En collaboration avec l’association TIMMY – Soutien aux Mineurs Exilés, le photographe Alexis Pazoumian réalise le portrait de trois jeunes migrants. Une série aussi poignante qu’élégante.
Après avoir documenté les favelas, au Brésil, et s’être aventuré dans la taïga sibérienne, Alexis Pazoumian a tourné son regard vers son pays d’origine : la France. Durant le confinement, le photographe documentaire a rencontré trois Mineurs Exilés qui se battent pour réussir leur vie sur ce nouveau territoire. « Au départ, une amie psychologue, qui suivait de nombreux mineurs exilés à Paris, m’a parlé de leur situation, et des tests osseux que certains doivent subir pour prouver leur minorité », raconte-t-il. Une procédure dont la marge d’erreur avoisine les deux ans – et peut s’étirer jusqu’à quatre ans.
Touché, Alexis Pazoumian décide de réaliser un court-métrage immersif, pour mettre en lumière cette injustice. Il fait équipe avec TIMMY, une association bénévole qui vient en aide aux jeunes isolés. « Il existe très peu d’organismes qui soutiennent ces personnes à Paris. Espérance, la responsable de TIMMY, s’investit 7 jours sur 7 auprès d’eux », précise-t-il. Bravant la quarantaine, l’auteur part alors à la rencontre de trois Mineurs Exilés qui, malgré la peur de témoigner, ont trouvé le courage d’exprimer leur désarroi. Il signe une série touchante et raffinée.
Des solutions temporaires
Dans un noir et blanc élégant, Alexis Pazoumian capture les visages pensifs, le doute dans les yeux de ces jeunes. Mamadou, 19 ans, est tombé dans l’alcool et la drogue, en arrivant dans un squat à Paris. Après avoir contacté l’association, il s’en sort, à force de volonté, et déménage en Bretagne, où il poursuit une formation dans l’agriculture. Le covid, cependant, rend impossible son hébergement en famille d’accueil. Venu de Guinée, Ibrahim, 16 ans, s’est vu refuser son statut de mineur en arrivant sur le territoire. Incapable de demander un recours à la veille du confinement, il trouve un endroit où dormir par l’intermédiaire de Timmy, dans des appartements prêtés par des citoyens. S’il a été reconnu mineur, Adama, 17 ans, est quant à lui transféré dans une autre ville, où on le renvoie à la rue.
« Les périodes de recours peuvent être très longues, il peut se passer plusieurs mois, voire années, pendant lesquels les jeunes se retrouvent dehors (…) Ils sont perturbés, la situation n’est jamais stable. Ils vont de logement en logement, nous trouvons des solutions, mais seulement temporaires », confie l’une des bénévoles de l’association. Face à l’objectif d’Alexis Pazoumian, les jeunes se livrent et racontent leurs parcours. Dissimulés derrière des masques chirurgicaux, photographiés de dos ou en plans rapprochés, ils deviennent les visages d’une population minoritaire éternellement maintenue dans l’ombre. Anonymes, et pourtant bien réels. Particulièrement soignées, les compositions de l’auteur évoquent la photographie de mode, et donnent à ces modèles une noblesse méritée.
© Alexis Pazoumian