Du 11 avril au 21 septembre 2025, le Jeu de Paume accueille une exposition novatrice explorant les liens entre l’intelligence artificielle et l’art contemporain. Première du genre à échelle mondiale, l’événement couvre diverses disciplines influencées par l’IA, tout en offrant une expérience immersive. L’exposition propose également une réflexion critique sur ces outils technologiques.
Apparue en 1955, l’intelligence artificielle désigne aujourd’hui l’apprentissage automatique et la production numérique de contenus intellectuels, une technologie qui transforme en profondeur tous les secteurs de la société. De la détection à la prise de décision, en passant par l’élaboration d’œuvres textuelles et visuelles, l’IA remplace peu à peu certaines actions humaines. Ces progrès soulèvent des questions éthiques, économiques, politiques et sociales, notamment en matière de protection de la vie privée et de lutte contre la discrimination. Ils modifient également notre rapport aux images et aux textes. À travers l’exposition Le Monde selon l’IA, le Jeu de Paume explore cet enjeu majeur de notre époque qui bouscule le monde de l’art, qui touche aussi bien l’art plastique, la littérature que la vidéo. Au-delà des nouvelles possibilités qu’elle offre, l’IA interroge la notion même de créativité et remet en question celle de droits d’auteur. L’exposition s’ouvre sur une thématique brûlante, celle de l’impact matériel de cet outil sur l’environnement. Par les œuvres, entre autres, de Julian Charrière, sa définition même est mise en question afin de la préciser et de la contextualiser. Entre frayeur et fascination, en évitant à la fois un excès de technophilie et une technophobie passéiste, le Jeu de Paume propose, à travers cette curation, une réflexion sur la manière dont l’intelligence artificielle transforme notre rapport visuel et sensible au monde.
De l’IA analytique à celle générative
Le Monde selon l’IA s’articule autour de deux grands axes, allant de l’IA analytique à celle générative. La première partie est donc dédiée à l’analytique, qui examine la vision par ordinateur et la reconnaissance faciale. Elle met en lumière les conséquences sociales et politiques de la classification automatisée. Des artistes comme Trevor Paglen et Hito Steyerl dénoncent la standardisation et le contrôle visuel exercés par l’IA, tandis qu’Agnieszka Kurant et Meta Office révèlent l’exploitation des « travailleur·ses du clic », souvent invisibles et sous-payé·es. L’autre chapitre de l’exposition s’intéresse à l’IA générative. Cette section explore la création de nouvelles données, images, textes et sons. Les artistes interrogent les biais algorithmiques, comblent les lacunes historiques et créent des récits alternatifs. L’un des sujets centraux est celui des nouveaux liens qui peuvent s’établir entre mots et images, comme le démontrent les travaux du collectif Estampa ou d’Erik Bullot. Des œuvres cinématographiques et littéraires sont également présentées, ainsi qu’une installation musicale de Christian Marclay utilisant les sons de Snapchat pour générer des vidéos. Tout au long de l’exposition, des capsules thématiques, inspirées des cabinets de curiosité, se penchent sur la généalogie de ces nouvelles technologies robotiques et aident à les contextualiser dans un récit bien plus ancien que ce qu’on croirait. Après l’exposition Supermarché des images (2020) qui avait interrogé la profusion d’images dans notre société, Le Monde selon l’IA prolonge cette réflexion en illustrant un nouveau paradigme : le rapport existant entre ces outils et notre perception du monde, leur rôle dans notre manière d’établir des relations et de vivre nos émotions.