Du 10 mai au 25 août, le BAL propose la série The moment in space de Barbara Probst. Saisies à partir d’un dispositif singulier composé d’une douzaine d’appareils, ces photographies sculptent le temps et l’espace.
La carte n’est pas le territoire. Faire sortir la photographie de ses contraintes formelles n’est pas évident. C’est pourtant ce que Barbara Probst a brillamment mis en place au BAL dans sa série The moment in space. « [Les photographies] n’offriront jamais une image objective du réel (…) Trois facteurs de défaillance incontournables au moins s’y opposent : le photographe, le procédé d’enregistrement lui-même et le support matériel de l’image, quel qu’il soit », explique l’artiste allemande. Dans ses images, elle parvient à figurer la distance et concrétiser l’espace. Par un dispositif de plusieurs boîtiers, elle saisit un même moment sous différents angles. L’instant décisif, cher aux théories de la photographie, se trouve démultiplié.
Scènes ou portraits, extérieur et/ou intérieur, et couleur couplée au noir et blanc, tout fait sens. C’est dans cette logique imparable que le spectateur pourra apprécier ce que nous pourrions qualifier de « volumes ». La cohérence de l’idée et du geste de Barbara Probst installe une distance en même temps qu’une proximité. Elle souligne les écarts entre le réel, sa représentation et la perception : « Ce qui s’est en réalité passé ou ce qui a été photographié, c’est-à-dire la « réalité », devient une donnée hors de propos. J’envisage parfois mes images comme une façade dont la structure qui les supporte se serait évaporée.»
© Barbara Probst / ADAGP
Un dialogue entre les arts
Avec The moment in the space, Barbara Probst instaure un dialogue entre les arts. Tout d’abord avec la sculpture qu’elle a étudiée à l’Académie des Beaux-Arts de Munich. « Le modèle se tenait debout sur une table que l’on faisait pivoter toutes les dix minutes d’environ 30 ou 40 degrés, afin que chaque étudiant soit capable de le voir sous tous les angles possibles. » En changeant de pratique, elle traduit par la photographie la diversité des perspectives de la sculpture. Elle nous rappelle que le regard est pluriel.
Le parallèle avec le cinéma est aussi évident. Face à ces installations de plusieurs photographies, le spectateur est sollicité. En un unique instant, une séquence est présentée. Les diverses interprétations installent la narration. Nous sommes bien dans une exposition de photographies, mais nous pouvons penser aux expressions du philosophe Gilles Deleuze parlant du cinéma : « l’image-temps » et « l’image-mouvement ». La métaphore cinématographique ne s’arrête pas là. Barbara Probst confie être intriguée par des réalisateurs comme Jean-Luc Godard ou Alain Robbe-Grillet. « Leur façon de construire un récit en introduisant des trous ou des non-dits dans l’histoire ou en changeant de manière inattendue de perspective, va à l’encontre de ce qui était anticipé par le lecteur ou le spectateur. Ils traitent l’histoire comme un peintre cubiste le ferait avec l’espace.» Cette ultime référence à la peinture explicite les passerelles que l’artiste a voulu construire. Une démarche objectivée dans les œuvres présentées au BAL.
© Barbara Probst / ADAGP