Charlotte Abramow remet en cause des clichés associés à la beauté féminine et célèbre des corps. Elle expose sa série Première page à la Fisheye Gallery, à Arles, jusqu’au 27 septembre. Cet article, rédigé par Iris Brey, est à retrouver dans notre dernier numéro.
Envisagée comme la trajectoire des débuts du travail de Charlotte Abramow, l’exposition Première page retrace la manière dont l’artiste, depuis l’âge de 18 ans, déjoue les codes et les clichés associés à la beauté féminine. Sans jamais essentialiser les femmes à une seule image, ni en faisant un catalogue d’expériences, le travail d’Abramow s’attarde sur les plis, les traces, les cicatrices. Les corps deviennent une matière ludique et sortent de l’hypersexualisation. L’artiste donne une corporéité à ses sujets. Loin des images lissées qui pullulent dans les publicités ou sous les filtres d’Instagram les femmes sous l’objectif d’Abramow ont du relief. Elles vibrent.
Corps en mouvement
Charlotte Abramow porte un regard féminin dans le sens où ses photos nous permettent de ressentir ce que le sujet traverse, elle nous place dans l’intériorité de ces femmes. Sous son objectif, la masturbation, avoir ses règles, être enceinte, grossir, vieillir deviennent des états et des étapes dont les femmes peuvent être fières. Les corps féminins chez Abramow sont des corps en mouvement. Même si les femmes prennent la pose pour les portraits, leur expression n’est figée, leur corpsjamais cadenassé. On voit les traces du passé et l’éclat de l’avenir. Première page relate une évolution dans les corps représentés dans le travail de l’artiste, passant d’une diversité dans les formes du corps à une plus grande inclusivité de sujets. Progressivement, Abramow photographie celles qui d’habitude sont invisibilisées. Regarder en face des corps de femmes âgées, grosses, racisées, en situation de handicap, des femmes qui ont leurs règles, qui sont enceintes, des femmes trans, ou des femmes qui portent le foulard est déjà en soi un acte politique. L’œil de Charlotte Abramow va plus loin en chargeant ces corps féminins d’une vitalité. Il se dégage de chacune de ses images de la joie. Abramow célèbre le féminin, le valorise. Les photographies de l’artiste racontent que le féminin mérite d’être montré, d’être regardé et surtout d’être repensé. Les photographies de Charlotte Abramow convoquent notre regard, elles nous invitent à devenir des spectateur·ices actif·ves. L’artiste ne se place jamais au-dessus de nous, mais nous propose de regarder avec elle, d’interroger ensemble les stéréotypes qui forment notre imaginaire, de combattre nos idées préconçues sur les corps des Autres et les nôtres. Il y a un dialogue qui se crée, une réflexion qui se partage sur des notions comme le consentement, le rapport au corps, le désir, le féminisme. Le regard subversif de Charlotte Abramow revalorise le féminin, et elle nous montre à quel point cela peut être un processus amplement joyeux.
L’exposition Première page est à découvrir à Arles, à la Fisheye Gallery jusqu’au 27 septembre. Le vernissage se tiendra le 8 juillet à partir de 18h.Cet article est à retrouver dans Fisheye #47, disponible ici.
© Charlotte Abramow