La seconde édition du festival InCadaqués vient d’ouvrir ce week-end et vous accueille jusqu’au 30 septembre dans un cadre de rêve. L’occasion de découvrir plusieurs photographes de talent, et de retrouver des auteurs publiés sur notre site. Visite guidée.
L’été joue les prolongations à Cadaqués. Arrivés de nuit et accueillis par l’équipe du festival dans une villa qui domine la baie, on est d’emblée transportés dans un autre temps. Est-ce la douceur de la brise, la clarté de la Lune ou l’éclat des étoiles qui nous séduit, on est déjà convaincu qu’on va passer un bon moment. Et justement, faire des rencontres, visiter la cité, se perdre dans ses ruelles et découvrir des photographes aux écritures éclectiques font partie du programme de ce jeune festival initié par Valmont Achalme.
Rassembler des passions
Après avoir grandi à Cadaqués et étudié de photo à Barcelone, Valmont a inventé le Lumigraphe, un appareil qui allie les mystères de la chambre noire aux performances du smartphone. Mais Valmont est aussi un habitué des fêtes qu’organisait son père à L’Hostal, la discothèque qui animait le village durant des décennies et où Dali faisait des apparitions remarquées. Alors quand le lieu a fermé et que la cité a perdu le rayonnement qui attirait les peintres et les artistes, Valmont a eu l’idée de rassembler ses passions – photographie, amour pour son village et goût pour les rencontres – pour organiser un festival, InCadaqués, dont la première édition s’est tenue l’an dernier.
Valmont Achalme © Éric Karsenty
Surréalisme
La trentaine d’expositions qui vous font déambuler dans les ruelles et flâner sur la promenade près des barques de pêcheurs réserve quelques surprises. L’une des plus étonnantes est justement à quelques mètres du port, dans un café, au pied de la statue du pape du surréalisme. Sur une dizaine de chevalets on découvre des vintages signés de Man Ray, extraits du portfolio La Résurrection des mannequins : une rencontre pour le moins singulière. Plus loin, en restant au bord de l’eau, on longe une bâche géante titrée MarePlurale, signée Elio Germani, jeune photographe italien. Au premier regard, on y devine le dessin des vagues à la surface de la mer, mais l’on perçoit en s’approchant que l’image est constituée d’une mosaïque de portraits de migrants. On continue le chemin et on arrive dans une galerie qui présente les tirages d’Israel Ariño, des photos réalisées au collodion humide, un procédé ancien qui confère à ces épreuves une puissance onirique et mystère particuliers.
On s’enfonce ensuite dans les ruelles étroites pour trouver d’autres galeries, comme celle qui accueille Maripol, célèbre photographe de mode, qui expose plusieurs travaux, dont une très belle série produite à Cuba dans les années 90, Salsa y Santeria, des transferts polaroid scannés et agrandis aux couleurs chaudes et sensuelles. Un travail montré pour la première fois et qui nous a conquis. À deux pas de là, on découvre les travaux de deux photographes japonais sélectionnés par le Yakushima Photo Festival, avec en particulier les images ténébreuses et énigmatiques de Yutaka Komase, dommage que l’espace n’ait pas permis d’en voir plus. Quelques mètres plus loin, c’est Stéphane Lavoué, prix Niépce 2018, qui montre la série The Kingdom, une expo signée par la Fisheye Gallery, partenaire du festival.
© Maripol
Première photojournaliste d’Espagne
On revient au bord de l’eau et on monte au second étage du Casino, superbe bâtisse d’un blanc immaculé venue d’un autre temps, pour découvrir les lauréats de l’Open Call Runners-up, avec un vrai coup de cœur pour Dominic Turner, jeune irlandais lauréat du concours, et Alexandra Serrano, déjà publiée sur Fisheye.fr. Dans une autre partie du village, on trouve les galeries historiques qui ont accueilli Marcel Duchamp, Dali et Picasso au début du siècle dernier. Ici, le festival rend hommage à Joana Biarnés, née en 1935, considérée comme la première photojournaliste d’Espagne. Dans le même secteur, on craque pour une très belle photo de Sebran d’Argent où les corps semblent irréels, frappés par une lumière laiteuse et sensuelle qui rappelle celle des anciens Polaroïds. Enfin les habitués de notre site seront heureux de retrouver les travaux de Mélanie Desriaux et Kalel Koven, du collectif In Frame, dans un très beau lieu entièrement rénové par le festival, épaulé pour cette seconde édition par une dizaine d’étudiants des Gobelins.
© Mélanie Desriaux
Belle énergie
Porté à bout de bras par Valmont Achalme et sa petite équipe – Olivia Seigneurgens, Loreleï Buser Suero, Nadia Lessard, Alex Marillat, Eric Marais et Paul Icard – ce nouveau festival entièrement autofinancé avec un petit budget de 25 000 euros et quelques partenariats – comme celui de Granon Digital qui a édité quatre livrets en risographie faisant office de catalogue –, a encore une belle marge de progression devant lui. En particulier sur la direction artistique de certaines expositions dont la sélection des images, trop large, dessert le propos, et sur le choix de quelques lieux (boutiques, restaurants) qui, pour sympathiques qu’ils soient, sont un cran en dessous du reste du programme. Mais le plaisir était au rendez-vous, et on a cru retrouver la belle énergie qu’on imagine avoir été celle à l’origine des Rencontres d’Arles, il y a presque un demi-siècle. C’est sans doute la raison pour laquelle les photos qu’avait faites Lucien Clergue de Dali étaient exposées l’an dernier. Une passion pour la photo et le goût des rencontres qui méritait bien un passage de relais.
© à g. Sebran d’Argent & Éric Karsenty (Man Ray, et la statue de Dali)
© Dominic Turner
© Israël Ariño
© Kalel Koven
Photo d’ouverture © Dominic Turner