Dossier Fisheye #47 : « Je crois aussi beaucoup à l’autoformation »

28 juillet 2021   •  
Écrit par Eric Karsenty
Dossier Fisheye #47 : "Je crois aussi beaucoup à l'autoformation"

Dans le Fisheye n°47, nous sommes allés à la rencontre de plus d’une vingtaine d’acteurs du monde de la photo, pour enquêter sur l’intérêt de suivre un cursus scolaire spécialisé. Un dossier nuancé confrontant les points de vue d’anciens étudiants, professeurs et spécialistes. Pour approfondir, découvrez ici l’entretien complet de Fabienne Pavia, créatrice des éditions du Bec en l’air. Propos recueillis par Éric Karsenty.

La formation n’est pas un critère pour moi, souvent je découvre le parcours d’un ou d’une photographe quand je leur demande leur biographie pour l’intégrer au livre… Les jeunes photographes, ceux dont nous publions les premiers livres, ont sans doute davantage suivi ce type de formations artistiques que les auteur(e)s confirmé(e)s. Comme nous publions majoritairement des formes d’écritures documentaires, les photographes ont souvent des cursus universitaires tournés vers les sciences sociales (histoire, sociologie, sciences politiques…), les lettres (classes prépa), et sont devenus photographes dans un deuxième temps. Je songe par exemple à Marion Gronier, que nous publierons prochainement, qui a fait Khâgne et Hypokhâgne, une maîtrise de cinéma et un DESS direction de projets culturels. Je pense aussi à Arko Datto, qui a suivi des études de sciences en Inde, et a ensuite suivi un cursus en France, dans la prestigieuse École polytechnique. Ce n’est qu’après qu’il s’est tourné vers la photographie, qu’il pratiquait déjà en autodidacte. Il y a aussi des photographes qui ont suivi une formation journalistique, et dont l’écriture a évolué vers quelque chose de plus personnel, de plus artistique.

Parmi les auteur(e)s qui viennent me présenter leur travail, j’ai l’impression qu’il y en a plus qui sont passés par des écoles d’art, ou qui ont suivi des stages, des master class, des workshops – qui sont d’ailleurs de plus en plus longs –, ou des compléments de cursus à l’étranger après des études universitaires en France. Mais je continue de recevoir des autodidactes – comme je le suis moi-même –, je crois qu’ils doivent le sentir ! Une fois de plus, la formation n’est vraiment pas ce que je regarde en premier. Parmi les photographes autodidactes que nous avons publiés, je pense à Denis Dailleux, qui était fleuriste quand il a commencé la photo, et Bruno Boudjelal, qui travaillait dans le voyage.

© Yohanne Lamoulere

© Yohanne Lamoulère

Il n’existe pas d’enseignement idéal

Pour conseiller un cursus, honnêtement je ne connais pas assez ce qui s’apprend en école d’art pour avoir un avis tranché. J’ai l’impression que les Arts Déco sont une bonne formation – je songe à Adrien Selbert qui est passé par là, à Bruno Fert aussi, qui me paraissent tous deux avoir à la fois une vision esthétique de leur travail, mais aussi une approche intellectuelle. Je songe aussi au Septantecinq, à Bruxelles, où pas mal de jeunes photographes intéressants sont passés (Téo Becher, Kamel Moussa…). Nous avons également publié des photographes qui ont fait l’ENSP d’Arles, évidemment, je pense à Yohanne Lamoulère et à Alexa Brunet. Mais je serais bien incapable de citer une école plus qu’une autre, car au fond je ne crois pas qu’il existe un enseignement idéal pour apprendre à être photographe. Je dirais la même chose pour devenir écrivain ou cinéaste.

J’imagine que cela dépend des personnes, de leur profil, de leur maturité, de leur culture générale, de leur éducation artistique, de leur curiosité, de la manière dont s’exerce leur créativité, de ce qu’elles souhaitent développer en photographie. Pour moi, ce qui fait un bon ou une bonne photographe, c’est la conscience qu’il a de ce qu’il fait. Peu importe s’il lui a fallu passer par une formation théorique ou technique, ou s’il l’a découverte seul en expérimentant, en cherchant, en regardant, en lisant… Faire des stages, montrer son travail à des artistes qu’on apprécie, recueillir l’avis de professionnels qui comptent à ses yeux me semble une bonne chose. Attention toutefois à ne pas enchaîner les stages et à ne pas devenir les disciples (en moins bons !) des photographes qui donnent ces stages, et qui ont parfois un petit côté « gourou »… Je pense que postuler à des concours est également intéressant – j’ai moi-même souvent repéré des photographes en étant membre d’un jury. Et je crois aussi beaucoup à l’autoformation, d’autant que les outils numériques sont désormais accessibles. J’applique cela à la technique mais aussi à l’art compte tenu du nombre de livres, d’images, de fonds qu’on peut aujourd’hui consulter. Et puis aussi, et plus que tout, aller voir des expositions, visiter des musées et pousser les portes des bibliothèques pour y lire des livres d’art et de photographie !

© Srebrenica© Srebrenica

© Srebrenica

Image d’ouverture © Srebrenica

Explorez
Octavio Aguilar remporte le prix Découverte Roederer
Ma yëë tunjoty, ma yëë kopkjoty, 2020. © Octavio Aguilar. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Parallel Oaxaca.
Octavio Aguilar remporte le prix Découverte Roederer
Pour la deuxième année consécutive, les Rencontres d'Arles mettent en lumière les sept finalistes du prix Découverte Fondation Roederer à...
12 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Rencontres d'Arles 2025 : les coups de cœur de la rédaction
Montagne de Corte, Corse, 2022. © Jean-Michel André. Avec l’aimable autorisation de l’Institut pour la photographie / Galerie Sit Down.
Rencontres d’Arles 2025 : les coups de cœur de la rédaction
En parallèle de ses articles sur la 56e édition des Rencontres d’Arles, qui se tient jusqu’au 5 octobre 2025, la rédaction...
12 juillet 2025   •  
Camille Lévêque décortique la figure du père
© Camille Lévêque. Glitch, 2014. Avec l’aimable autorisation de l’artiste
Camille Lévêque décortique la figure du père
Dans À la recherche du père, Camille Lévêque rend compte de questionnements qui l’ont traversée pendant de longues années....
10 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Pour ses vingt ans, MYOP rend hommage au passé pour mieux se tourner vers l’avenir
Militaires russes en visite sur le site de Chersonèse, Ukraine, 2005 © Julien Daniel / MYOP
Pour ses vingt ans, MYOP rend hommage au passé pour mieux se tourner vers l’avenir
Cette année, MYOP fête ses vingt ans. À cette occasion et dans le cadre des Rencontres d’Arles, les photographes de l’agence...
09 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 7 juillet 2025 : sous le soleil arlésien
The Last Cosmology © Kikuji Kawada
Les images de la semaine du 7 juillet 2025 : sous le soleil arlésien
C’est l’heure du récap ! À l’occasion des Rencontres d’Arles, nous avons sélectionné une série d’expositions, aux sujets et...
13 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Octavio Aguilar remporte le prix Découverte Roederer
Ma yëë tunjoty, ma yëë kopkjoty, 2020. © Octavio Aguilar. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Parallel Oaxaca.
Octavio Aguilar remporte le prix Découverte Roederer
Pour la deuxième année consécutive, les Rencontres d'Arles mettent en lumière les sept finalistes du prix Découverte Fondation Roederer à...
12 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Rencontres d'Arles 2025 : les coups de cœur de la rédaction
Montagne de Corte, Corse, 2022. © Jean-Michel André. Avec l’aimable autorisation de l’Institut pour la photographie / Galerie Sit Down.
Rencontres d’Arles 2025 : les coups de cœur de la rédaction
En parallèle de ses articles sur la 56e édition des Rencontres d’Arles, qui se tient jusqu’au 5 octobre 2025, la rédaction...
12 juillet 2025   •  
Nan Goldin, lauréate du prix Women in Motion 2025, présente Syndrome de Stendhal
Jeune amour, 2024 © Nan Goldin. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Gagosian.
Nan Goldin, lauréate du prix Women in Motion 2025, présente Syndrome de Stendhal
Ce mardi 8 juillet, Nan Goldin a reçu le prix Women in Motion au Théâtre Antique d’Arles, qui affichait complet. À cette occasion...
11 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet