La plume de Joel Meyerowitz

04 octobre 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La plume de Joel Meyerowitz

Joel Meyerowitz s’est imposé, dès les années 1960 comme un grand photographe de rue. Dans Rétrospection, il fait le point sur sa carrière, de ses derniers projets, en remontant jusqu’à ses débuts. Un récit porté par sa plume comme ses images.

Joel Meyerowitz grandit dans le Bronx, un quartier new-yorkais hétéroclite lui permettant d’affûter son œil de street photographe. Sans se soucier d’une mode quelconque, le photographe préfère la couleur au noir et blanc, et devient ainsi pionnier d’une nouvelle esthétique. Dès 1962, il arpente les rues à la recherche de poésie, et de récits captivants. Aujourd’hui âgé de 80 ans, le photographe a bien évolué. De la rue, il s’est tourné vers les piscines, les portraits ou encore les natures mortes. Un parcours impressionnant.

Rétrospection s’organise comme une biographie antéchronologique, partant de ses images les plus récentes, prises dans l’atelier de Cézanne, jusqu’à ses premiers clichés urbains, capturés cinquante ans plus tôt. En remontant le temps, on découvre les différentes identités de Joel, au rythme de ses propres mots. « J’ai découvert que j’avais une seconde personnalité photographique », écrit-il, par exemple. « Le jazzman qui improvisait dans la rue cédait la place à une façon de voir plus classique, plus lente, plus contemplative ». Une plongée inédite dans l’univers du photographe.

© Joel Meyerowitz

Mémoires d’un grand photographe

Ses écrits, comme ses images nous accroche. Divisé en plusieurs chapitres, l’ouvrage revient sur les différentes expérimentations photographiques de l’artiste. Dans chaque section se trouvent des commentaires de l’auteur, des bribes de pensées. Nous voilà catapultés en 2001, peu avant les attentats du 11 septembre. Joel photographie le paysage depuis sa fenêtre, les tours jumelles en face de lui. La photo ne le satisfait pas, mais, se dit-il, « elles seront toujours là la semaine prochaine ».

Quelques jours plus tard, la fumée envahit New York et les ruines des tours ne peuvent pas être approchés par les photographes. « Parfois, la vie vous donne juste la pichenette qu’il vous faut », commente le photographe. « Je me suis dit qu’ils n’avaient pas le droit de m’empêcher de prendre des images. Pas de photo, cela voulait dire aucune trace d’un des événements les plus intenses jamais survenus aux États-Unis. Nous avions besoin de garder une archive des répercussions ». Naissent alors ses clichés de l’après-chaos.

© Joel Meyerowitz© Joel Meyerowitz

Plus tard dans sa carrière, le photographe se passionne pour le portrait. Entre deux images, il se confie au lecteur : « Lorsque j’ai commencé à mieux regarder les gens, j’ai réalisé que chaque personne est sincèrement fascinante », confie-t-il. « Le grain de sa peau au soleil, son port de tête, sa manière de se tenir… Bien sûr, quand on observe quelqu’un avec attention, sa personnalité émane de lui, peu importe ce qu’il essaie de montrer ou de cacher ». On apprend alors que sur 100 portraits réalisés en 1980, 35 représentent des personnes rousses. « C’est la figure de ma vérité », explique Joel. « Je me suis alors tenu dans le face-à-face, le regard rivé sur ce vers quoi la « spécialité de mon désir » m’avait poussé ». Intime et singulier, Rétrospection donne à voir les mémoires d’un grand photographe, ses illuminations comme ses doutes, depuis ses débuts spontanés et jusqu’à ses projets plus réfléchis.

© Joel Meyerowitz

© Joel Meyerowitz

© Joel Meyerowitz© Joel Meyerowitz
© Joel Meyerowitz

© Joel Meyerowitz

© Joel Meyerowitz© Joel Meyerowitz

© Joel Meyerowitz© Joel Meyerowitz© Joel Meyerowitz

© Joel Meyerowitz

Rétrospection, Éditions Textuel, 59€, 352 p.

Explorez
Sous le soleil d'Italie avec Valentina Luraghi
Mediterraneo © Valentina Luraghi
Sous le soleil d’Italie avec Valentina Luraghi
À travers sa série Mediterraneo, Valentina Luraghi nous transporte dans ses souvenirs d’été. Le·la spectateur·ice y découvre le...
29 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
La sélection Instagram #519 : évasion infinie
© Giorgia Pastorelli / Instagram
La sélection Instagram #519 : évasion infinie
Liberté. Ce mot résonne avec le clairon de l’été. Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine célèbrent la douceur et le...
12 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
15 expositions photographiques à découvrir en août 2025
Jill, President Street, Brooklyn, New York, 1968 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix, Paris.
15 expositions photographiques à découvrir en août 2025
L’été est installé, et les vacances enfin arrivées. En parallèle des Rencontres d'Arles et pour occuper les journées chaleureuses ou les...
01 août 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les images de la semaine du 21 juillet 2025 : l’été des voyages et de la culture
© Clara Chichin et Sabatina Leccia / Lucie Pastureau
Les images de la semaine du 21 juillet 2025 : l’été des voyages et de la culture
Cette semaine, dans les pages de Fisheye, expositions et conseils de lectures estivales s’épanouissent. Car, qui dit vacances dit temps...
27 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
© Valentine de Villemeur
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Valentine de Villemeur. La photographe a consigné le parcours de sa procréation...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #557 : Jeanne-Lise Nédélec et  Stéphanie Labé
Respirer © Jeanne-Lise Nédélec
Les coups de cœur #557 : Jeanne-Lise Nédélec et Stéphanie Labé
Jeanne-Lise Nédélec et Stéphanie Labé, nos coups de cœur de la semaine, voient dans les paysages naturels un voyage introspectif, une...
01 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 25 août 2025 : Palestine, puissance des femmes et fin de l'été
La mer dévore les tentes des déplacé·es, Bande de Gaza, Palestine, 2024 © Moayed Abu Ammouna
Les images de la semaine du 25 août 2025 : Palestine, puissance des femmes et fin de l’été
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes publiés sur les pages de Fisheye s’emparent de divers sujets. Ils et elles...
31 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Inuuteq Storch : une photographie inuit décoloniale
Keepers of the Ocean © Inuuteq Storch
Inuuteq Storch : une photographie inuit décoloniale
Photographe inuit originaire de Sisimiut, Inuuteq Storch déconstruit les récits figés sur le Groenland à travers une œuvre sensible et...
30 août 2025   •  
Écrit par Costanza Spina