Lauréat de la Carte Blanche étudiants organisée par Paris Photo, Chris Hoare y exposera The worst poem in the universe, un projet réalisé en Australie, interrogeant la notion de chance au cœur d’un pays complexe, hanté par ses richesses et ses inégalités.
C’est à 17 ans, en découvrant les chambres noires de son école d’art, que Chris Hoare a débuté sa relation avec la photographie. Le jeune auteur, installé à Bristol, n’a depuis plus jamais quitté son boîtier. « J’ai toujours réalisé des documentaires, j’essaie de raconter des histoires avec mes images, et le portrait joue un rôle conséquent dans chacun de mes projets », explique-t-il. Son esthétique évolue lorsqu’il se plonge dans The worst poem in the universe, un travail conséquent entamé en 2015 et terminé en 2019. Ses images se transforment alors en un récit, organisé à la manière d’un script de film ; un conte cinématographique aux nombreuses influences.
En 2014, Chris Hoare découvre le Hip-hop aborigène, et se passionne pour la culture australienne. Il s’y rend l’année suivante durant un mois, tentant de capturer l’effervescence de ce mouvement. « Mais je me suis lassé de mon langage photographique – je shootais alors un reportage en numérique, confie-t-il. J’ai rapidement réalisé que je manquais considérablement de temps pour traiter ce sujet d’une manière satisfaisante. » En parallèle du périple, le photographe se plonge dans un ouvrage de Donald Home appelé Lucky Country, explorant la notion de chance en terres australiennes. Un thème qui l’intrigue et l’inspire, le poussant dès son retour à s’envoler de nouveau pour s’installer dans le pays une année entière. « J’ai traversé l’espace d’un bout à l’autre. Puis j’ai économisé pour un ultime voyage, me permettant de m’attarder sur Sidney et la Gold Coast », ajoute-t-il. Une immersion totale dans ce lieu fascinant, qui lui fait oublier les frustrations des premières esquisses et le plonge dans un nouveau projet.
Fantasmes et réalités
L’ouvrage de Donald Home, publié en 1964 s’affirme comme une critique du pays et de ses habitants. Pourtant, l’adage « lucky country » est devenu populaire en Australie, où le livre a rencontré un grand succès. Les plages de sable fin, l’incroyable diversité de la faune et flore, l’attitude décontracté des Australiens évoquent un paradis terrestre utopique. Un territoire abondant et riche, aux ressources illimitées. « Après avoir passé quelque temps là-bas, il m’a paru évident que ce mode de vie n’est pas accessible à tous. Les populations aborigènes vivent en marge de cette société, et les Australiens sont reconnus pour être des joueurs compulsifs, perdant leurs économies dans des paris », confie Chris Hoare, qui s’est également intéressé au personnage de Gina Rinehart, une milliardaire australienne, auteure de Our Future, désigné « pire poème de l’univers » par une journaliste. Une œuvre dénigrant la campagne anti-minière du gouvernement. « J’étais fascinée par son histoire – elle a hérité de l’industrie minière de son père, de sa richesse et de son influence – et je me suis interrogé sur son rapport à la chance », précise le photographe. Aussi absurde que charismatique, la PDG devient une parfaite protagoniste, soulignant les contrastes entre fantasme et réalité, désinvolture et inégalité.
Avec The worst poem in the universe, Chris Hoare tisse des liens entre ses personnages, et développe un récit complexe. Ses palettes de couleurs soigneusement travaillées et ses monochromes poétiques illustrent à la fois le charme et les contrastes de l’Australie. « C’est un endroit magnifique, qui peut parfois être considéré comme une terre d’opportunité, mais il est clair que ce pays est plus complexe qu’il n’est souvent représenté », déclare le photographe. En jouant sur les mots et les apparences, il donne à voir un espace tout en nuance, révélant la discrimination et l’injustice, comme l’insouciance et la splendeur.
© Chris Hoare