Hope, une perspective collaborative

25 juillet 2018   •  
Écrit par Eric Karsenty
Hope, une perspective collaborative

Pour sa 3e édition estivale, la Fondation Manuel Rivera-Ortiz propose une exposition originale qui rassemble pas moins de 13 auteurs. Mettant l’accent sur la photographie comme expérience et comme partage, ce parcours stimulant qui se déploie sur trois étages est, pour la première fois, intégré au programme officiel des Rencontres d’Arles.

C’est une vidéo qui nous accueille dans la première salle de Hope, une perspective collaborative, une exposition qui met l’accent sur la dimension participative. Et c’est justement une partie des 64 actrices et acteurs des compositions de Patrick Willock qui expliquent face caméra leurs expériences. Installé en résidence durant cinq mois avec sa complice Maria Pia Bernardoni dans le village de Saint-Martory, en Haute-Garonne (31), Patrick Willock s’est attaché à recomposer, avec une partie des 950 habitants de la commune, l’histoire de l’arrivée de 50 migrants. Utilisant le portrait, la vidéo et l’installation, il nous donne à voir d’une manière sensible et parfois didactique cette expérience solidaire qui se déploie dans les salles du rez-de-chaussée, comme la magnifique fresque de 4,5 x 6 mètres qui recouvre tout un mur.

© Patrick Willocq

© Patrick Willocq

Recomposer des rêves

On est ensuite accompagné dans l’escalier par le reportage du maître des lieux, Manuel Rivera-Ortiz, qui présente son reportage sur Cuba en noir et blanc, dans lequel il retrouve l’écho des images de son enfance. Le premier étage nous entraine au Chili, en Italie, en Russie et en Syrie avec des écritures très différentes. John Hall nous montre pour la première fois les maquettes d’un livre qu’il a consacré aux manifestations de l’unité populaire au Chili de 1971 à 1973. Et même si son approche demeure très classique dans la forme, la mise en pages en leporello (livre accordéon) dynamise les images et nous rend sensibles à cette ferveur populaire. Avec Live Love, Refugee, Omar Imam apporte une réponse photographique au chaos qui règne dans sa Syrie natale en essayant recomposer ses rêves, entre humour et gravité. Dmitry Markov, photographe et travailleur social, utilise Instagram pour poster chaque jour une image prise au smartphone, dressant ainsi une fresque des populations sous-représentées de Russie. Tandis que Paolo Verzone nous propose une sélection de portraits des cadets des académies militaires réalisés autour de la Méditerranée.

© Paolo Verzone

© Paolo Verzone

Revenir à la fonction documentaire

Enfin, le second niveau nous donne accès à d’autres mondes et à d’autres approches, comme celle de Patrice Loubon, qui a proposé à des brodeuses chiliennes de « revenir à la fonction documentaire de leurs œuvres » en travaillant avec ses propres images qu’elles se réapproprient et réinterprètent. Une manière de se rapprocher de ce que Walker Evans appelait des « images sans qualité ». Explorant une autre écriture, Matthias Olmeta a créé spécialement pour cette exposition des « traités de paix », des installations réalisées à partir de plaques de verre au collodion traitant de massacres et d’exactions enregistrées par la photographie. Des plaques au revers desquelles il grave des textes de paix, qui confèrent à ces images une dimension sacrée. Dans des formes plus classiques, Samir Tlatli témoigne de son parcours de sans-papier qui lutte contre la négation pour exister dans une série poignante. Arnaud Chambon propose un film relatant son expérience d’une résidence de cinq mois en hôpital psychiatrique au cours de laquelle il a entraîné 80 personnes (patients, membres du personnel soignant et lui-même) à réaliser plus de 700 photographies et à les exposer. Chin-Pao Chen, enseignant à l’école élémentaire de Dengkong, à Taïwan, décrit la fragilité de l’adolescence en faisant poser ses élèves dans des scènes qu’il recompose avec eux. Enfin, Nicolas Havette, le commissaire de l’exposition, a aussi présenté son travail intitulé Fortunes, en référence à un recueil de Robert Desnos. Pour cette installation, il demande à des personnes de photographier des détails « qui construisent leur espace mental et caractérisent pour eux la carte qu’ils se font de l’espace de leur habitat ». Ces photos sont ensuite projetées sur des murs et leurs auteurs sont invitées à redessiner et intervenir sur leurs images, comme sur celles des autres. « En mélangeant et en superposant tous ces dessins, on crée des chocs d’échelles, de sens. On se rapproche d’une esthétique surréaliste qui serait cette fois imprégnée de documentaire, qui nous évoquerait quels sont les usages de ces espaces par les habitants de cette ville », conclut Nicolas Havette.

Ces différentes approches qui mettent en avant la photographie comme acte et comme expérience collaborative donnent à la vocation documentaire de la fondation Manuel Rivera-Ortiz une perspective plus large qui stimulera l’imagination des visiteurs de cette exposition, qu’ils soient photographes ou simples spectateurs.

© Manuel Rivera Ortiz

© Manuel Rivera Ortiz

© John M.Hall

© John M.Hall

© Omar Imam

© Omar Imam

© Dmitry Markov© Dmitry Markov

© Dmitry Markov

© Matthias Olmeta

© Matthias Olmeta

© Samir Tlatli© Samir Tlatli

© Samir Tlatli

© Arnaud Chambon

© Arnaud Chambon

© Chin-Pao Chen

© Chin-Pao Chen

© Nicolas Havette© Nicolas Havette

© Nicolas Havette

Jusqu’au 23 septembre 2018

Hope, une perspective collaborative

Fondation Manuel Rivera-Ortiz

18, rue de la Calade, à Arles

 

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