Home Sweet Home : photographes au foyer

01 juillet 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Home Sweet Home : photographes au foyer

Livre et exposition, Home Sweet Home croise le regard de trente photographes britanniques autour de la notion de « chez soi ». Un ensemble aussi divers et passionnant que le territoire qu’il capture.

« Home sweet home », cette expression anglaise évoque à tous le bonheur de retrouver son chez-soi, son territoire intime. L’attachement des Britanniques pour cet intérieur, propre à chacun, n’a cessé de s’affirmer depuis le début du 19e siècle. Dans les années 1950, des réformes sociales installant une réduction du temps de travail, ainsi qu’une hausse du niveau de vie, ont fait du foyer un lieu précieux, destiné à être habité avec plaisir et confort. Comment représenter cette sphère privée ? L’ordinaire peut-il devenir fictif ? De quelle manière représenter l’évolution de ce home si cher aux habitants d’outre-Manche ? Au cœur d’un ouvrage et d’une exposition aux Rencontres d’Arles intitulés Home Sweet Home, trente photographes se sont exprimés avec humour, originalité, poésie et parfois irrévérence sur ce sujet complexe.

Construit en chapitre par Isabelle Bonnet, commissaire de l’exposition et initiatrice de l’ouvrage, Home Sweet Home s’intéresse aux banlieues, aux jardins ou encore aux décorations d’intérieur. Autant de prétextes pour illustrer la montée de la bourgeoisie, l’hyper-individualisme encouragé par Margaret Thatcher, ou encore la propagation de la misère et des sans-abri. En représentant l’univers confiné des maisons britanniques, les auteurs écrivent en contrepoint le récit historique et cosmopolite d’une Angleterre complexe.

Les miroirs d’une société

Chacun de ses chapitres immerge le regardeur dans un univers particulier. Précédées d’un texte précisant le contexte social de chaque époque, les images semblent interroger notre conception du foyer. Daniel Meadows et Martin Parr se sont intéressés aux intérieurs ouvriers de June Street. Moquettes, tapisseries et meubles dépareillés surchargent chaque pièce de motifs ornementaux et de couleurs vives. Pourtant, shootés en noir et blanc, les clichés rappellent la tristesse de l’espace extérieur, et le difficile quotidien des habitants.

Dans les années 1980, le Royaume-Uni bascule dans la consommation de masse. Une frénésie qui gagne toutes les classes. Ce changement brusque transforme l’esthétique des photographes passionnés par le documentaire. Préférant la couleur et les scènes prises sur le vif, les auteurs s’immergent dans cette nouvelle société. Dans sa série Home, Anthony Haughey compose une sorte d’album de famille, en capturant la vie de ses proches. Des moments de douceurs, au sein desquels se devinent les déboires des classes populaires.

Les bâtiments construits au lendemain de la Seconde Guerre mondiale fascinent Tom Hunter. Ces immeubles – érigés par des architectes rêveurs, ayant imaginé de nouvelles formes architecturales, des « rues dans le ciel » formant de gigantesques passerelles entre les immeubles – étaient censés recréer la convivialité des rues de quartier. Pourtant, la taille inhumaine des constructions et leur forte densité n’attirent pas les classes escomptées. Deux ans avant la démolition d’un de ses appartements, le photographe en a obtenu les clés, et a capturé les derniers résidents. Aux visages sereins s’oppose la violence de l’extérieur : un espace menacé par les gangs et les trafics.

Les récits tissés par les photographes présentent ce Home Sweet Home sous un nouvel angle. Lieu chaleureux, squat convivial ou espace luxueux, ces foyers deviennent les miroirs d’une société en constante évolution.

 

Home Sweet Home, éditions Textuel, 49€, 192 p. 

 

Exposition Home Sweet Home

Du 1 juillet au 22 septembre 2019

Maison des Peintres

43 boulevard Emile Combes, 13200 Arles

© Andy Sewell

© Andy Sewell

© Martin Parr / Magnum photos

© Martin Parr / Magnum photos

© John Paul Evans

© John Paul Evans

© Juno Calypso

© Juno Calypso

Explorez
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
© Austn Fischer
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
Installé à Londres, Austn Fischer puise dans les ressorts de la communauté LGBTQIA+ pour interroger les notions traditionnelles de genre....
21 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Eleana Konstantellos : faire vrai pour voir le faux
Chupacabras © Eleana Konstantellos
Eleana Konstantellos : faire vrai pour voir le faux
Eleana Konstantellos développe, depuis 2019, de nombreux projets photographiques mêlant mise en scène et recherche...
19 novembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
La sélection Instagram #481 : par ici la monnaie
© Suzy Holak / Instagram
La sélection Instagram #481 : par ici la monnaie
Est-ce un vice de vouloir posséder de l’argent et des biens ? Bijoux ou billets de banque, tout élément tape-à-l’œil attire le regard des...
19 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 11.11.24 au 17.11.24 : la politique dans le viseur
L’ancien président Donald Trump avec ses fils, des membres du parti et des supporter·ices lors de la convention nationale républicaine à Milwaukee, dans le Wisconsin, le 15 juillet 2024 © Joseph Rushmore.
Les images de la semaine du 11.11.24 au 17.11.24 : la politique dans le viseur
C’est l’heure du récap ! La politique et les questions sociétales sont au cœur de cette nouvelle semaine de novembre.
17 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
© Austn Fischer
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
Installé à Londres, Austn Fischer puise dans les ressorts de la communauté LGBTQIA+ pour interroger les notions traditionnelles de genre....
21 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Elie Monferier : visible à la foi
© Elie Monferier
Elie Monferier : visible à la foi
À travers Sanctuaire – troisième chapitre d’un projet au long cours – Elie Monferier révèle, dans un noir et blanc pictorialiste...
21 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Visions d'Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
© Alex Turner
Visions d’Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
Des luttes engagées des catcheuses mexicaines aux cicatrices de l’impérialisme au Guatemala en passant par une folle chronique de...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
© Richard Pak
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
Avec Les îles du désir, Richard Pak pose son regard sur l’espace insulaire. La galerie Le Château d’Eau, à Toulouse accueille, jusqu’au 5...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina