Où sont les hommes… Nus ?

15 janvier 2021   •  
Écrit par Finley Cutts
Où sont les hommes... Nus ?

Jusqu’au 23 janvier, à l’occasion du parcours PhotoSaintGermain, le collectif Lusted Men nous invite à découvrir leur enquête, initiée à l’été 2019. Manifeste à la fois artistique et politique, c’est avant tout un besoin radical de montrer des images : les photographies érotiques d’hommes.

« Où sont les photographies érotiques d’hommes ? »

Cette question ouvre le manifeste de Lusted Men. La réponse devrait être évidente, et pourtant il est difficile de pointer ces images du doigt. Loin de souligner une simple négligence partagée vis-à-vis de ces représentations, elle met en lumière un refus bien réel de montrer une érotisation du corps masculin. C’est le constat de ce vide qui propulse le projet. « Ces images existent, elles sont même nombreuses, mais elles restent souvent cachées dans les tiroirs ou les imaginaires, explique le collectif, car l’érotisme est un champ principalement associé à la féminité. La culture visuelle a en effet appris aux femmes à se mettre en valeur, à se laisser observer et à se dévoiler face caméra ». Lusted Men a lancé une collecte massive de ces images, ouverte à toutes et tous, et a recueilli déjà plus de 230 propositions, et plus de 1000 photos. Longtemps attendu, cet appel à contributions amorce une nouvelle archive visuelle de l’intimité contemporaine. C’est une page qui se tourne enfin dans la représentation du corps masculin.

© Arthur Hervé

© Arthur Hervé

Résurgence d’un female gaze

Projetées lors du parcours PhotoSaintGermain, au Lusted Men Project Space jusqu’au 23 janvier, les photos des participants défilent. La superposition d’images de toutes sortes produit un véritable mouvement – une façon de contrer la surabondance de l’érotisme féminin longtemps banalisé. Geste curatorial fort et inclusif, toutes les contributions sont présentées : une manière de ne pas dicter les règles de l’érotisme. « À une époque où on est tous capables de capturer des images, qui sommes-nous pour dire ce qu’est une bonne photographie érotique ? », déclare Laura Lafon, photographe et iconographe, membre du collectif. Une fois le gouffre de ce manque de représentation découvert, le besoin de montrer cette façade devient indéniable. C’est avec surprise qu’on prend connaissance du projet de Lusted Men, mais c’est avec grande conviction qu’on y adhère. Sujet jusque-là ancré dans l’histoire de la photographie homoérotique avec George Platt Lynes ou encore Robert Mapplethorpe, ce sont en majorité des femmes qui participent à la collecte de Lusted Men : une preuve de la résurgence d’un female gaze.

Projet à la fois artistique et militant, la collecte photographique devient une pratique à portée sociologique. Invité.e.s à répondre à un questionnaire, chaque participant.e évoque son rapport à l’érotisme masculin. Allant du nu réalisé en studio, à la spontanéité du selfie post-coïtal, la quantité seule suffit pour reconnaître le besoin débordant de montrer ces images. « Il faut cesser de penser le désir comme unilatéral et asymétrique, entre le masculin actif et le féminin passif. Tant qu’il y aura des corps, il y aura de l’érotisme à les regarder. L’érotisme n’a pas de genre », raconte une participante : la photographe Chloé Sassi. Un autre, le photographe Arthur Hervé se souvient : « Après avoir pris quelques photos de ma concubine, nous avons inversé les rôles. Je me déshabille, elle passe de l’autre coté de l’appareil photo. Full débrayage. Empirique, instant improvisé, extatique ». À la voix des professionnel.le.s s’ajoutent celles des amateur.trice.s, comme Marie Tchou : « Le regard que l’on porte sur un corps qu’on aime est forcément transcendantal. C’est aussi une manière de figer un moment de désir ». Et ce désir, les photographes le saisissent au vol, avec passion – aussi bien dans l’intimité d’une chambre, que lors d’escapades en pleine nature.

 

L’exposition de Lusted Men est à découvrir jusqu’au 23 janvier dans le cadre du parcours PhotoSaintGermain. Si vous souhaitez contribuer au projet, l’archive grandit toujours. Toutes et tous sont invité.e.s à participer, en cliquant sur ce lien. Et pour suivre leur projet, abonnez vous à leur nouveau compte Instagram.

© Lusted Men© Lusted Men

Citations de participant.e.s recueillies sur le premier compte Instagram de Lusted Men avant sa fermeture / Captures d’écran

© Michael Savage

© Michael Savage

© Agathe Salem

© Agathe Salem

Chloé SassiChloé Sassi

© Chloé Sassi

© Sandrine De Pas

© Sandrine De Pas

© Louka Perderizet© Yasmine Hatimi

 ©  à g.Louka Perderizet, à d. Yasmine Hatimi

© Marie Tchou

© Marie Tchou

© Marie Rouge© Maxime Antony

© à g. Marie Rouge, à d. Maxime Antony

Image d’ouverture : © Sandrine De Pas

Explorez
Les images de la semaine du 5 mai 2025 : révolution des corps
© Anouk Durocher
Les images de la semaine du 5 mai 2025 : révolution des corps
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages Fisheye célèbrent les corps sous différentes formes, de sa portée politique aux...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Anouk Durocher : portrait d'une révolution intime
© Anouk Durocher
Anouk Durocher : portrait d’une révolution intime
Nous avons posé quelques questions à Anouk Durocher, artiste exposée à Circulation(s) 2025. Dans son travail, elle explore l'approche...
08 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Santé mentale et photographie : 22 séries qui expriment les maux
© No Sovereign Author
Santé mentale et photographie : 22 séries qui expriment les maux
La santé mentale est la grande cause de l’année 2025 en France. Pour cette occasion, la rédaction de Fisheye vous invite à (re)découvrir...
07 mai 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #505 : ce que dit le geste
© axelle.cassini / Instagram
La sélection Instagram #505 : ce que dit le geste
Langage du corps ou outil, le geste dit et produit. Il peut trahir comme démontrer, parfois même performer. Les artistes de notre...
06 mai 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 5 mai 2025 : révolution des corps
© Anouk Durocher
Les images de la semaine du 5 mai 2025 : révolution des corps
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages Fisheye célèbrent les corps sous différentes formes, de sa portée politique aux...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
The Journey Home from School © Laura Pannack, United Kingdom, Winner, Professional competition, Perspectives, Sony World Photography Awards 2025.
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
Des corps qui chutent, des trajectoires contrariées, des espaces repris de force… Et si la photographie était un langage de reconquête ?...
10 mai 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand
Marion Gronier, la folie et le regard
© Marion Gronier, Quelque chose comme une araignée / Courtesy of the artist and Prix Caritas Photo Sociale
Marion Gronier, la folie et le regard
Pendant deux ans, Marion Gronier a arpenté des institutions psychiatriques en France et au Sénégal. Sans jamais montrer de visages, elle...
09 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
Anouk Durocher : portrait d'une révolution intime
© Anouk Durocher
Anouk Durocher : portrait d’une révolution intime
Nous avons posé quelques questions à Anouk Durocher, artiste exposée à Circulation(s) 2025. Dans son travail, elle explore l'approche...
08 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina