique, Achat, coll. Ufac, 1977 / musée des Arts décoratifs
Des champs de courses aux défilés : l’histoire de la photographie street style
Rituel incontournable de la Fashion Week, les clichés pris aux abords des défilés constituent un genre à part entière dont les origines...
19 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Arielle Bobb-Willis célèbre la vie
© Arielle Bobb-Willis
Arielle Bobb-Willis célèbre la vie
Issue du mouvement de l’avant-garde noire contemporaine que nous présentons dans notre dernier numéro, Arielle Bobb-Willis capture le...
28 mars 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Tour, street style et avortement : nos coups de cœur photo de mars 2025
The Tower © Xiaofu Wang
Tour, street style et avortement : nos coups de cœur photo de mars 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
28 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Frida Forever : interroger le validisme en images
© Frida Lisa Carstensen Jersø Fisheye
Frida Forever : interroger le validisme en images
Le livre Frida Forever de Frida Lisa Carstensen Jersø explore la vie avec une maladie chronique entre autoportraits et mises en scène....
27 mars 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Algorithmes 
sous influence
© Lena Simonne, backstage du show Étam 2024 à Paris.
Algorithmes 
sous influence
Autrefois dominé par les magazines et les photographes, le secteur de la mode s’est transformé sous l’impulsion...
27 mars 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand