L’autodidacte Sandra Lazzarini évoque, au travers d’œuvres métaphoriques et florales, le temps qui passe et la beauté des corps féminins de toutes générations. Une ode esthétique et engagée à l’acceptation de soi.
Comment représenter le corps féminin pour le libérer, et les canons esthétiques pour les dépasser ? Telle est le questionnement qui anime l’œuvre de Sandra Lazzarini, photographe italienne née en 1976. Après avoir obtenu un diplôme en restauration d’œuvres d’art en 2002, celle-ci exerce divers métiers, nourrissant en parallèle son affection pour la photographie, qui occupe aujourd’hui une grande part de son temps libre. Si l’art représente « son antidote contre l’usure de la vie quotidienne », elle immortalise justement le temps qui passe sur les corps féminins, de tous âges, avec une douceur et une bienveillance appuyée par son emploi de couleurs édulcorées. L’artiste se veut instinctive dans ses idées, mais « raisonnée » et réfléchie dans sa création, notamment en raison de son désamour de la post-production. Une fois l’obsession et la compulsion passée, la magie des couleurs, des formes et de l’esthétique prennent vie dans son regard : « je suis très pointilleuse et tout doit être parfait avant le clic », précise-t-elle. En ressortent des images aux compositions minutieuses et aux tons pastels, inspirées de son propre vécu et des injonctions subies par tant de femmes sur leurs propres corps. Outre René Magritte, ses influences sont d’ailleurs principalement féminines, de la peintre Frida Kahlo à la cinéaste et photographe Agnès Varda, en passant par la reporter américaine surréaliste Lee Miller et sa compatriote Francesca Woodman, dont l’oeuvre est également marquée par la mise en scène de sa propre nudité.
« Trouver la beauté là où elle existe déjà »
C’est la femme sous toutes ses facettes, « avec ses poils, ses marques, ses tâches », que l’italienne entend sublimer. Elle trouve ainsi « la beauté là où elle existe déjà, afin de la mettre en valeur, la souligner et la rendre universelle. » C’est d’abord avec l’autoportrait que Sandra Lazzarini s’illustre. Elle se fond dans des décors rocheux ou forestiers, tournant à la dérision la sexualisation permanente des corps, pourtant part intégrante de la nature. En drapant son visage tout en conservant son corps nu, la photographe explore la négation de l’identité des femmes, tout en évoquant avec ironie la volonté de dissimuler seins, sexes et tétons dans la société contemporaine, à l’initiative masculine. Puis, au fil des modèles, ce sont des figures féminines diverses qui défilent devant son objectif. Une démarche qui l’aide aussi à s’accepter elle-même et à se réapproprier son corps, dans toutes ses prétendues imperfections : « photographier les femmes et leur singularité m’aide à faire la paix avec tout ce que je n’accepte pas chez moi, et la même chose peut être vraie pour celles qui décident de se tenir devant moi », explique-t-elle d’ailleurs.
L’association des êtres et de parties de leurs corps à des éléments floraux et fruitiers apporte également une originalité poétique, symbolique ou métaphorique à ses clichés. « J’aime créer des natures mortes, parfois émiettées, parfois avec des références inconscientes ou non à la sexualité », confie l’artiste. Ainsi, glissée entre la taille et les sous-vêtements, deux bananes évoquent ainsi les questions de poids et la prescription à la désirabilité subie par la gent féminine. De même, une courge fendue semble subitement représenter une vulve ensanglantée, confrontant les tabous avec humour, légèreté et engagement. Une note d’humour lui permettant de s’engager avec légèreté.
© Sandra Lazzarini