Entre recherche d’un bonheur pur et désir d’éloignement de la société de consommation, Juliette Pavy livre une vision fantasmagorique des communautés vivant dans des lieux de vie alternatifs. À l’occasion du festival de L’Œil Urbain, Vivre dans une ZAD se dévoile au théâtre de Corbeil-Essonnes jusqu’au 20 mai 2023.
Pour sa onzième édition, le festival photographique de L’Œil Urbain expose treize photographes dans différents lieux de la ville de Corbeil-Essonnes autour de la thématique « habiter ». Parmi elleux, Juliette Pavy pose son regard sur la façon d’habiter un lieu de vie alternatif et plus précisément la manière dont des personnes bouleversent leur quotidien morose pour vivre en communauté et s’éloigner du consumérisme de notre société. Débutée en janvier 2020, la série Vivre dans une ZAD présente la mythique ZAD de Notre-Dame-des-Landes mais également les communautés d’Eotopia, de Kerterre ainsi que celle d’Ecolonie. À la manière d’un conte, la photographe illustre l’importante diversité de ces différents tiers lieux.
« À 14 ans, je montais mon propre labo de développement argentique chez mes parents. Au lycée, j’organisais des shootings avec mes ami·es. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu une fascination pour l’image. Mais dans ma tête, il était impossible d’en faire mon métier », se remémore Juliette Pavy, passionnée par le médium depuis sa plus tendre enfance. Diplômée d’une école d’ingénieur en biologie, le 8e art ne tarde pas à la rattraper. « Rester derrière un bureau n’était plus envisageable », confie-t-elle. Elle entame alors une reconversion professionnelle et rejoint l’EMI – l’école des métiers de l’information – à Paris, où elle suit une formation en photojournalisme afin de mieux comprendre les codes du médium. Puis, l’idée de réaliser Vivre dans une ZAD germe rapidement dans la tête de la photographe, adepte du woofing. « Dans le cadre du journal de l’école, je travaillais en binôme avec une personne qui a vécu dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Mon choix de sujet pour le projet de fin d’études a sonné comme une évidence. Cela faisait un moment que je voulais travailler sur les écolieux », se souvient-elle.
En osmose avec ses valeurs
Vivant entre la Bretagne et Paris, Juliette Pavy débute son projet par une semaine d’immersion dans cette ZAD, accompagnée de son binôme d’école. Composée de familles avec des enfants, de couples et de personnes seules, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est désormais un lieu de vie où des projets agricoles, culturels et militants sont organisés. « C’était très stimulant d’être sur place avec quelqu’un qui connaissait très bien les lieux. Les gens qui y vivent sont méfiants vis-à-vis des médias, mais j’ai été très bien accueillie », explique la photojournaliste co-fondatrice du Collectif Hors Format. Elle y rencontre un personnage atypique : Marcios, ancien décorateur de cinéma qui conçoit des costumes d’arbre, de salamandre ou encore de menhir. « Il les a fabriqués pour les manifestations d’avril 2018 contre les expulsions des habitant·es suite à l’abandon du projet d’aéroport. Il trouvait ça drôle le fait que la police se retrouve face à des arbres », précise-t-elle. Puis, puisque les zadistes lui évoquent d’autres écolieux en France. Juliette Pavy élargit ses recherches.
Au large de la Saône-et-Loire, dans le sud du Morvan, elle part à la découverte d’Eotopia, fondée par Benjamin Lesage. Après avoir voyagé un an sans argent, le baroudeur refuse de vivre dans cette société de consommation et cherche donc à créer un mode de vie fonctionnant avec le moins d’argent possible. Trocs, autonomie alimentaire ou encore permaculture, de nombreuses solutions sont mises en place. « Ce lieu prône le respect du vivant », ajoute Juliette Pavy. « Un grand corps de ferme accueille les temps de collectivités et de repas, mais chaque habitant·e possède un habitat privé comme une yourte, une caravane ou une maison en terre-paille. » Entre autres lieux singuliers, elle s’immisce chez Ecolonie, dans les Vosges. Fondée par des Hollandais·es, cette communauté totalement autonome et très organisée est soumise à des règles précises : 40 heures de travail par semaine, une cloche qui sonne le début et la fin de la journée ainsi que la pause déjeuner le midi… Ce mode de vie ne laisse pas place à l’improvisation contrairement, par exemple, à la ZAD. « Je vais poursuivre ce travail de représentation de la diversité et aller à la rencontre de nouvelles communautés prochainement », conclut Juliette Pavy.
© Juliette Pavy