Paris Photo et les 7 boomers

15 juillet 2021   •  
Écrit par Benoît Baume
Paris Photo et les 7 boomers

Quand je décroche le téléphone, je sens que la nouvelle ne sera pas plaisante. Florence Bourgeois a la voix tremblante. La directrice de Paris Photo m’annonce que le projet de Fisheye n’a pas été retenu pour l’édition 2021. On soumettait le travail de Charlotte Abramow sur sa vision des femmes ainsi que celui de Delphine Diallo sur le même sujet, ainsi qu’un nouveau talent chinois. Une sélection de jeunes auteurs engagés, qui cassent les codes et placent la photographie contemporaine dans un autre champ. La même proposition avait été accueillie avec enthousiasme pour le millésime 2020, qui n’a jamais eu lieu. Entre-temps, le Grand Palais a commencé son cycle de quatre ans de travaux, et la foire se déroulera au Grand Palais éphémère au bout du Champ-de-Mars qui propose une superficie totale de 10 000 m2 contre 13 500 m2 pour la seule nef du Grand Palais. De plus, la vaccination rouvre les frontières, les étrangers veulent se presser à nouveau à Paris en novembre prochain. En creusant un peu, je suis surpris pas les explications. Florence Bourgeois n’influe en rien sur la sélection des galeries présentes à la plus prestigieuse foire photo au monde. Pour connaître un peu les arcanes de cette institution, je sais à quel point cela est vrai. La décision revient à un comité nommé depuis de très nombreuses années, et n’est jamais remise en question sur sa légitimité et son point de vue. Une assemblée indéboulonnable composée de sept personnages, tous galeristes. Deux femmes : Frish Brandt et Françoise Paviot. Cinq hommes : Howard Greenberg, Tim Jefferies, Yossi Milo, Timothy Persons et Renos Xippas. Leur moyenne d’âge est de plus de 67 ans, ils sont tous Blancs et ne peuvent pas mieux répondre à la définition de l’entre-soi. Et donc, en insistant un peu sur les raisons du refus, Florence Bourgeois m’a raconté que ce rejet fut global et violent. Ce comité des sept s’est donc déjugé en un an, pour servir leurs intérêts, placer leurs amis et perpétuer la tradition des galeries qui avaient le droit de cité et les autres. Pourquoi cela est-il grave ? Car Paris Photo reste la foire incontournable dans le domaine de la photographie, et qu’y montrer des photographes contemporains engagés sur la vision de la société est primordial. À l’instar des Césars ou des Oscars, qui ont reformé leur comité, Paris Photo doit avoir un process de sélection plus démocratique, où les membres du comité de sélection ne doivent pas être en compétition avec les galeries sélectionnées – alors que les sept membres du jury sont aussi exposants à Paris Photo. Il faut éviter que la confusion des genres soit totale, et préserver la présence de la pluralité. Il faut que les choses changent. Pas pour la Fisheye Gallery, qui trouvera d’autres cimaises pour défendre ses artistes, mais pour Charlotte, Delphine et tous les autres talents qui sont exclus par la volonté farouche de ces conservateurs à sauvegarder leurs privilèges. Nous avons besoin que les lieux de représentations et de monstrations de l’art fassent leur révolution éthique. Le chemin sera long, mais il est absolument fondamental.

Image d’ouverture : © Charlotte Abramow

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