Mineurs désœuvrés

30 septembre 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Mineurs désœuvrés

En collaboration avec l’association TIMMY – Soutien aux Mineurs Exilés, le photographe Alexis Pazoumian réalise le portrait de trois jeunes migrants. Une série aussi poignante qu’élégante.

Après avoir documenté les favelas, au Brésil, et s’être aventuré dans la taïga sibérienne, Alexis Pazoumian a tourné son regard vers son pays d’origine : la France. Durant le confinement, le photographe documentaire a rencontré trois Mineurs Exilés qui se battent pour réussir leur vie sur ce nouveau territoire. « Au départ, une amie psychologue, qui suivait de nombreux mineurs exilés à Paris, m’a parlé de leur situation, et des tests osseux que certains doivent subir pour prouver leur minorité », raconte-t-il. Une procédure dont la marge d’erreur avoisine les deux ans – et peut s’étirer jusqu’à quatre ans.

Touché, Alexis Pazoumian décide de réaliser un court-métrage immersif, pour mettre en lumière cette injustice. Il fait équipe avec TIMMY, une association bénévole qui vient en aide aux jeunes isolés. « Il existe très peu d’organismes qui soutiennent ces personnes à Paris. Espérance, la responsable de TIMMY, s’investit 7 jours sur 7 auprès d’eux », précise-t-il. Bravant la quarantaine, l’auteur part alors à la rencontre de trois Mineurs Exilés qui, malgré la peur de témoigner, ont trouvé le courage d’exprimer leur désarroi. Il signe une série touchante et raffinée.

© Alexis Pazoumian© Alexis Pazoumian

Des solutions temporaires

Dans un noir et blanc élégant, Alexis Pazoumian capture les visages pensifs, le doute dans les yeux de ces jeunes. Mamadou, 19 ans, est tombé dans l’alcool et la drogue, en arrivant dans un squat à Paris. Après avoir contacté l’association, il s’en sort, à force de volonté, et déménage en Bretagne, où il poursuit une formation dans l’agriculture. Le covid, cependant, rend impossible son hébergement en famille d’accueil. Venu de Guinée, Ibrahim, 16 ans, s’est vu refuser son statut de mineur en arrivant sur le territoire. Incapable de demander un recours à la veille du confinement, il trouve un endroit où dormir par l’intermédiaire de Timmy, dans des appartements prêtés par des citoyens. S’il a été reconnu mineur, Adama, 17 ans, est quant à lui transféré dans une autre ville, où on le renvoie à la rue.

« Les périodes de recours peuvent être très longues, il peut se passer plusieurs mois, voire années, pendant lesquels les jeunes se retrouvent dehors (…) Ils sont perturbés, la situation n’est jamais stable. Ils vont de logement en logement, nous trouvons des solutions, mais seulement temporaires », confie l’une des bénévoles de l’association. Face à l’objectif d’Alexis Pazoumian, les jeunes se livrent et racontent leurs parcours. Dissimulés derrière des masques chirurgicaux, photographiés de dos ou en plans rapprochés, ils deviennent les visages d’une population minoritaire éternellement maintenue dans l’ombre. Anonymes, et pourtant bien réels. Particulièrement soignées, les compositions de l’auteur évoquent la photographie de mode, et donnent à ces modèles une noblesse méritée.

© Alexis Pazoumian© Alexis Pazoumian

© Alexis Pazoumian

© Alexis Pazoumian© Alexis Pazoumian

© Alexis Pazoumian

© Alexis Pazoumian

Explorez
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
© Madeleine de Sinéty
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
L’exposition Madeleine de Sinéty. Une vie, présentée au Château de Tours jusqu'au 17 mai 2026, puis au Jeu de Paume du 12 juin au 27...
À l'instant   •  
Écrit par Costanza Spina
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
© Sarah van Rij
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
Jusqu’au 25 janvier 2026, Sarah van Rij investit le Studio de la Maison européenne de la photographie et présente Atlas of Echoes....
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Guénaëlle de Carbonnières : creuser dans les archives
© Guénaëlle de Carbonnières
Guénaëlle de Carbonnières : creuser dans les archives
À la suite d’une résidence aux Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières a imaginé Dans le creux des images. Présentée jusqu’au...
11 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
© Bastien Bilheux
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
Bastien Bilheux et Thao-Ly, nos coups de cœur de la semaine, vous plongent dans deux récits différents qui ont en commun un aspect...
08 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
© Madeleine de Sinéty
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
L’exposition Madeleine de Sinéty. Une vie, présentée au Château de Tours jusqu'au 17 mai 2026, puis au Jeu de Paume du 12 juin au 27...
À l'instant   •  
Écrit par Costanza Spina
Les coups de cœur #569 : Axel Pimont et Pierre Leu
© Axel Pimont
Les coups de cœur #569 : Axel Pimont et Pierre Leu
Axel Pimont et Pierre Leu, nos coups de cœur de la semaine, pratiquent avec retenue la photographie de rue. Si les deux cherchent à...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 8 décembre 2025 : existences et plasticité
© Magdalene Busse / Instagram
Les images de la semaine du 8 décembre 2025 : existences et plasticité
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes témoignent de la vie quotidienne et jouent avec la plasticité de leurs images. ...
14 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Grégoire Beraud et les terres colorées de l'Amazonie
Kipatsi © Grégoire Beraud
Grégoire Beraud et les terres colorées de l’Amazonie
Dans sa série Kípatsi, réalisée dans l’Amazonie péruvienne, Grégoire Beraud met en lumière la communauté Matsigenka, sa relation à la...
13 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger