Antoine d’Agata et ses tendres violences

27 mars 2019   •  
Écrit par Anaïs Viand
Antoine d’Agata et ses tendres violences

Le photographe et réalisateur Franck Landron a réussi un pari fou : réaliser un long métrage sur Antoine D’Agata. L’occasion de comprendre le processus de création de ce photographe fascinant. Mise au point sur D’Agata – Limite(s), un film violent et sublime.

« Je voulais essayer d’expliquer son travail (…) pour essayer de comprendre ce qu’est la création », annonce Franck Landron au sujet de son long métrage D’Agata, Limite(s), consacré au photographe français. Dans son film, le réalisateur et ex-journaliste-photographe Franck Landron a étudié le processus de création d’Antoine d’Agata. Archives, vues d’exposition, vidéos du quotidien composent un récit aux multiples lectures.
Discret, Antoine d’Agata se livre peu face à la camera. D’infimes confessions se fondent dans les témoignages d’experts parmi lesquels François Cheval, Christian Caujolle, Christine Ollier, ou encore Claude Nori et Xavier Barral. Chacun d’eux tente de démystifier le personnage et d’expliquer son œuvre inépuisable. Un pêle-mêle d’images et de références souvent sombres, et pourtant fascinantes guide le spectateur durant ses errances. Au Cambodge ou dans les bas-fonds nocturnes, le regardeur est immergé dans un désordre violent.

«Face à l’oppression que génère l’abondance d’images stéréotypées et leur démultiplication par les industries culturelles, face à cette pornographie généralisée, vivre devient le seul enjeu », Antoine d’Agata.

Un homme sans limite

Antoine d’Agata est un solitaire en quête de solitude et d’authenticité. À travers chacun de ses projets, il propose une vision politique de notre société. Drogue, prostitution, transformation urbaine, il dépeint les misères du monde avec une tendre violence. Il ne cesse de déconstruire les vérités pour soumettre sa propre conception de la vie. On (re)découvre un homme qui photographie selon son instinct et ses désirs. « Je me nourris de ce danger de l’inconnu », confie-t-il face caméra. Une obsession pour la violence qui le pousse jusqu’au Mexique où, pour produire des images, il est contraint de s’injecter de la cocaïne au quotidien.

« Le flou rend la réalité plus accessible, plus perceptible, plus nette… », explique-t-il. La frontière entre réel et fiction est toujours floue. Et la question de la limite, puisque c’est de cela dont il est question dans ce film, est omniprésente. Quelle est sa limite ? Lui-même ne le sait pas. En quête d’expériences, il tente de capturer la vie, dans ses intensités et ses imprévus. Une chose est certaine, il est un artiste passionné qui peine à se détacher de ses sujets. Où se situe les limites acceptables ? Faut-il toujours les repousser ? Si se piquer à plusieurs reprise face caméra en constitue une pour de nombreux spectateurs, Antoine d’Agata, lui, assume cet acte constitutif de son processus de création. N’est-ce pas cela le rôle de l’artiste que d’intriguer, provoquer et questionner ? Une plongée réussie dans l’univers d’un homme sans limite, qui maîtrise les mots comme l’image.

Visible au Saint-André des Arts – 30 rue Saint-André-des-Arts – 75006 Paris 6e arrondissement


Limite(s) © Franck Landron

Limite(s) © Franck Landron Limite(s) © Franck Landron

Limite(s) © Franck Landron

Limite(s) © Franck LandronLimite(s) © Franck LandronLimite(s) © Franck Landron

D’Agata – Limite(s) © Franck Landron

Limite(s) © Franck Landron

Explorez
Les coups de cœur #535 : Clara Vincent et Francesco Freddo
© Francesco Freddo
Les coups de cœur #535 : Clara Vincent et Francesco Freddo
Clara Vincent et Francesco Freddo, nous coups de cœur de la semaine, se sont tous·tes les deux plongé·es dans le médium photographique...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 03.03.25 au 09.03.25 : affirmation de soi et curiosité
© Clémentine Balcaen
Les images de la semaine du 03.03.25 au 09.03.25 : affirmation de soi et curiosité
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye partagent des récits d’affirmation de soi. En parallèle, elles révèlent...
09 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Photographie post-mortem : pont sensible entre vivant·es et défunt·es
© Hervé Bohnert. Exposition Les Immortels à la librairie Alain Brieux, photographe non identifié, sans titre, vers 1860.
Photographie post-mortem : pont sensible entre vivant·es et défunt·es
Le livre Posthume rassemble une centaine de clichés de défunt·es et d’objets funéraires issus de la collection de l’artiste Hervé...
06 mars 2025   •  
Écrit par Ana Corderot
Fisheye x La Poste : les noms des trois lauréats viennent d’être révélés !
© Alexis Barbe
Fisheye x La Poste : les noms des trois lauréats viennent d’être révélés !
La Poste vient de révéler les noms des trois lauréats de son grand concours. Celui-ci invitait les photographes à immortaliser leur...
05 mars 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les coups de cœur #535 : Clara Vincent et Francesco Freddo
© Francesco Freddo
Les coups de cœur #535 : Clara Vincent et Francesco Freddo
Clara Vincent et Francesco Freddo, nous coups de cœur de la semaine, se sont tous·tes les deux plongé·es dans le médium photographique...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 03.03.25 au 09.03.25 : affirmation de soi et curiosité
© Clémentine Balcaen
Les images de la semaine du 03.03.25 au 09.03.25 : affirmation de soi et curiosité
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye partagent des récits d’affirmation de soi. En parallèle, elles révèlent...
09 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
3 questions à Rob Woodcox et Marie Thibouméry : le pouvoir de l'union des femmes
Naissance d'une Marée © Marie Thiboumery et Rob Woodcox
3 questions à Rob Woodcox et Marie Thibouméry : le pouvoir de l’union des femmes
En découvrant General Prim, un lieu de culture alternatif à Mexico, le photographe américain Rob Woodcox et la directrice artistique...
08 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Une clinique pour l'avortement naît des cendres de Roe v. Wade
Safe Heaven, Partners Clinic, Day 3. © Maggie Shannon
Une clinique pour l’avortement naît des cendres de Roe v. Wade
Si les droits des femmes régressent à travers le monde, et en particulier aux États-Unis, associations, personnel médical et artistes...
08 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger