Chaque automne, les Hauts-de-France se transforment en un espace d’expérimentation : les Photaumnales. Ce festival photographique revient pour une 22e édition consacrée à la notion d’« habiter ». Jusqu’au 31 décembre 2025, une cinquantaine d’expositions, en musée comme en plein air, explorent le quotidien, le patrimoine et les territoires, de l’intimité d’un foyer aux grandes métropoles en mutation.
Comme le soulignent Fred Boucher, directeur du festival, et Emmanuelle Halkin, commissaire associée, « habiter, c’est bien plus que résider ou demeurer : c’est investir un espace de sens, de mémoire et de lien ». Un thème qui trouve un écho particulier en 2025, année des 800 ans de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais qui inspire plusieurs expositions de la programmation. Cette nouvelle édition s’ancre dans la richesse des paysages picards et de leurs habitant·es. De Beauvais à Clermont, en passant par l’Aisne et Amiens, la photographie se déploie au plus près du quotidien. Les expositions en plein air investissent places, gares et jardins, offrant un dialogue direct entre les visuels et les publics.
Cette proximité se prolonge par un ambitieux programme de résidences d’artistes. De la Picardie verte au Pays de Bray, de la Thiérache à la Champagne picarde, les photographes traduisent en images leur rencontre avec ces territoires et leurs communautés. À Beauvais, le parc de la gare devient un lieu clé de cette édition. On y découvre notamment Paul Hennebelle et sa série Goodbye Beirut, qui interroge l’identité d’une ville en mutation, entre héritages architecturaux et transformations sociales. À ses côtés, Valentin Valette propose avec Ashes of the Arabian’s Pearl un récit qui met en perspective la modernisation du sultanat d’Oman et ses bouleversements démographiques. Deux approches complémentaires qui révèlent comment l’urbain, qu’il soit méditerranéen ou arabe, se vit comme un espace de mémoire et de projection.
Des horizons élargis
Si le festival célèbre d’abord l’ancrage local, il s’ouvre aussi largement sur le monde. Depuis sa création, les Photaumnales entretiennent un dialogue constant avec d’autres cultures. En 2025, cette volonté d’échange prend une dimension particulière avec la saison France-Brésil. Labellisée par l’Institut français, une partie de la programmation met en avant la scène photographique contemporaine du Minas Gerais. Au musée Opale-Sud de Berck-sur-Mer, une exposition collective réunit cinq artistes de cette région emblématique, riche d’une longue tradition visuelle et culturelle. Cette dynamique se prolonge notamment avec le partenariat mené depuis plusieurs années avec les Rencontres de la photographie en Gaspésie, au Québec, qui continue d’ouvrir des perspectives transatlantiques. Entre autres artistes, le Français Robert Charlotte a été invité à séjourner dans le village côtier de Marsoui. Il restitue la force d’une communauté confrontée à la rudesse du climat. « Dans ce décor sauvage, inhospitalier, la brume semble tisser un voile entre la terre et le ciel, créant une atmosphère à la fois oppressante et envoûtante. […] Ses habitants, résilients face aux rigueurs du climat, portent sur leurs visages force et détermination », confie-t-il. Entre portraits et paysages, sa série Par-delà la brume met en lumière autant l’énergie des résident·es que la beauté brute de leur environnement.
Foyer intime, territoire symbolique, espace de transmission ou lieu de mémoire… Au cœur de cette édition, la question de l’habitat se révèle alors plurielle. Des ruines de Beyrouth aux villages gaspésiens, des cathédrales picardes aux horizons brésiliens, chaque cliché devient un fragment de réflexion sur ce qui nous relie au monde. « Les images résonnent en nous comme avec nos racines, nos appartenances et notre manière d’habiter le monde – ou de nous laisser habiter par lui. Cette édition invite à envisager la maison non seulement comme refuge ou symbole familial, mais aussi comme projection de soi, révélatrice de notre rapport au territoire, à l’histoire et à l’autre », déclarent Fred Boucher et Emmanuelle Halkin. De cette manière, Les Photaumnales 2025 rappellent que la photographie est également une façon d’habiter le monde.