Rendez-vous incontournable de la rentrée, Images Vevey a placé la 7e édition de sa biennale sous le thème « Unexpected. Le hasard des choses ». 59 artistes y proposent des projets ingénieux et spectaculaires, qui évoquent aussi, par la force des choses, l’actualité. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
Avoir un coup de foudre au coin de la rue, être assommé par une tuile tombant du toit, ou décrocher le jackpot au loto… Qui donc tire les ficelles ? Une figure divine ? Le hasard? « Je ne peux croire en un dieu qui joue aux dés avec le monde », disait Einstein. Pour sa 7e édition, le festival Images Vevey – Biennale des arts visuels – se range du côté du physicien en proposant la thématique « Unexpected. Le hasard des choses ». Jusqu’au 27 septembre, à Vevey (Suisse), 59 artistes de 17 pays font la part belle aux coïncidences improbables et aux phénomènes imprévisibles.
« L’inattendu gouverne notre monde depuis toujours. L’histoire s’écrit à coup de grands revirements, malheureusement et heureusement. Les forces de l’aléatoire constituent le sel de nos vies. C’est d’ailleurs cela qui nous incite à nous remettre en question, à expérimenter », déclare Stefano Stoll, le directeur de la biennale. Et comment mettre en œuvre un tel rendez-vous en ces temps étranges ? Avec de l’innovation et beaucoup de flexibilité. « Nous qui pensions avoir trouvé un rythme de croisière, nous avons dû réinventer nos processus de travail et repenser les scénographies afin de s’adapter à ce monde en changement perpétuel, notamment aux contraintes imposées par l’épidémie de Covid-19 », poursuit le directeur.
© Juno Calypso / TJ Boulting / Courtoisie de l’artiste
Fake news & réseaux sociaux
Le hasard donc. « Une idée venue, entre autres, avec l’œuvre de Christian Boltanski intitulée Chance, créée pour le Pavillon français de Venise [en 2011] et présentée depuis à Rio de Janeiro et à Shanghai », précise Stefano Stoll. Dans cette installation monumentale – un échafaudage sur lequel sont disposés des écrans et un rouleau en mouvement – l’artiste plasticien questionne les thèmes de la naissance, du hasard et du destin. Une bande de photographies de bébés défile à toute vitesse. Qu’est-ce qui distingue un être d’un autre? Si les bébés ne choisissent pas leur famille, et vice versa, les visiteurs peuvent composer aléatoirement des portraits mêlant nouveau-nés et personnes âgées. Le destin donne ici naissance à un individu composite.
Pour le duo d’artistes suisses Julian Charrière et Julius Von Bismarck, les médias influencent nos vies au même titre que le hasard. En témoigne leur projet multimédia I Am Afraid, I Must Ask You to Leave, traitant de la manipulation de l’information. Les artistes ont reproduit une majestueuse arche en pierre qu’ils font exploser. L’acte de vandalisme sur ce « patrimoine naturel » a été filmé, posté, reposté et interprété au hasard des réseaux sociaux. Cette réaction en chaîne partage l’opinion publique et alerte quant au danger des fake news et, plus largement, des réseaux sociaux.
© Julian Charrière et Julius Von Bismarck
« J’aime beaucoup travailler dans l’impulsion. Parfois, je découvre une image dans mes archives, et son impact est tellement fort et inattendu que je décide de construire une série »
, annonce Beni Bischof, l’auteur de la série Intensity Intensifies. Durant le confinement, l’artiste a détourné des images qu’il a ensuite publiées sur Instagram, sous forme de GIF. À Vevey, 400 de ses productions absurdes et délicieuses sont diffusées de façon aléatoire sur des écrans verticaux – comme des smartphones – situés face à un cinéma veveysan des années 1950.
Dans l’œuvre de Stephen Gill, The Pillar, l’aléatoire s’invite dès le dispositif créatif : une caméra cadre un pilier sur lequel des oiseaux peuvent se poser. L’artiste anglais réinvente le genre de la photographie animalière en permettant aux volatiles de se tirer le portrait au hasard de leurs pérégrinations. « Si le dispositif est inattendu, les résultats le sont encore plus », précise Stefano Stoll. Les 80 « selfies » sur promontoires sont présentés dans un champ, en écho à la conception initiale réalisée dans la campagne suédoise.
Cet article est à retrouver en intégralité dans Fisheye #43, en kiosque et disponible ici.
© Julian Charrière et Julius Von Bismarck / VG Bild-Kunst
© Beni Bischof / Courtoisie de l’artiste
© Edoardo Delille & Piermartiri Giulia / Courtoisie des artistes
© Juno Calypso / TJ Boulting / Courtoisie de l’artiste
© Stephen Gill / Courtoisie de l’artiste
Batia Suter © Laetitia Gessler
© Christian Boltanski
Image d’ouverture © Juno Calypso / TJ Boulting