Dans le feu des manifestations

11 janvier 2021   •  
Écrit par Finley Cutts
Dans le feu des manifestations

La photographe-militante Émilie Désir, arpente les mouvements sociaux parisiens, et capture une réalité, souvent délaissée par les médias. Intimement politique, son travail témoigne des rapports de forces qui s’opèrent entre policiers et manifestants. À l’heure où la diffusion d’images est mis en cause, ces clichés rappellent l’importance d’une pluralité des visions.

« Toutes les photos sont politiques »,

revendique la photographe Émilie Désir. Rues enflammées, militants masqués, et policiers armés, les images de l’auteure parisienne, exaltent l’énergie des mouvements contestataires. Toujours autour du cou, pour faire face à l’imposant outillage policier, l’appareil photo devient son instrument de prédilection. Avant tout militant, son travail apparaît comme une réponse personnelle aux flux d’images des médias. « Je descendais dans la rue comme beaucoup pour voir de mes propres yeux et me faire une opinion. J’ai eu envie de montrer ce que je ressentais, car j’ai eu l’impression que les médias le trahissaient », explique-t-elle. Un travail nécessaire mais malheureusement menacé par la dernière proposition de loi Sécurité Globale, interdisant la diffusion d’images de policiers.

En résultent des images dynamiques et honnêtes où se répand une odeur de gaz lacrymogènes. Pour s’opposer à la tendance actuelle de produire des images en masse – à un rythme effréné –, Émilie Désir affectionne la photographie argentique. « Le processus de l’argentique est presque devenu un rituel, le moment où j’enclenche un nouveau film est jouissif », raconte-t-elle. Une manière de prendre du recul, et de digérer son travail. « À notre époque, on a pour habitude de consommer de l’image tous les jours à chaque minute. On peut vite s’y perdre. J’aime devoir attendre les délais du laboratoire, et ressentir la pression qui monte avant de découvrir enfin mes photos ». La lenteur de l’analogique rencontre, chez la militante, le brouhaha des manifestations, esquissant un travail intime et réfléchi.

© Émilie Désir© Émilie Désir

Le drapeau noir à l’unisson

Poussée par son attachement à l’objet papier, Émilie Désir privilégie jusque-là les fanzines pour exposer ses récits. En témoigne, en 5 actes, une série couvrant le mouvement des Gilets Jaunes, publiée au compte-goutte aux Éditions Nuit Noire. « J’aime le format du fanzine, j’aime l’esprit lié à cet objet. Il est apparu à l’aube des années 30, et a été très largement démocratisé avec le mouvement punk des années 70. J’aime le fait qu’on peut le trimballer facilement dans son sac, et qu’il soit abordable pour tous. C’est un objet fait pour être passé de main en main, peu importe s’il est corné ou tâché », explique-t-elle. En accordant une véritable autonomie à son travail, ses photos circulent, se partagent et se vivent librement – à l’image de ses convictions politiques.

À l’écoute de ses sens, la photographe se laisse entraîner par la foule, et capture à l’instinct, des moments symboliques des luttes populaires. « Si je décide de capturer une voiture en feu, ce n’est pas simplement pour l’esthétique. Ce n’est pas anodin qu’un individu décide d’enflammer « la rue ». C’est représentatif d’un profond malaise. Je cherche à mettre en lumière les soulèvements d’un peuple délaissé », réagit-elle. Des marches de solidarité, aux soulèvements contre la loi Sécurité Globale, Émilie Désir navigue entre les foules avec son appareil photo, et capture des moments clés. Dans ses portraits, seuls les yeux sont visibles : un aperçu de l’humain et de sa fragilité. En brandissent le drapeau noir à l’unisson, ces figures se rallient dans l’anonymat, et crient haut et fort leur colère. Des images qui entretiennent l’espoir d’un monde meilleur – après tout, « les mauvais jours finiront », conclut l’auteure.

© Émilie Désir© Émilie Désir
© Émilie Désir
© Émilie Désir© Émilie Désir
© Émilie Désir© Émilie Désir
© Émilie Désir© Émilie Désir
© Émilie Désir© Émilie Désir
© Émilie Désir© Émilie Désir

© Émilie Désir

Explorez
La Galerie Carole Lambert réenchante l'œuvre de Manuel Álvarez Bravo
Petit cheval de Quito © Archivo Manuel Álvarez Bravo
La Galerie Carole Lambert réenchante l’œuvre de Manuel Álvarez Bravo
Jusqu'au 18 décembre 2025, la Galerie Carole Lambert devient l’écueil des 40 tirages d’exception du photographe mexicain Manuel Álvarez...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Emilio Azevedo : En ligne de mire
Rondônia (Comment je suis tombé amoureux d’une ligne), 2023 © Emilio Azevedo
Emilio Azevedo : En ligne de mire
Présentée dans le cadre du festival PhotoSaintGermain et au musée du Quai Branly, l'exposition Rondônia. Comment je suis tombé amoureux...
20 novembre 2025   •  
Écrit par Milena III
À la MEP, Tyler Mitchell joue avec les codes du portrait formel
The root of all that lives, 2020 © Tyler Mitchell. Courtesy de l'artiste et de la Galerie Gagosian
À la MEP, Tyler Mitchell joue avec les codes du portrait formel
Jusqu’au 25 janvier 2026, la Maison européenne de la photographie présente la première exposition personnelle de Tyler Mitchell en...
19 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Au musée des Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières exhume la mémoire
© Guénaëlle de Carbonnières
Au musée des Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières exhume la mémoire
Jusqu’au 1er février 2026, le musée des Arts décoratifs de Paris vous invite à découvrir Dans le creux des images. Cette exposition...
19 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La Galerie Carole Lambert réenchante l'œuvre de Manuel Álvarez Bravo
Petit cheval de Quito © Archivo Manuel Álvarez Bravo
La Galerie Carole Lambert réenchante l’œuvre de Manuel Álvarez Bravo
Jusqu'au 18 décembre 2025, la Galerie Carole Lambert devient l’écueil des 40 tirages d’exception du photographe mexicain Manuel Álvarez...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les secrets des météorites dévoilés par Emilia Martin
I saw a tree bearing stones in place of apples and pears © Emilia Martin
Les secrets des météorites dévoilés par Emilia Martin
Dans son livre I Saw a Tree Bearing Stones in the Place of Apples and Pears, publié chez Yogurt Editions, Emilia Martin s’intéresse au...
21 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Jonathan Bertin : l'impressionnisme au-delà des frontières
Silhouette urbaine, Séoul Impressionism © Jonathan Bertin
Jonathan Bertin : l’impressionnisme au-delà des frontières
Jusqu’au 20 décembre 2025, Jonathan Bertin présente, à la Galerie Porte B, un dialogue délicat entre sa Normandie natale et Séoul, ville...
20 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Emilio Azevedo : En ligne de mire
Rondônia (Comment je suis tombé amoureux d’une ligne), 2023 © Emilio Azevedo
Emilio Azevedo : En ligne de mire
Présentée dans le cadre du festival PhotoSaintGermain et au musée du Quai Branly, l'exposition Rondônia. Comment je suis tombé amoureux...
20 novembre 2025   •  
Écrit par Milena III