Merlin Ferret, pour l’amour de la rage sociale

19 avril 2023   •  
Écrit par Milena III
Merlin Ferret, pour l'amour de la rage sociale

 Les fumigènes s’allument, la foule s’embrase et la lutte commence. Pour contribuer au devoir de mémoire, Merlin Ferret photographie les manifestations – ces moments d’histoire en train de se faire, traversés de tensions fauves et d’une magie certaine.

« En commençant à photographier les mouvements sociaux, j’ai compris les enjeux politiques qui peuvent découler de ceux-ci, l’importance d’un travail de mémoire sur les évènements socio-politiques qu’un pays peut traverser », déclare Merlin Ferret. Ce jeune autodidacte de 23 ans avait fait ses débuts lors d’une période de véritable bouleversement sociétal, le mouvement des Gilets Jaunes, en 2018. Marqué par cette rencontre avec la foule, « sa vigueur, sa détresse, sa manière de dépeindre la situation d’un pays », il fut alors témoin direct de la réponse violente et répressive de l’État vis-à-vis d’elle.

Désormais, Merlin Ferret capture la révolte contre le projet de Réforme des Retraites, lancé par le gouvernement d’Élisabeth Borne. Et constate une continuité avec le mouvement des Gilets Jaunes, dans la détermination des manifestant·es, comme dans la manière qu’a l’État de redoubler de violence. À chaque nouvel acte, le nombre de personnes mutilées augmente, à mesure que se durcit l’armement prévu pour le maintien de l’ordre. « Ce qui me frappe, c’est qu’après avoir passé plusieurs semaines au Chili et au Liban à couvrir des manifestations, je n’ai jamais pu observer une telle banalisation et une massification de tirs de grenades et d’armes non létales », s’indigne-t-il. Ces dérives inquiétantes donnent au jeune photographe une raison supplémentaire de venir documenter les révoltes françaises.

© Merlin Ferret© Merlin Ferret

Un argentique pour bouclier

Au cœur de ses images ? Les tensions à l’œuvre au cours des manifestations, et leur crescendo. D’abord, la joie et l’émotion de prendre part à la foule. Puis l’inquiétude, le mouvement des pas qui accélèrent, le spectre de la violence des policier·es sur les visages. Mais aussi la rage et l’irrévérence, la beauté du courage collectif, le « je » qui devient « nous ». Le moment, enfin, où la fissure entre le monde du gouvernement et la réalité des grévistes est rendue visible et indéniable. Témoignages de leur époque, ses clichés naissent d’un choix de s’intéresser à l’imperfection au cœur du réel, plutôt qu’au sensationnel ou au quotidien ordinaire. Et quoi de mieux, pour la capturer, que la photographie argentique ? « On y retrouve cette magie de la vie, faite d’erreurs et de réussites, résume-t-il. Dans un monde où beaucoup d’images résultent du numérique, l’argentique permet encore de susciter une interrogation concernant celles-ci – de la prise de vue au développement, en passant par le lien avec le sujet. »

« Assez jeune, j’ai découvert le lien social qu’une image pouvait apporter entre plusieurs individus », poursuit l’auteur. Un constat qui vient rejoindre sa conception de la photographie comme outil éminemment politique, et comme dernière trace de la lutte des corps après un tel évènement. « J’entends inscrire dans le temps le courage parfois teinté de désespoir dont s’arment ces personnes qui marquent leur époque », affirme-t-il. Cette énergie qui prend d’assaut les fourgons blindés de la police, remue le béton que foulent les grévistes, et tient les murs de la ville, les photographies de Merlin Ferret la retransmettent avec force et beauté. Et laissent deviner que la catastrophe n’est pas une fatalité, et peut être dépassée.

© Merlin Ferret© Merlin Ferret

© Merlin Ferret

© Merlin Ferret© Merlin Ferret
© Merlin Ferret© Merlin Ferret

© Merlin Ferret

© Merlin Ferret© Merlin Ferret

© Merlin Ferret

Explorez
Bellissima : la fabrique des apparences par Carla Rossi
© Carla Rossi
Bellissima : la fabrique des apparences par Carla Rossi
Dans son ouvrage Bellissima, publié par Art Paper Editions, Carla Rossi explore les désirs, les façades et les codes qui façonnent la...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
5 événements photo à découvrir ce week-end
Rikka, la petite Balinaise, Fernand Nathan, Paris, 1956 © Dominique Darbois, Françoise Denoyelle.
5 événements photo à découvrir ce week-end
Ça y est, le week-end est là. Si vous prévoyez une sortie culturelle, mais ne savez pas encore où aller, voici cinq événements...
29 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Victor Gassmann : « Je crois en la matière »
Affiche Pictorial Service rue de la Comete 1950 © Archives Picto
Victor Gassmann : « Je crois en la matière »
Arrière-petit-fils de Pierre Gassmann, Victor Gassmann veille sur l’héritage de Picto, laboratoire emblématique qui a façonné le tirage...
27 novembre 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Les images de la semaine du 17 novembre 2025 : portraits du passé et du présent
I Saw a Tree Bearing Stones in Place of Apples and Pears © Emilia Martin
Les images de la semaine du 17 novembre 2025 : portraits du passé et du présent
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes de Fisheye dépeignent différentes réalités. Certains puisent leur inspiration...
23 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Bellissima : la fabrique des apparences par Carla Rossi
© Carla Rossi
Bellissima : la fabrique des apparences par Carla Rossi
Dans son ouvrage Bellissima, publié par Art Paper Editions, Carla Rossi explore les désirs, les façades et les codes qui façonnent la...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
La sélection Instagram #535 : surfaces texturées
© Laura Barth / Instagram
La sélection Instagram #535 : surfaces texturées
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine explorent la matérialité de la photographie. Du papier aux émulsions, en passant...
02 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Twin Peaks, ambiguïté et nature morte : dans la photothèque de Stan Desjeux
Si tu devais ne choisir qu’une seule de tes images, laquelle serait-ce ? © Stan Desjeux
Twin Peaks, ambiguïté et nature morte : dans la photothèque de Stan Desjeux
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les artistes des pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les...
01 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #567 : Himanshu Vats et Grant Harder
© Grant Harder
Les coups de cœur #567 : Himanshu Vats et Grant Harder
Himanshu Vats et Grant Harder, nos coups de cœur de la semaine, explorent la nature, et les liens qu’elle entretient avec les humains. Le...
01 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger