Fueras paraíso est le deuxième projet réalisé par le binôme Jonás Bel et Rafael Trapiello. À travers le paysage urbain et rural de la région de Valence, les photographes illustrent les effets de la bulle immobilière dans la Costa Blanca, située au Sud-Est de l’Espagne.
Fisheye : Comment présenteriez-vous votre travail aux lecteurs ?
Jonás Bel et Rafael Trapiello
: Nous sommes deux photographes professionnels du collectif nophoto. Nous travaillons dans la photographie documentaire tout en développant un regard d’auteur, avec un certain lyrisme. Pour nous la photographie est un langage qui permet d’aborder les problèmes contemporains.
Qu’est-ce qui vous a poussé à réaliser ce projet ensemble ?
Il y a cinq ans nous avons réalisé notre premier travail collectif, « 2013 », un portrait de la société espagnole durant l’année la plus difficile de la crise économique. En l’espace d’un an, nous avons photographié une personne différente chaque jour. En parallèle, nous demandions à tous nos modèles d’écrire leur opinion et leur expérience quotidienne de la crise. En ont résulté 262 témoignages. Suite à ce projet, nous avons décidé de renouveler l’expérience tous les cinq ans afin de prendre le pouls de la situation sociale et économique de l’Espagne contemporaine. Cette année, nous nous sommes centrés autour du territoire et du paysage. Nous avons imaginé des scénarios qui reflètent la post-crise et documenté les enjeux actuels comme le changement climatique. Le tourisme massif et la désertification sont à l’origine de la pénurie d’eau de la région ; la désertification est une menace climatique réelle dans cette zone.
Pourquoi avez-vous choisi cette région de l’Espagne pour mener votre projet ?
Pour nous, la région de la Costa Blanca est représentative de l’Espagne et permet de saisir la situation socio-économique globale. Elle possède toutes les qualités et défauts du pays auquel elle appartient : du soleil, des plages infinies au sable fin, des montagnes, un patrimoine artistique et culturel. On y trouve aussi de la corruption politique, un tourisme de masse, une surproduction immobilière et un exode rural… Il nous semblait indispensable de comprendre cette région – avant considérée comme un paradis terrestre par son climat, sa fertilité et sa richesse depuis l’époque musulmane – , pour analyser l’état des choses en Espagne aujourd’hui.
Comment évolue le projet ?
Au début, nous nous sentions désorientés face à l’immensité du territoire que nous devions couvrir et la quantité d’histoires que nous voulions raconter. Au fur et à mesure que nous avancions, il devenait plus facile de choisir les photographies, d’épurer le contenu du projet, en termes de forme et de contenu.
Nous voulons explorer sous tous les angles le territoire que nous habitons. Tous les projets que nous réalisons ensemble ont toujours un rapport avec l’Espagne. Notre objectif est de composer un atlas visuel de notre pays. Fueras paraíso est le deuxième opus de ce travail. Nous avons une idée plus ou moins arrêtée du prochain chapitre, mais il est encore trop tôt pour en parler.
Un dernier mot ?
Il y a autant d’anecdotes que de photographies. Le fait de travailler et d’approfondir un sujet permet de se défaire des préjugés. Un jour, une personne nous a contacté via Instagram : « quand le projet sera terminé, les photos quotidiennes de la région me manqueront. Nous en avons tellement appris à travers ce projet. » Nous pensons que c’est un travail nécessaire, et c’est un vrai plaisir que cela impacte et inspire les spectateurs.
© Jonás Bel et Rafael Trapiello