Eui-Jip Hwang est un photographe-graphiste visuel travaillant à New York. Sa série Live Your Dream critique l’empire chirurgical coréen et son emprise sur le pays, dans une esthétique aseptisée où le rêve se mélange à l’artificiel.
Fisheye : Pourquoi as-tu voulu devenir photographe ?
Eui-Jip Hwang : J’ai toujours été fasciné par ce médium, et sa capacité à manipuler la vérité. Quand on interprète une photo – qu’elle soit fabriquée de toutes pièces ou non – on la voit immédiatement comme un reflet de la réalité. On la compare avec notre vision du monde.
Comment définirais-tu ton approche photographique ?
Je me définis comme un créateur d’images, et mon approche est influencée par celles utilisées dans les médias, que je déconstruis ensuite. Me renseigner sur les photos que je récolte dans des publicités, voilà ce qui m’intéresse. Cette collection de visuels me sert de points de départ pour susciter un débat et partager des informations.
Comment utilises-tu ces informations ensuite ?
J’analyse une multitude d’esthétiques différentes, de sensations provoquées par la publicité, et j’essaie de prendre en compte son but – générer du désir, du besoin. J’ai réalisé que notre réaction vis-à-vis d’elle change si on en fait une œuvre d’art. Grâce à cette transformation, un dialogue se crée entre nous et l’image, et nous ne subissons plus la publicité de masse.
De quoi parle Live Your Dream ?
J’y explore le paysage changeant de la Corée du Sud d’aujourd’hui. La fascination grandissante pour les cosmétiques et la chirurgie plastique a changé l’idée de modernité chez les Coréens. Le projet parle de l’influence écrasante du monde occidental et de sa culture sur ce pays. La Corée du Sud est maintenant dominée par des médias qui vantent la supériorité de la beauté « euro centrale ». Ils prônent des particularités physiques incompatibles avec la nature coréenne (les yeux bleus, par exemple).
Qu’est-ce qui t’a poussé à travailler sur ce sujet ?
Le changement radical qui a eu lieu au sein de cette culture m’a alarmé et m’a poussé à me renseigner sur le sujet. J’ai aussi remarqué que le reste du monde ne voyait plus la Corée du Sud de la même façon qu’avant. Ce n’est pas un hasard si la musique pop coréenne est aussi populaire dans le monde occidental. De la même manière qu’Hollywood, la Corée du Sud se nourrit de la superficialité, et utilise l’apparence pour obtenir plus de pouvoir, ou un rang social plus élevé. Le pays a d’ailleurs inventé un terme décrivant la suprématie du physique : le lookisme.
Que souhaitais-tu mettre en avant dans cette série ?
Ce projet parle d’un sujet très important au XXIe siècle : la liberté d’être ce que l’on veut. Les avancées technologiques permettent aujourd’hui aux gens de développer leur propre identité, poussant la Corée du Sud à cette surenchère. La chirurgie plastique est désormais la fierté du pays. Elle définit l’identité coréenne, et ce constat m’inquiète, car il annonce un futur assez sombre.
Habiter à New York tout en étant coréen, cela t’a-t-il aidé ?
Oui, bénéficier de cette double culture m’a permis de comprendre deux perspectives très différentes, et de mieux mener ce projet. Cela m’a aussi permis de mettre en avant l’influence de la culture occidentale en orient.
© Eui-Jip Hwang