Traversée. Voici le fil rouge de la 6ᵉédition 2018 du festival photographique L’œil urbain qui se tiend, jusqu’au 20 mai, dans plusieurs espaces de Corbeil-Essonnes. Suivez le guide, Fisheye vous emmène en balade.
Comment traverser l’espace urbain ? Pour Didier Bizet, c’est en empruntant le métro. En 2017, dans le cadre de son projet sur la mélancolie en Russie, il documente le métro durant deux semaines, le plus grand d’Europe. Cinq à six heures de présence journalière dans les souterrains lui permettent de dresser un portrait de ce lieu de passage – on compte plus de 7 millions de passagers par jour, impressionnant. « On redécouvre toute l’histoire de la Russie dans le métro », explique Didier Bizet. Car en plus d’être un moyen de transport, le métro moscovite a été utilisé comme un puissant outil de « valorisation du patriotisme soviétique ». En plus d’apporter quelques éléments historiques, Lenin Palace livre des anecdotes captivantes. Saviez-vous, par exemple, que dans ce métro, les marbres étaient lustrés trois fois par jour ?
© Didier Bizet
Sophie Brändström, la photographe en résidence de l’édition a choisi de traverser Corbeil-Essonnes par la Nationale 7. Un axe routier au bord duquel elle photographie ses rencontres. Devant son objectif ? « Des cités et des zones pavillonnaires, des aires bétonnées et des jardins sauvages, des trottoirs propres (ou sales) et des coins de campagne ». Un diversité que l’on retrouve dans sa pratique de la photo puisqu’elle mélange polaroids noir et blanc et photos numériques en couleurs. De puissants portraits du quotidien.
La maison de photographes Signatures a également choisi la route nationale comme fil rouge de son projet collectif National, avenue de la France. Si les axes routiers empruntés diffèrent selon les photographes – Lahcène Abib, Patrick Bard, Arno Brignon, Sandrine Expilly, Raphaël Hell et Patrice Terraz – elles restent un point de départ original pour les photographes désirant partager leurs visions de la France.
© Sophie Brändström / Signatures
Mobilité et liberté, des questions de territoires
La mobilité est-elle toujours synonyme de liberté ? Une interrogation dont s’est emparé Gaël Turine. Le photographe de l’agence Maps a réalisé un poignant reportage autour du Mur de la honte, une construction de dix kilomètres de long séparant deux communautés à Lima. D’un côté, les toits de tôle du bidonville de Pamplona et de l’autre, les villas luxueuses. Quand les premiers installent une tour de contrôle, les seconds luttent au quotidien pour avoir un accès à l’eau ou à l’éducation. Un contraste saisissant.
Comme lui, le collectif haïtien K2D a travaillé sur des problématiques contemporaines : misère sociale et crises migratoires à la frontière entre Haïti et la République dominicaine.
Avec Alain Keler et son Juke Joint Blues, on reprend son souffle. Son magnifique travail en noir et blanc réalisé au sein du delta du Mississippi (1986) prouve que la musique est un réel échappatoire à la ségrégation. Là-bas, dans les bars, « la musique rythme les danses, accompagnée de rires d’une liberté que personne ne pourra contester », explique le photographe de l’agence Myop.
© Alain Keler
Voyages urbains
Devant les images de Denis Meyer, Claire-Lise Havet et Guillaume Zuili, la notion de « traversée » évoque le voyage. Denis Meyer, raconte une transhumance d’un genre nouveau : les bergers urbains. En suivant l’association Clinamen, il démontre l’intérêt des troupeaux urbains et prouve que de nouveaux modes de vie sont possibles. Direction Moscou avec Claire-Lise Havet qui a choisi de photographier les Habitats moyens, des lieux où règnent la mixité. Plus de dix ans de travail auront suffi à Guillaume Zuili pour documenter Los Angeles. Il livre une vision onirique de sa ville. Smoke et Mirrors s’apparente à un voyage dans le temps, où l’espace urbain apparaît comme « un bordel organisé ». Car la ville telle qu’il la montre n’est que poudre aux yeux et le mythe américain n’existe plus depuis un certain temps.
Une traversée qui ne vous laissera pas indifférent.
© Claire-Lise Havet
© Denis Meyer
© Guillaume Zuili
Image d’ouverture © Gaël Turine