Quelques mois après avoir été décorées du Prix BMW ART MAKERS, Eva Nielsen et Marianne Derrien nous dévoilent les premiers tirages d’INSOLARE. Comme le veut le programme de mécénat dédié aux arts visuels et à l’image contemporaine, la série primée résulte d’une expérimentation qui entremêle approches et regards, tout en faisant écho aux problématiques qui sont les nôtres. Succédant à Arash Hanaei et Morad Montazami, le duo prolonge une interrogation sur le paysage urbain. Cette fois-ci, il n’est plus question des architectures utopiques des banlieues des années 1960 et 1970, mais de la Camargue, région en proie à d’importantes mutations. Géographie et géologie se conjuguent ici à la poésie d’une alchimie, dans une démarche dont peu de femmes osent encore se faire les ambassadrices. En contrepoint, cette pratique souligne toute la fragilité d’un environnement aux multiples facettes, voué à disparaître à cause de l’activité humaine.
Un passage éphémère
Étrangère au territoire camarguais, Eva Nielson s’intéresse aux différentes strates qui le composent.« Avec INSOLARE, [elle] s’empare de phénomènes optiques et hydrogéologiques afin de les combiner à un geste technique, celui de l’insolation, notamment utilisé en sérigraphie », explique la commissaire Marianne Derrien, qui l’accompagne dans ses projets depuis plus d’une dizaine d’années. En travaillant par couches successives, l’artiste pluridisciplinaire entend cristalliser la sédimentation d’un paysage emplein de paradoxes. À la fois industriel et sauvage, menacé par la sécheresse et la montée des eaux, il incarne cet espace que l’on souhaite s’approprier autant que l’on aimerait protéger. À l’instar de toutes ces réalités qui coexistent, les clichés de la série sont placés sur un pied d’égalité. Ils s’entrechoquent jusqu’à générer une nouvelle image, pareille à ce que l’autrice qualifie de « persistance rétienne ».
Le temps d’une contemplation, spectateurs et spectatrices sont invités à se faire démiurges, à apposer leurs propres souvenirs qui jaillissent par bribes. Dans ce vaste champ d’interprétations se cultivent les lacunes qui laissent placent aux fantaisies de l’esprit. Les images sont « ouvertes, pas autoritaires », assure Eva Nielson, avant de compléter : « Il s’agit d’un jeu mental entre le regard et l’alchimie des couleurs et du collage. Je suis un filtre qui reçoit le territoire, qui va le traverser. » De bien des façons, ce passage est voulu éphémère, pensé de manière à ne pas altérer le paysage. Entre autres choses, les structures utilisées dans le cadre de l’exposition au cloître Saint-Trophime d’Arles suivront également les œuvres à Paris Photo cet automne. Une belle manière de superposer le fond et la forme et d’encourager les initiatives en faveur de la planète.
© Eva Nielsen / BMW ART MAKERS, à g. Insolare II, 2023, acrylique sur papier et photographie numérique sur calque, taille variable ; à d. Lucite (They III), 2023, 190 x 140 cm, acrylique, encre et sérigraphie sur toile
© Eva Nielsen / BMW ART MAKERS, Doline (Salicorne), 2023, 230 x 190 cm, huile, acrylique, encre et sérigraphie sur toile
© Eva Nielsen / BMW ART MAKERS