BMW ART MAKERS : la Camargue rémanente d’Eva Nielsen et Marianne Derrien

19 avril 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
BMW ART MAKERS : la Camargue rémanente d’Eva Nielsen et Marianne Derrien
Eva Nielsen et Marianne Derrien, l’artiste et la curatrice lauréates de la deuxième édition du Prix BMW ART MAKERS, ont ouvert les portes de leur atelier parisien pour dévoiler les premières images d’INSOLARE. Une fois achevée, la série prendra ses quartiers d’été au cloître Saint-Trophime le temps des Rencontres d’Arles avant d’être exposée, à l’automne, à Paris Photo.

Quelques mois après avoir été décorées du Prix BMW ART MAKERS, Eva Nielsen et Marianne Derrien nous dévoilent les premiers tirages d’INSOLARE. Comme le veut le programme de mécénat dédié aux arts visuels et à l’image contemporaine, la série primée résulte d’une expérimentation qui entremêle approches et regards, tout en faisant écho aux problématiques qui sont les nôtres. Succédant à Arash Hanaei et Morad Montazami, le duo prolonge une interrogation sur le paysage urbain. Cette fois-ci, il n’est plus question des architectures utopiques des banlieues des années 1960 et 1970, mais de la Camargue, région en proie à d’importantes mutations. Géographie et géologie se conjuguent ici à la poésie d’une alchimie, dans une démarche dont peu de femmes osent encore se faire les ambassadrices. En contrepoint, cette pratique souligne toute la fragilité d’un environnement aux multiples facettes, voué à disparaître à cause de l’activité humaine.

Un passage éphémère

Étrangère au territoire camarguais, Eva Nielson s’intéresse aux différentes strates qui le composent.« Avec INSOLARE, [elle] s’empare de phénomènes optiques et hydrogéologiques afin de les combiner à un geste technique, celui de l’insolation, notamment utilisé en sérigraphie », explique la commissaire Marianne Derrien, qui l’accompagne dans ses projets depuis plus d’une dizaine d’années. En travaillant par couches successives, l’artiste pluridisciplinaire entend cristalliser la sédimentation d’un paysage emplein de paradoxes. À la fois industriel et sauvage, menacé par la sécheresse et la montée des eaux, il incarne cet espace que l’on souhaite s’approprier autant que l’on aimerait protéger. À l’instar de toutes ces réalités qui coexistent, les clichés de la série sont placés sur un pied d’égalité. Ils s’entrechoquent jusqu’à générer une nouvelle image, pareille à ce que l’autrice qualifie de « persistance rétienne ».

Le temps d’une contemplation, spectateurs et spectatrices sont invités à se faire démiurges, à apposer leurs propres souvenirs qui jaillissent par bribes. Dans ce vaste champ d’interprétations se cultivent les lacunes qui laissent placent aux fantaisies de l’esprit. Les images sont « ouvertes, pas autoritaires », assure Eva Nielson, avant de compléter : « Il s’agit d’un jeu mental entre le regard et l’alchimie des couleurs et du collage. Je suis un filtre qui reçoit le territoire, qui va le traverser. » De bien des façons, ce passage est voulu éphémère, pensé de manière à ne pas altérer le paysage. Entre autres choses, les structures utilisées dans le cadre de l’exposition au cloître Saint-Trophime d’Arles suivront également les œuvres à Paris Photo cet automne. Une belle manière de superposer le fond et la forme et d’encourager les initiatives en faveur de la planète.

© Eva Nielsen© Eva Nielsen

© Eva Nielsen / BMW ART MAKERS, à g. Insolare II, 2023, acrylique sur papier et photographie numérique sur calque, taille variable ; à d. Lucite (They III), 2023, 190 x 140 cm, acrylique, encre et sérigraphie sur toile

© Eva Nielsen

© Eva Nielsen / BMW ART MAKERS, Doline (Salicorne), 2023, 230 x 190 cm, huile, acrylique, encre et sérigraphie sur toile

© Eva Nielsen / BMW ART MAKERS

Explorez
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Année de la mer : 16 séries photographiques qui vous immergent au cœur du monde marin
© Stephanie O'Connor
Année de la mer : 16 séries photographiques qui vous immergent au cœur du monde marin
En 2025, la France célèbre la mer dans l’objectif de sensibiliser les populations aux enjeux qui découlent de ces territoires. À...
19 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Pierre Rahier capture sa vallée et sa famille dans un mutisme tendre
© Pierre Rahier. Le silence de la vallée
Pierre Rahier capture sa vallée et sa famille dans un mutisme tendre
Depuis près de dix ans, à travers sa série Le Silence de la vallée, Pierre Rahier documente son environnement familial dans une vallée...
18 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Jeu de Paume : Paysages mouvants, terrain de nos récits personnels et collectifs
The Scylla/Charybdis Temporal Rift Paradox 2025. Installation : soieries, bras robotisé, vidéo, lumières leds et Uvs (détail). © Mounir Ayache
Jeu de Paume : Paysages mouvants, terrain de nos récits personnels et collectifs
Jusqu’au 23 mars 2025, le Jeu de Paume accueille la deuxième édition de son festival dédié aux images contemporaines : Paysages mouvants....
11 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Kianuë Tran Kiêu : éclats de tendresse et narratives queers
© Kianuë Tran Kiêu
Kianuë Tran Kiêu : éclats de tendresse et narratives queers
Kianuë Tran Kiêu fait de l’art un espace de connexion et de transmission où la vulnérabilité devient une force. Chaque projet est une...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Costanza Spina
Les coups de cœur #533 : Martin Bousquet et Yulissa Aranibar
Imperial skaters © Yulissa Aranibar
Les coups de cœur #533 : Martin Bousquet et Yulissa Aranibar
Martin Bousquet et Yulissa Aranibar, nos coups de cœur de la semaine, examinent les territoires et les populations qui les habitent....
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 17.02.25 au 23.02.25 : sonder la société
© Aletheia Casey
Les images de la semaine du 17.02.25 au 23.02.25 : sonder la société
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye sondent la société par l’entremise de mises en scène, de travaux...
23 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
22 février 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas