Paul Kooiker : une photographie du fétiche et du rêve subconscient

03 janvier 2023   •  
Écrit par Costanza Spina
Paul Kooiker : une photographie du fétiche et du rêve subconscient
Jusqu’au 12 février, FOAM expose FASHION de Paul Kooiker, le photographe néo-surréaliste qui déglingue l’industrie de la beauté à coups de clichés étranges, sans filtres, et nous renvoie à des pulsions tabous. Une immersion freudienne au cœur du désir et de ses innombrables formes d’expression.
Si la photographie de mode évolue avec son époque, celle de Paul Kooiker est intemporelle. Il est d’ailleurs difficile de dater ses images, qui pourraient aussi bien sortir de l’imaginaire porno chic des nineties que du surréalisme du début du siècle dernier. Ainsi, le titre de son exposition, accueillie par la galerie FOAM à Amsterdam, FASHION, sonne comme une provocation subtile : précisément parce que rien n’est « fashion » dans les clichés troublants de ce photographe dont la signature s’émancipe de tout principe de péremption. La pratique de cet iconoclaste se fonde sur une inlassable expérimentation, fuyant les critères habituels propres à l’exercice de la photographie de mode. L’art de Paul Kooiker se caractérise par une approche conceptuelle et expérimentale de la photographie. Dans son studio d’Amsterdam, il utilise les moyens les plus simples, comme le carton, la poussière et la fumée, pour créer des images mystérieuses qu’il est difficile de démêler. Toutes les œuvres de l’exposition sont créées à l’aide d’un iPhone. À une époque où le monde photographie avec son téléphone portable, l’artiste, lui, utilise cet outil à dessein pour créer un monde parallèle qui en est apparemment détaché et ne peut être copié.

Certain·e·s ont dit de Paul Kooiker que sa photographie explore une beauté qui échappe à tout contrôle, qui est impossible à maîtriser ou à canaliser. Car la sensualité débordante qui se dégage de ses images n’a rien à voir avec les fantaisies pornographiques de notre temps. Elle exprime, au contraire, les pulsions et les désirs freudiens les plus tabous. L’inconscient et le fétiche se rencontrent sur une toile de fond surréaliste qui évoque tantôt Man Ray tantôt Dora Maar. Les identités disparaissent et les visages sortent du cadre. Les genres n’ont plus aucune importance et on ignore si les corps sont ceux d’humain·e·s ou de poupées. Les tableaux photographiques de l’auteur nous renvoient sans cesse à nous-mêmes : en magnifiant les moyens de présentation, qu’il s’agisse de mannequins ou de présentoirs, l’artiste crée un cadre sublime pour l’expression de notre propre désir. Nous plongeons dans nos tabous, dans nos mystères intérieurs, à la fois intrigué·es et écœuré·es par ces étranges compositions. Face à son art, nous ne maîtrisons rien et nos canons de beauté sont balayés d’un revers de manche.

Par son usage détourné du smartphone et grâce à sa maîtrise de la photographie de mode, le photographe donne vie à FASHION, qui s’aborde comme une galerie de miroirs : nos obsessions narcissiques sont tournées au ridicule et les désirs surfaits et superficiels impulsés par la mode sont confrontés à la réalité de nos fantasmes enfuis. La course folle de l’industrie de la beauté est brutalement arrêtée par ces images qui la renvoient à son absurdité.

Untitled, 2022 © Paul KooikerUntitled, 2020 © Paul Kooiker

© Paul Kooiker à g. Untitled 2022, à d. Untitled, 2020

Untitled, 2019 © Paul KooikerUntitled, 2021 © Paul Kooiker

© Paul Kooiker à g. Untitled 2019, à d. Untitled, 2021

Explorez
Achtung Kultur : une déclinaison de l'intime par la jeune création allemande
© Anna Streidl
Achtung Kultur : une déclinaison de l’intime par la jeune création allemande
Jusqu’au 17 mai 2025, l’association Achtung Kultur célèbre la création émergente au Consulat général d’Allemagne de Bordeaux....
25 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Eulogy : Sander Coers et les traumatismes intergénérationnels
© Sander Coers
Eulogy : Sander Coers et les traumatismes intergénérationnels
Au fil de ses projets, Sander Coers sonde la mémoire en s’intéressant notamment à l’influence que nos souvenirs exercent sur notre...
19 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Patricia Voulgaris, entre rêves et réminiscences
© Patricia Voulgaris
Patricia Voulgaris, entre rêves et réminiscences
L’artiste Patricia Voulgaris ancre sa pratique dans un dialogue entre réalité et fiction. À travers le noir et blanc, elle crée...
16 avril 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Acedia de Louise Desnos : la douceur de la paresse 
© Louise Desnos
Acedia de Louise Desnos : la douceur de la paresse 
Entre lumière suspendue et tendre mélancolie, Louise Desnos dévoile Acedia, un projet photographique au long cours, sensible et...
16 avril 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 21 avril 2025 : la Terre à l’honneur
© Thomas Amen
Les images de la semaine du 21 avril 2025 : la Terre à l’honneur
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye célèbrent la Terre. Dans des approches disparates, les photographes évoquent...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Émeline Amétis : la possibilité d’un geste
© Émeline Amétis, Oh murmure, ta traversée est le mât de notre vaisseau
Émeline Amétis : la possibilité d’un geste
Circulation(s) – le festival du collectif Fetart à la direction artistique entièrement féminine – fête ses quinze ans cette année...
26 avril 2025   •  
Écrit par Milena III
Achtung Kultur : une déclinaison de l'intime par la jeune création allemande
© Anna Streidl
Achtung Kultur : une déclinaison de l’intime par la jeune création allemande
Jusqu’au 17 mai 2025, l’association Achtung Kultur célèbre la création émergente au Consulat général d’Allemagne de Bordeaux....
25 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Stefan Dotter, dans le sillage des femmes de la mer
© Stefan Dotter
Stefan Dotter, dans le sillage des femmes de la mer
Photographe allemand installé à Tokyo, Stefan Dotter signe, avec Women of the Sea, une immersion sensible au cœur d’une tradition...
25 avril 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas