Matt Wilson : l’expérience du paysage

24 janvier 2023   •  
Écrit par Costanza Spina
Matt Wilson : l'expérience du paysage
Le Leica Store Paris Saint-Honoré présente This Place Called Home, une exposition du photographe globe-trotter Matt Wilson. Avec son langage photographique charbonneux et envoûtant, il nous transporte dans des voyages à l’argentique aux atmosphères singulières.
Le travail de Matt Wilson a quelque chose d’iconoclaste et intemporel. Voyageur invétéré, il parcourt le monde en immortalisant à l’argentique ces paysages qui sont, pour certain·es, une maison. De ses propres origines aux chez soi universel, le globe-trotter donne à voir une définition à la fois littérale et métaphorique du foyer. Son travail se lit comme une étude visuelle qui nous invite avec poésie à méditer sur ce qui nous fait évoluer. Une manière d’observer le monde connu d’un point de vue extérieur, en le mettant à distance, pour mieux plonger dans notre propre intériorité. De l’Angleterre – son pays d’origine – à la France, qui ne cesse de le charmer, en passant par l’Est européen et Cuba, le photographe révèle ces lieux sous un jour nouveau. Après dix ans passés aux États-Unis, il se lance dans une série d’instantanés américains. Nullement intimidé par l’héritage colossal des photographes étasunien·nes ayant dépeint leurs paysages en long et en large, Wilson en propose une lecture totalement nouvelle, par ses argentiques aux allures d’aquarelle. Situé dans un entre-deux poétique entre peinture et photographie, son travail s’impose comme un écorché de notre époque. Loin d’être passéiste et romantisant, son regard traduit la réalité à travers un subtil jeu de lumières, à la fois sombres et tamisées, comme si le tragique n’était jamais loin, comme si nous assistions à un éternel crépuscule ou à une nouvelle aube.
© Matt Wilson

Matt Wilson et l’argentique : la chambre noire comme terrain de jeu

« Depuis que j’ai découvert les possibilités de la photographie analogue comme forme d’expression artistique, l’étude des techniques de la chambre noire, afin d’explorer pleinement le potentiel du médium dans sa capacité à évoquer et à représenter l’émotion, a exercé une profonde fascination sur moi»,

explique Matt Wilson au sujet de sa pratique de l’argentique. Dans son travail, le photographe essaie de traduire l’ambiance qui l’enveloppe quand il shoote : une atmosphère impalpable que seule la chambre noire à couleurs et une certaine sélection de papier – parfois même périmé – permettent d’obtenir. De ses voyages, l’artiste essaie de transmettre l’expérience intime plus qu’un paysage réaliste, figé et tout compte fait assez froid. « C’est dans cet espace, tout comme les palettes des peintures de maîtres anciens, que la sensation de la couleur est si importante, écrit-il, pour moi, la photographie est une question de sentiments et la chambre noire, mon terrain de jeu pour une exploration sans limites. »  

Pour Matt Wilson, cette dernière convoque donc un laboratoire d’exploration qui, selon lui, détient la clé de la capacité du médium à parler au-delà des mots. « Son regard est attentif et bienveillant, sous-tendu par une discrète mélancolie humaniste mais coloré d’une légèreté tragicomique à l’anglaise. Il peut s’inscrire dans la tradition “humaniste” car il capture souvent un “instant photographique” si cher à Cartier-Bresson, écrit Christine Ollier, qui signe la monographie consacrée au photographe et publiée chez Filigrane. Mais Matt Wilson n’est pas reporter, il détourne le sens du réel au profit d’une charge émotionnelle et esthétique telle qu’elle parvient à émouvoir au plus profond. »

 

Jusqu’au 23 avril, le Leica Store Paris Saint-Honoré expose This place called home, l’œuvre au long cours de Matt Wilson.

© Matt Wilson

© Matt Wilson © Matt Wilson © Matt Wilson

© Matt Wilson

Explorez
Dans l’œil de Jana Sojka : nostalgie filante dans la nuit floue
© Jana Sojka
Dans l’œil de Jana Sojka : nostalgie filante dans la nuit floue
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Jana Sojka, photographe dont nous vous avions déjà présenté les collages. Pour Fisheye...
17 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #532 : Sébastien François et Matthieu Baranger
© Sébastien François
Les coups de cœur #532 : Sébastien François et Matthieu Baranger
Sébastien François et Matthieu Baranger, nos coups de cœur de la semaine, ont fait de l’architecture urbaine la muse de leurs projets...
17 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #530 : Léna Mezlef et Diane Desclaux
© Diane Desclaux
Les coups de cœur #530 : Léna Mezlef et Diane Desclaux
Léna Mezlef et Diane Desclaux, nos coups de cœur de la semaine, nous emmènent en voyage. La première nous fait découvrir l’Amérique...
03 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #491 : calendrier de la lune
© Thomas Cheung / Instagram
La sélection Instagram #491 : calendrier de la lune
C’est sous le signe du Serpent de bois, incarnant la sagesse et la réflexion, que s’ouvre la nouvelle année lunaire. Les artistes de...
28 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 17.02.25 au 23.02.25 : sonder la société
© Aletheia Casey
Les images de la semaine du 17.02.25 au 23.02.25 : sonder la société
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye sondent la société par l’entremise de mises en scène, de travaux...
À l'instant   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
22 février 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger