Karol Pałka, artiste polonais, revient sur le passé communiste de son pays. Dans Edifice, il capture des bâtiments déserts, vestiges d’une ère aussi monumentale qu’oppressante.
Salles désertes, bâtiments en ruine, vestiges d’un passé grandiose… Les images de la série Edifice, de Karol Pałka nous emportent dans un passé proche – celui de l’ère communiste. Le photographe et réalisateur polonais a débuté son projet en 2016, en découvrant, par hasard, l’un de ces lieux emblématiques. « C’est ainsi qu’ont commencé mes recherches. Il était souvent difficile d’obtenir la permission de photographier certains endroits, car leurs propriétaires étaient inconnus. D’autres, abandonnés, étaient plus faciles d’accès », raconte l’auteur.
Né deux ans après la chute du communisme, Karol Pałka a grandi avec les souvenirs de ses parents. Ceux d’une ère glaçante, marquée par un parti dominant, oppressant. « Ces images, oscillant entre fiction et réalité, illustrent mon désir d’explorer l’histoire de mon pays. Car on ne peut la comprendre qu’en étudiant soigneusement son passé », explique-t-il.
Une utopie créée de toute pièce
Vidés de toute trace d’humanité, les clichés évoquent un temps révolu. Au cœur de ces architectures fragiles, cependant, apparaissent les traces d’une utopie créée de toute pièce par le parti soviétique. Du Polana Hotel – un complexe vacancier détenu par les membres du parti communiste de Tchécoslovaquie – au bureau de Nowa Huta Steelworks, visité autrefois par Nikita Khrouchtchev et Fidel Castro – les édifices capturés par le photographe symbolisent la puissance du régime. « L’architecture était alors devenue un outil de surveillance utilisé par l’État, explique-t-il. Si certains Polonais estiment que ces bâtiments devraient être détruits, je pense qu’ils font partie de notre passé. Notre mémoire ne les oubliera pas pour autant. »
Métaphorique, la série examine la notion de persistance. Le pouvoir est-il immortel ? Quelle est son emprise sur nous ? Si les constructions survivent dans le temps, leur beauté disparaît, laissant place à une certaine décadence – à l’image des débordements politiques du 20e siècle. « Certains se souviennent très bien de cette époque, d’autres n’y songent jamais. Il s’agit d’une sorte d’amnésie nationale. D’une manière de se ranger du côté des plus faibles, et des oubliés. C’est une manifestation d’un traumatisme et d’un désir de rébellion », conclut Karol Pałka. Une collection d’images aux profondes ramifications.
© Karol Pałka