La mémoire fictive d’Albarrán Cabrera

01 juin 2016   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La mémoire fictive d'Albarrán Cabrera
Angel Albarrán et Anna Cabrera se connaissent depuis presque 30 ans. Ils forment depuis plusieurs années un beau duo photographique. Pour Fisheye, ils ont accepté de raconter leur mystérieuse série This is you. Entretien.

Fisheye Magazine : Depuis combien de temps travaillez-vous ensemble et pourquoi ?

Angel Albarrán et Anna Cabrera

: D’abord nous tenons à préciser qu’avant de nous rencontrer, nos vies, d’une manière ou d’une autre, étaient connectées à la photographie. Nous nous connaissons depuis 29 ans et avons commencé à travailler ensemble il y a 18 ans. Quand nous nous sommes rencontrés, nous avons réalisé qu’un de nos nombreux points communs était la photographie. Depuis, notre méthode de travail a beaucoup évolué. Au début, nous faisions des shootings et chacun développait et tirait ses images de son côté. Mais comme nous avions un regard assez similaires, nos photos se ressemblaient beaucoup. Lorsque nous en avons pris conscience, nous avons décidé de fonctionner autrement parce que cette façon de travailler n’avait plus de sens. Aujourd’hui, nous fonctionnons comme si nous ne formions qu’un seul et même photographe. Nous travaillons sur nos images sans se soucier de savoir lequel d’entre nous les a prises.

Qu’est-ce qui vous attirer l’un vers l’autre ?

Comme nous le disions, nous vivons ensemble et partageons beaucoup de points communs. Nos expériences et nos connaissances, nous les avons acquis ensemble au cours de ces 29 années. Travailler tous les deux, c’était ce qu’il y avait de plus naturel.

Qu’est-ce que la photographie représente à vos yeux ?

Elle nous aide à comprendre notre réalité. La photographie est pour nous une sorte de prise de notes. Ces notes visuelles, nous les prenons avec un état d’esprit spécifique et reflètent notre structure mentale. Petit à petit, au fil du temps, nous avons réviser notre travail, ce qui nous donne plus d’idées et de perspectives. Un peu comme l’on procéderait avec un journal.

Extrait de "This is you", © Albarrán Cabrera
Extrait de “This is you”, © Albarrán Cabrera

Qui est le “toi”, désigné dans le titre de votre série This is you [« c’est toi » , en français] ?

Et bien, c’est toi ! This is you est une réflexion autour de l’identité. Est-ce que nous sommes juste une suite de souvenirs changeants ? Est-ce que nos souvenirs sont-ils tous réels ? La photographie peut-elle les modifier ou les renforcer ?

Quelle est l’histoire de cette série ?

Un jour un de nos amis a trouvé une boîte remplie de négatifs. Il s’agissait de photos de famille sans grand intérêt, exception faite pour deux d’entre elles : elles étaient sous-exposées, si bien qu’il était impossible de distinguer les visages des gens représentés. Ces deux photos nous ont rappelé nos propres photos de familles et d’autres images que nous avons réalisées dans le passé. On s’est dit que si une famille entière était photographiée de cette façon, n’importe qui pourrait s’identifier derrière ces visages cachés. Par conséquent, nous avons décidé d’utiliser nos propres photos avec celles retrouvées dans cette boîte. Nous les avons toutes sous-exposées à dessein et développées avec le même procédé d’impression, de sorte à créer une unité. This is you c’est une identité fictive; les souvenirs de quelqu’un qui n’a jamais existé.

Qu’avez-vous cherchez à exprimer à travers elle ?

Nous aimerions que le spectateur prête attention aux idées que nous y avons glissé : l’identité, l’existence, la mémoire. Et inspirer chez lui ou elle une profonde empathie pour ces concepts.

Extrait de "This is you", © Albarrán Cabrera
Extrait de “This is you”, © Albarrán Cabrera

Qui sont les gens qui apparaissent dans This is you ?

Ce sont des amis, de la famille, des inconnus et nous deux.

Cette série est riche de significations : selon vous, quelles sont-elles ?

Les photos de This is you résultent d’une quête personnelle pour comprendre qui nous sommes. Elles ne répondent pas à cette question directement, mais engendre une forme de compréhension non-verbale autour d’elle.

Albarran-Cabrera-fisheyelemag-12AAlbarran-Cabrera-fisheyelemag-15Albarran-Cabrera-fisheyelemag-17AAlbarran-Cabrera-fisheyelemag-41Albarran-Cabrera-fisheyelemag-41AAlbarran-Cabrera-fisheyelemag-43Albarran-Cabrera-fisheyelemag-46AAlbarran-Cabrera-fisheyelemag-50

En (sa)voir plus

→ Découvrez l’ensemble du travail d’Angel Albarrán et Anna Cabrera : en.albarrancabrera.com

→ Suivez-les sur Tumblr : albarrancabrera.tumblr.com

Explorez
Nan Goldin, lauréate du prix Women in Motion 2025, présente Syndrome de Stendhal
Jeune amour, 2024 © Nan Goldin. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Gagosian.
Nan Goldin, lauréate du prix Women in Motion 2025, présente Syndrome de Stendhal
Ce mardi 8 juillet, Nan Goldin a reçu le prix Women in Motion au Théâtre Antique d’Arles, qui affichait complet. À cette occasion...
11 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Erica Lennard : « L'amitié féminine était une réalité que nous vivions pleinement »
Elizabeth, Californie, printemps 1970. © Erica Lennard. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / La Galerie Rouge.
Erica Lennard : « L’amitié féminine était une réalité que nous vivions pleinement »
Erica Lennard présente Les Femmes, les Sœurs à l’espace Van Gogh dans le cadre de la 56e édition des Rencontres d’Arles. L’exposition est...
11 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #549 : Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella
Andrea © Ainhoa Ezkurra Cabello
Les coups de cœur #549 : Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella
Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella, nos coups de cœur de la semaine, saisissent l’intime, les corps et les relations aux...
07 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nous autres, une ode à l'amitié et à la mémoire queer
Autoportrait avec JEB, E. 9th Street, New York, 1970 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix
Nous autres, une ode à l’amitié et à la mémoire queer
Avec Nous Autres, Donna Gottschalk et Hélène Giannecchini avec Carla Williams, présentée jusqu’au 16 novembre 2025, le Bal signe une...
04 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Dans l’œil de Pablo Saavedra de Decker : le bonheur d’être seul dans sa tête
Le général Augusto Pinochet portant le cercueil du gouverneur de la province de Santiago, Carol Urzúa, Santiago, Chili, 31 août 1983 © Marie-Laure de Decker
Dans l’œil de Pablo Saavedra de Decker : le bonheur d’être seul dans sa tête
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Pablo Saavedra de Decker. À l’occasion de la rétrospective que la Maison...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #550 : Guillaume Hutin et Ali Beşikçi
Masumiyet © Ali Beşikçi
Les coups de cœur #550 : Guillaume Hutin et Ali Beşikçi
Guillaume Hutin et Ali Beşikçi, nos coups de cœur de la semaine, ont au centre de leur pratique la notion de dialogue. Si le premier fait...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 7 juillet 2025 : sous le soleil arlésien
The Last Cosmology © Kikuji Kawada
Les images de la semaine du 7 juillet 2025 : sous le soleil arlésien
C’est l’heure du récap ! À l’occasion des Rencontres d’Arles, nous avons sélectionné une série d’expositions, aux sujets et...
13 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Octavio Aguilar remporte le prix Découverte Roederer
Ma yëë tunjoty, ma yëë kopkjoty, 2020. © Octavio Aguilar. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Parallel Oaxaca.
Octavio Aguilar remporte le prix Découverte Roederer
Pour la deuxième année consécutive, les Rencontres d'Arles mettent en lumière les sept finalistes du prix Découverte Fondation Roederer à...
12 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine