Jusqu’au 3 janvier, rendez-vous à Deauville pour la 11ème édition du Festival Planches Contact ! Les photographes invités posent avec brio leur regards sur le territoire normand. En privilégiant les résidences de création et les commandes publiques, Planches Contact nous invite à explorer ce lieu iconique. De Martin Parr à Todd Hido en passant par Lorenzo Castore, déambulez dans cette ville à la pointe de la photographie contemporaine!
« Le Festival Planches Contact 2020 ne révèle pas seulement la créativité et le talent des photographes, il est pour nous l’évènement qui a vaincu, malgré les difficultés d’une pandémie internationale »,
déclare le maire de Deauville, Philippe Augier. Engagé envers les artistes touchés économiquement par cette crise, le Festival résiste et sa 11e édition a été maintenue. En tournant leurs regards vers ce lieu singulier et ses alentours, les photographes nous invitent à déambuler le long de la plage.
Si la crise sanitaire et ses conséquences sur les frontières internationales ont bousculé la programmation, elle a aussi été l’occasion d’explorer de nouveaux champs de recherches. Plus que jamais, c’est le thème du contact humain qu’on retrouve ici et là, dans le travail des artistes. « Je cherche à témoigner d’une rencontre, après une privation de libertés pendant le confinement » explique Mathias Depardon pour présenter sa série Being yourself is the best revolution. Plus généralement, c’est l’amour qu’on retrouve dans cette édition 2020. En témoigne la série Gros Bisous de la Côte Fleurie du groupe de photographes Riverboom. Parsemées à travers la ville comme une bienveillante provocation, on retrouve des images de couples qui s’embrassent. Arrêt sur trois photographes phares du Festival : Martin Parr, Lorenzo Castore et Todd Hido.
© Mathias Depardon
Comme un salut à nos voisins du nord
Invité d’honneur cette année, Martin Parr présente sa série culte The Last Resort rebaptisée Nos voisins les Anglais. En format géant sur la plage, cette exposition à la scénographie impressionnante, s’impose comme une porte vers la mer – mais aussi vers l’Angleterre ! Avec ironie, sarcasme et parfois tendresse, « il raconte la transformation des modes de vie et le développement de la société de consommation », explique Laura Serani, directrice artistique du Festival.
Véritable trompe l’œil, la dissonance entre la plage mythique de Deauville et ces images de vacanciers issus de la classe ouvrière en Angleterre provoque l’embarras. En cette année historique du Brexit, l’exposition de Martin Parr reflète l’autre côté de la Manche. Comme un salut à nos voisins du nord, l’exposition renvoie à l’absurdité de ce départ de l’Europe. En photographiant ces personnes insouciantes des années 1980 et 1990, une certaine nostalgie se crée pour cette époque où se cristallisaient tous les paradoxes so british.
© Martin Parr / Magnum Photos
Une sorte de confinement volontaire !
« Le confinement était particulièrement violent pour les adolescents »
remarquait le photographe italien Lorenzo Castore. Pendant sa résidence à Deauville, il a décidé de se concentrer sur Théo et Salomé, 18 ans. « Je suis tombé amoureux de ce couple, ils me rappelaient le sentiment du premier amour – une sorte de confinement volontaire ! » explique le photographe. Pendant deux semaines, il capturait chaque instant. « Ce sont des jeunes normaux et ordinaires, dans le meilleur sens du terme », commente le photographe.
C’est cette simplicité que célèbre l’artiste, connu pour ces œuvres qui s’étendent parfois sur des années. « J’ai voulu faire un travail ouvert vers le futur, contre le cynisme et l’absence de perspective de beaucoup de jeunes aujourd’hui. Je voudrais que cette normalité périphérique inspire potentialités et rêves, en arrivant à transformer le banal en exceptionnel » déclare-t-il. Métaphore de l’espoir, de l’intimité, mais aussi d’un certain contraste social, sa série Théo et Salomé s’éloigne du format traditionnel et amène l’exposition dans la rue. En tapissant un mur d’un collage de ces images, Lorenzo Castore introduit le couple auprès des jeunes deauvillois. Un travail qui respire un air de jeunesse.
© Lorenzo Castore
Fusionner dans la bonne composition
« C’était réellement merveilleux de bénéficier de l’assistance et des conseils des gens du coin pour me guider dans des endroits que je n’aurais pu découvrir si j’avais été seul »
explique Todd Hido. À découvrir dans une salle plongée dans le noir, au Point de Vue de Deauville, son œuvre Et puis, il y a eu les oiseaux résulte d’une longue méditation hivernale et contemplative. En poursuivant sa quête d’instants qui se rapportent à ses propres souvenirs, le photographe élabore une série de paysages et portraits, obscurs et mélancoliques. Inspirée par les peintres du Nord et flamands, Todd Hido puise dans la lumière normande des tonalités froides et atténuées pour sculpter ses images.
« Comme pour toute photographie, ce sur quoi on tombe par hasard est souvent ce que l’on cherchait – sauf qu’on ne savait pas avant de la voir » raconte l’artiste. À l’image du temps sévère de la côte normande en hiver, Todd Hido suggère une instabilité derrière l’apparence des paysages. En affrontant les éléments, il capture dans ses images la poésie de ces lieux irréels. Malgré le balancement incertain des paysages, presque par chance, il saisit le ton juste. « Et puis, il y a eu les oiseaux que j’ai toujours chassé avec mon appareil photo mais, d’une certaine façon, seulement à Deauville, ils ont fusionné dans la bonne composition », remarque le photographe.
Par ses installations monumentales et ses scénographies complexes, le Festival Planches Contact s’impose comme l’un des événements immanquables de la photographie contemporaine. Dans le théâtre d’un paysage toujours changeant, face à la mer, on découvre une constellation d’auteurs qui décortiquent merveilleusement les problèmes de notre temps.
Jusqu’au 3 janvier 2021
Deauville
© Todd Hido
© Martin Parr / Magnum Photos
© Lorenzo Castore
© Riverboom
© Mathias Depardon
Image d’ouverture : © Mathias Depardon