Photo London grandit bien. Pour sa 4ᵉ édition, qui se tenait du 17 au 20 mai 2018, Michael Benson et Fariba Farshad ont réussi leur pari : une foire très cohérente qui vient se placer en deuxième position derrière Paris Photo. Le plus ? Une section Discovery très réussie. Compte rendu.
a certainement profité d’un des plus beaux week-ends que la capitale britannique connaîtra cette année avec une température exceptionnelle de 25 °C et une absence presque totale de nuage. Tout était réuni pour mettre en valeur les espaces de réception extérieurs, sous tente, mis en place cette année. Ajoutez à cela le mariage princier de Harry et Meghan qui a mis le tout-Londres d’humeur badine. Il faut certainement un peu de chance pour réussir dans le monde impitoyable des foires, mais le succès de Photo London doit plus à la qualité des œuvres exposées qu’à une météo ou une actualité au beau fixe.
Commençons tout d’abord par ce qui pourrait mettre un bémol à notre enthousiasme. Parmi les déceptions, on peut noter encore trop de stands de photo « people », qui rencontrent un beau succès auprès d’un public londonien, finalement peu averti en la matière.
On pense notamment au stand Iconic Images qui présentait un solo show de Terry O’Neill en grande partie consacré à James Bond. Le photographe de 80 ans a couvert tous les films de la saga, de Sean Connery à Daniel Craig dans la peau de l’agent double. Des images de plateau tirées à 50 exemplaires et vendues 7 000 livres sans TVA et sans cadre. Ce genre de pratique n’aide pas le marché de la photo d’art, même si les clichés trouvent preneurs.
De même chez Peter Fetterman Gallery, on découvre un tirage vintage de 1978 de la célèbre photo d’Ansel Adams, Moonrise, Hernandez, New Mexico (1941), représentant la lune au-dessus d’un paysage du Nouveau-Mexique pour la modique somme de 65 000 dollars. Une aubaine ? La même image avait dépassé les 600 000 dollars aux enchères, en 2006 (vente Sotheby’s). Pas vraiment car dans le format proposé, Ansel Adams a tiré plus de mille fois cette image. En tout, elle existe à 1 300 exemplaires signés par le maître dans différentes tailles. À la galerie, on estime qu’elle puisse « se vendre encore plus cher aux enchères ». Donc tout va bien.
Des images qui sortaient des sentiers battus
Hormis ces écarts mainstream, Photo London proposait globalement et dans sa grande majorité des images qui sortaient des sentiers battus. Le grand succès rencontré par la galerie Sit Down (tenue par la très perspicace Françoise Bornstein) avec les photos de Tom Wood lors de Paris Photo 2017, a suscité un nouvel engouement pour les photographes anglais des années 1970-1980. Que l’on retrouvait ici sur de nombreux stands, avec des contemporains de Martin Parr qui n’ont pas encore connu le succès du pensionnaire de Magnum. Ce dernier proposait des statuettes de lui-même à plus de 4 500 livres à la Rose Gallery de Santa Monica. À ce prix, le troisième degré du plus célèbre photographe de l’Albion commence à faire un flop.
Il fallait débourser 4 500 livres pour ces statuettes de Martin Parr à la Rose Gallery de Santa Monica
Leica, partenaire de la foire, proposait la récente série de Bruce Gilden, des portraits en plan serré et grand format (un peu à la manière de Martin Schoeller mais plus réussi) de jeunes gens de l’Amérique rurale. Le membre de Magnum nous montre les détails des imperfections de leur peau, avec une brutalité certaine en même temps qu’une vérité touchante. Controversée, la série restera un travail phare de la foire.
Image de Bruce Gilden / Magnum Photos, sur le stand Leica
Énorme réussite, la section Discovery passe à 24 galeries cette année. Peu originaux, mais très bien réalisés, les paysages urbains de Lorena Lohr ont été mis en avant à la Cob Gallery de Londres. Bénéficiant d’un vrai engouement et de ventes exceptionnelles, les photos peintes à la main par le dernier artiste du genre en Inde et réalisées par Vasantha Yogananthan ont attiré l’attention sur le stand de l’Espace JB, galerie helvète installée à Carouge. Un artiste qui n’a pas fini de faire parler de lui.
Des retrouvailles attendues
Déjà présente à Art Paris, la On Gallery de Beijing présentait à nouveau le travail de Shen Wei qui mélange contemplation et univers très sexué dans une Chine anachronique. Un futur maître dans son pays.
Déjà aperçu au festival Kyotographie, le Japonais Yusuke Yamatani bénéficiait d’un solo show à la Yuka Tsuruno Gallery avec des formats noir et blanc très appréciés des collectionneurs.
Tsugi no yoru e #028 © Yusuke Yamatani / Yuka Tsuruno Gallery
L’artiste allemande Fiona Struengmann travaille sur des images d’archives de son pays datant de 1920 à 1950 sur lesquelles elle intervient avec des collages, de la peinture ou des dessins. Des pièces uniques très recherchées. Présentée par la A.I. Gallery de Londres, elle n’est pas passée inaperçue.
Just Like You, But Different, 2018 © Fiona Struengmann/ A.I. Gallery
Parmi les œuvres remarquables, on note aussi l’immense solo show dont a bénéficié Edward Burtynsky sur les ravages que nous causons à notre planète. Un travail présenté dans le programme hors galerie, soutenu par la Fondation Luma.
Si l’on a pu charger une application pour bénéficier de réalité augmentée sur les images, l’expérience a été décevante à cause d’un problème de réseau – la salle étant située en sous-sol. La Fondation Luma était aussi présente dans le grand hall de la Tate Modern, à quelques kilomètres de là, via sa plateforme Offprint qui soutient l’édition expérimentale et socialement engagée. Cette réunion d’éditeurs indépendants a connu un beau succès avec un public au rendez-vous et de vraies trouvailles.
Enfin, il faut souligner l’originalité du stand de la célèbre Hamiltons Gallery de Londres qui a fabriqué un bar décoré par les images du Japonais Daido Moriyama. Une touche d’originalité sur une foire qui arrive à marier au mieux les différents champs de la photo. On a déjà hâte de retourner à la Somerset House en 2019.
Bar de Daido Moriyama sur le stand de Hamiltons Gallery
Image d’ouverture : Tsugi no yoru e #028 © Yusuke Yamatani / Yuka Tsuruno Gallery