Dans les rues étonnamment calmes des métropoles se meuvent des silhouettes affairées, animées par un geste aussi charmant que fugace. Le temps presse, annihile les êtres au profit de leurs ombres, et pourtant, celui-ci semble étranger aux tableaux qui se jouent devant nous. Cet univers singulier et si difficile à dater est celui de Sarah van Rij et de David van der Leeuw. Partenaires de vie et de création, les deux photographes néerlandais se sont formés seuls au 8e art. « J’ai rencontré Sarah il y a dix ans et, ensemble, nous avons imaginé cette sorte de monde parfait. À l’époque, nous prenions tous les deux beaucoup de photos, juste pour nous, et cela a pris de l’ampleur », commence celui qui officiait jusqu’à peu dans l’industrie musicale. « Dès le début, nous portions un regard à la fois similaire et complémentaire sur ce qui nous entourait. Nous remarquions les mêmes détails. Qui aurait pu deviner à quel point nos échanges allaient faire jaillir autant de beauté ? », abonde celle-ci avec enthousiasme.
Si les deux artistes ont toujours désiré travailler main dans la main, il aura fallu attendre que la pandémie survienne pour qu’une première collaboration puisse voir le jour. « Derrière l’appareil, nous partageons systématiquement nos pensées, notre philosophie, nos interrogations… Même si chacun de nous saisit ses propres images dans la rue et que nous continuons bien évidemment à développer nos projets personnels en parallèle, nous passons beaucoup de temps ensemble. C’est très spécial, mais ça se passe super bien », assure Sarah van Rij. Alors que les métropoles sont propices à la solitude, leurs pratiques respectives se conjuguent et s’accordent dans une harmonie parfaite, qui suggère toute l’étendue de la complicité qui les unit au quotidien.
© à g. David van der Leeuw, à d. Sarah van Rij
Donner libre cours à notre imagination
Dans les compositions que signe le couple, les visages se font rares quand leurs contours anonymes font la part belle aux mouvements des étoffes et aux diverses lignes qui se dessinent en contrepoint. « Nous cherchons à éviter les vêtements recouverts de marques, de logos à outrance, comme on le voit beaucoup de nos jours. À l’image, ils sont très visibles. Ils sont d’ailleurs pensés pour capter l’attention et empêcher celui ou celle qui regarde de voir tout autre chose », indique David van der Leeuw. Témoignage d’une mode passagère, tous deux préfèrent immortaliser ces individus qui adoptent une tenue pareille à un uniforme. S’il décline leur identité, ce dernier échappe à l’inverse à tout repère temporel. Poésie subtile de la vie moderne, ces détails attrayants ne se révèlent qu’à l’œil placide du flâneur, seul être en mesure d’apprécier les innombrables séquences qui défilent chaque jour devant lui.
Tels des peintres baudelairiens, Sarah van Rij et David van der Leeuw se plaisent à dépeindre des fragments d’existences sibyllines. Saisis à la volée, ils portent en eux d’innombrables récits que nous ne saurions deviner et qui donnent libre cours à notre imagination. « Nous ne sommes pas nécessairement nostalgiques, nous ne voulons pas retourner dans les années 1960. Nous nous contentons de capturer les éléments qui nous semblent les plus beaux, les plus inspirants. En cela, photographier les rues est un exercice difficile, car ce que nous recherchons est très spécifique. Nous sommes en quête de formes conceptuelles, d’ambiances qui sont le reflet de notre réalité et non une représentation directe de ce qu’elle est véritablement. Notre approche est plus psychologique, philosophique. Plusieurs couches se superposent, et chacun peut comprendre nos images selon sa propre perception. Cela rend les choses encore plus poétiques », conclut en chœur le duo.
© à g. Sarah van Rij, à d. David van der Leeuw
© Sarah van Rij
© David van der Leeuw
© David van der Leeuw et Sarah van Rij
© à g. David van der Leeuw, à d. Sarah van Rij
Image d’ouverture © Sarah van Rij