Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité. Dans Chant de laine, Sonia Hamza présente des portraits brodés de son ex-compagnon japonais issus de leurs appels vidéos. En liant ses passions pour la photo et la mode, l’artiste franco-marocaine livre un récit créatif et intime sur les frontières de l’amour. À découvrir jusqu’au 30 juin 2023 dans les cimaises arlésiennes de la Galerie Omnius.
Ancienne étudiante de mode à l’école Duperré, Sonia Hamza s’initie à la photographie tous les samedis matin grâce à un atelier proposé par l’établissement parisien. « J’ai appris à développer mes négatifs dans ce petit laboratoire. Par la suite, j’ai beaucoup utilisé le médium afin d’illustrer mes collections, trouver des idées, des thèmes, des ambiances ou des motifs », se remémore la photographe franco-marocaine installée à Paris. Le 8e art s’immisce alors de plus en plus dans son quotidien. À l’instar de ses lunettes, elle chausse son appareil photo pour cibler des détails et mieux voir comment le monde fonctionne. Son projet Chant de laine mêle l’art minutieux de la broderie à des visuels capturés de conversations Skype. Une pelote artistique où les médiums s’entrelacent pour conter une histoire d’amour pas comme les autres.
En 2012, l’artiste s’envole trois mois au Japon pour rencontrer la famille de Sato (nom d’emprunt), l’homme dont elle est éperdument tombée amoureuse, dans l’objectif de partir y vivre. Mais, tout ne se passera pas comme prévu… « Plus je rentrais dans l’intimité de la famille et plus je comprenais que je n’y aurais jamais ma place. Puis, mon visa se terminait. Je voulais fuir toute cette pression, sans me retourner. En rentrant en France, je me suis promis de faire ce que je souhaitais au plus profond de mon coeur et cela sans plus attendre. La vie est trop courte et la société peut la rendre si contraignante et déprimante », constate la photographe.
Une prouesse introspective
À la suite de ce voyage, Sonia Hamza continue à converser tous les jours avec Sato par Skype. La connexion étant mauvaise, son bien aimé apparaissait de manière déformée et pixelisée. Au fil des appels vidéos, l’artiste réalise des captures d’écran afin de collecter ces portraits que la distance a inconsciemment altérés, à l’image de leur complicité. « Quelques semaines après, nous avons eu une terrible dispute et notre histoire s’est terminée », confie-t-elle. Une sorte de fascination nait alors pour la photographe qui commence à imaginer chaque pixel en un point de broderie. À la manière de ses créations de prêt-à-porter, elle convertit les portraits en points de croix à l’aide de logiciels de couture. Neuf œuvres, au total, ont été réalisées, « comme le nombre de mois de [leur] relation amoureuse ».
De fil en aiguille, les expressions du visage de Sato apparaissent sur les toiles de l’artiste. Au minimum, un mois à temps plein lui a été nécessaire pour confectionner un portrait. « J’avais le sentiment de développer mes photos, avec un procédé ancien et d’une lenteur extrême. Je me sentais comme Pénélope, mais je n’attendais plus mon Ulysse », métaphorise-t-elle. Véritable introspection et prouesse artistique colossale, Chant de laine incarne surtout un projet salutaire, qui a permis à sa créatrice de se reconstruire et prendre confiance en elle.
Chant de laine se dévoile jusqu’au 30 juin 2023 à la Galerie Omnius à Arles.
© Sonia Hamza