John G. Morris, David Douglas Duncan, Don McCullin, Patrick Chauvel et Yuri Kozyrev (photo ci-dessus, de gauche à droite ; le 4e au centre est Rémy Ourdan, journaliste au Monde et modérateur de la rencontre), voilà les cinq invités de ce moment fort de la semaine d’ouverture du festival Visa pour l’Image à Perpignan. Jean-François Leroy, le directeur de l’événement, a réuni ces pointures du photojournalisme pour une conférence. Le thème de la rencontre : “Photographier la guerre”. Morris, Douglas et McCullin sont des idoles pour toute une génération de reporters et pour nombre de passionnés de photo. Et chaque prise de parole est suivie d’applaudissements qui saluent plus leurs carrières que l’intervention en elle-même. Il règne sur l’estrade une belle émotion. Et comme le rappelle le journaliste du Monde : “Il y a plus de 70 ans de guerre autour de cette table.” Morris et Duncan ont couvert la deuxième guerre mondiale, ils ont tous les deux 97 ans. McCullin (77 ans) et Chauvel (64 ans) ont photographié la guerre du Vietnam, et Kozyrev (49 ans) se présente comme un enfant au moment de parler de la dernière guerre d’Irak.
David Douglas Duncan suscite des rires dans le public en essayant de faire taire son voisin John G. Morris qui veut exprimer son admiration pour le travail de son confrère. Le vieil homme ne souhaite pas parler de sa carrière, il chasse d’un revers de la main les compliments et martèle : “J’étais juste photographe!” Tous s’accordent à dire que leurs photos n’ont pas changé le monde et surtout n’empêchent pas de nouvelles guerres. Don McCullin adopte une attitude de profonde humilité face à ses images. Il répète souvent qu’il a honte de certaines photographies qu’il a prise, de cette souffrance dont il a été le témoin. Patrick Chauvel est plus optimiste et, même s’il convient que ses images n’ont pas le pouvoir d’arrêter les guerres, il garde l’espoir vivace qu’elles ont le pouvoir de déranger les hommes politiques et rajoute : “On peut changer les choses de façon individuelle. J’ai la naïveté de croire que mes images peuvent marquer, même si ce n’est qu’une seule personne.” Il conclut : “La photo empêche de dire : on ne savait pas.”
Et c’est en effet l’impression qui ressort de cette rencontre, tous ces photographes ont écrit l’histoire de la guerre, ils ont témoigné avec une déontologie exemplaire. On ne peut que se joindre au public et applaudir avec entrain ces grands messieurs du photojournalisme. J.L.
Retrouvez notre dossier “Réinventons le photojournalisme” dans Fisheye n° 2 en kiosque samedi.