Jusqu’au 30 septembre se tient le Festival Photo La Gacilly. À cette occasion, une vingtaine de photographes déclinent, chacun à leur façon, leurs Visions d’Orient ou leur image du monde de demain. Quels que soient les pays, l’urgence écologique, thème sous-jacent à la manifestation, n’est pas en reste.
Comme chaque été depuis près de vingt ans, le Festival Photo La Gacilly investit la ville du même nom et propose une série d’expositions en plein air. Pour cette 19e édition, ce sont l’espace culturel persan et ses Visions d’Orient qui ont été mis à l’honneur. À cette occasion, plusieurs photographes ont été conviés à prendre part à une programmation engagée sur les thématiques sociales et environnementales, leitmotiv de l’évènement. Parmi eux figurent bien évidemment des artistes d’origine iranienne, afghane ou pakistanaise, mais également des auteurs ayant un lien très marqué avec ces pays ou l’écologie. Car au-delà du thème de la manifestation s’en dessine un autre, en creux, mais tout aussi important : nos visions du monde contemporain et la façon dont nous le réinventons pour mieux l’habiter.
Un sentiment de solastalgie ou d’éco-anxiété
Hashem Shakeri fait partie de ceux qui transforment, par l’image, leur environnement à ces fins. En des temps lointains et révolus, la terre qu’il capture était luxuriante et fertile. Depuis, l’eau s’est évaporée, de même que la vie qui a laissé place à une misère profondément ancrée. Pourtant, dans les clichés du photographe iranien, les paysages sont édulcorés, empreints d’une douceur lancinante qui contraste avec la sécheresse endémique du Sistan-et-Baloutchistan. Les bleus céruléens et les blancs épurés – rappelant l’onde et le ciel – s’y confondent. De ces Terres de sables jaillit alors un soupçon d’espoir, distillé dans l’ardeur des jours. Ebrahim Noroozi s’amuse tout autant des nuances inattendues qui nous plongent dans des Rêveries trompeuses. L’été venu, l’eau claire et salée du lac d’Ourmia – l’un des plus grands de la région – prend la couleur de l’urgence. Algues et bactéries prolifèrent et l’empourprent, laissant un goût amer aux populations locales.
Dans un autre genre, Gohar Dashti témoigne des chimères dans lesquelles s’enlisent les souvenirs. Dans ses Fragments de mémoires, l’artiste iranienne raconte la guerre entre l’Irak et l’Iran, qui a morcelé le pays et ses habitants, au travers de kaléidoscopes photographiques. « Les gens sont éphémères, mais la nature est constante : elle sera là longtemps après que nous serons tous partis », déclare-t-elle à ce sujet. Ici, au contraire d’un paysage-état d’âme, c’est le paysage qui influe désormais sur les êtres et leurs dispositions d’esprit. Ce contexte justifie alors ce sentiment de solastalgie ou d’éco-anxiété dont souffrent certains et certaines d’entre nous, notamment les plus jeunes.
© Hashem Shakeri
L’indéniable nécessité d’agir
Dans cet univers au mouvement perpétuel devenu délétère, les artistes incarnent alors d’idéals « défenseurs d’une pensée positive, des ambassadeurs de la conscience écologique, des lumières d’un espoir nouveau », assure Cyril Drouhet, commissaire des expositions. Cette volonté de répandre un certain optimisme face à ce mal du siècle se traduit, plus largement, à travers les prix auxquels le Festival s’associe. Celui instigué par la Fondation Yves Rocher, en partenariat avec Visa pour l’Image, soutient ainsi les photojournalistes inspirés par ces problématiques contemporaines. Celui des Nouvelles Écritures de la Photographie Environnementale, en collaboration avec Fisheye, s’attache quant à lui à récompenser les talents émergents qui font des différents milieux alentour un cheval de bataille tout trouvé.
Les lauréats de la dernière édition ont alors tâché de déployer une variété de réalités souvent occultées. À l’ombre de l’Arboretum, Chloé Azzopardi propose, à ce titre, des Écosystèmes dans lesquels nature et civilisation évoluent en harmonie. Là-bas, faune et flore se superposent jusqu’à atteindre une fusion rassurante. Dans Frontières, Maxime Taillez sonde les extrémités de ces espaces cruciaux et sauvages pour la plupart. Ces limites – qui définissent nos identités en certains aspects – se voient franchies par les sujets d’Alisa Martynova. Contraints à fuir un environnement déliquescent, les migrants qu’elle immortalise dans Nowhere Near semblent perdus dans des paysages nébuleux. Seuls l’urgence et l’effroi surgissent à nouveau de ce flou ambiant. Un besoin de clarté transparaît alors et appuie indéniablement sur la nécessité d’agir tant qu’il est encore temps.
© Chloé Azzopardi, lauréate du Prix Nouvelles Écritures de la Photographie Environnementale 2022
© Alisa Martynova, lauréat du Prix Nouvelles Écritures de la Photographie Environnementale 2022
© Gohar Gashti
© Maxime Taillez, lauréat du Prix Nouvelles Écritures de la Photographie Environnementale 2022
© Hashem Shakeri
© Ebrahim Noroozi
Image d’ouverture © Gohar Gashti