Dans Mind the Gap, Joshua Lutz étudie notre attachement au chaos. En mélangeant textes et photographies, l’artiste tente de donner du sens à ces situations dramatiques du quotidien. Un livre mordant aux récits multiples.
« J’ai su que je voulais devenir photographe lorsque j’ai réalisé que je préférais observer le système, plutôt que d’y prendre part ».
Joshua Lutz, photographe américain, s’applique à décrypter le monde qui l’entoure. Dans Mind the Gap, l’artiste réunit textes et images afin d’illustrer le chaos ambiant qui compose l’être humain. Pensés comme des variations, où se mélangent cynisme, nostalgie et exercices de style, ses écrits complimentent des clichés froids, évoquant des déserts urbains. « Ils accompagnent les différentes photographies, qu’elles proviennent d’une approche documentaire ou représentent des natures mortes », explique l’artiste.
Dans cet ouvrage, Joshua Lutz s’amuse. En quelques lignes, sa plume lance différents récits, et dépeint de multiples personnages, tous aussi troublants qu’énigmatiques. Le titre même de l’ouvrage provient d’un jeu de mots qui « attire » le photographe. « L’expression peut pointer du doigt le centre de l’action, et elle peut également symboliser un avertissement, l’approche d’un danger », ajoute-t-il. « Mais j’étais particulièrement attiré par une autre définition : celle d’un « vide » entre nos pensées. Peut-être que ce gap est finalement un portail menant vers une meilleure compréhension du monde ». Du texte à l’image, ces vides sont visibles, et poussent le lecteur à tisser des liens invisibles entre les pages.
Essayer d’ordonner le chaos
Si Mind the Gap est aujourd’hui un livre, le photographe a commencé son projet dans un chaos familier. « Je ne pensais pas au format, mais plutôt aux idées », confie-t-il. Des idées qu’il pose dans un journal et qu’il organise à la manière d’une série photographique. « J’ai commencé à prendre des photos et à les placer dans des boîtes », explique Joshua. « Finalement, j’en ai gardé une, qui s’est transformée en livre ». Sa narration, libre et instable, progresse au fil du récit, entre mots et clichés, et culmine à l’approche des dernières pages. Elle propose un voyage vers la clarté, et tente d’ordonner le chaos environnant. « Le problème n’est pas le chaos », précise le photographe. « Le problème est notre attachement au chaos ». Les images de Joshua présentent un monde détaché et artificiel, aux tons monochromes. Dans chaque cliché la symétrie domine et révèle un univers faussement ordonné. À leurs côtés, les textes traitent de désespoir, de folie et de secrets, et révèlent l’envers du décor. « Vous pouvez interpréter ces mots comme des révélations ou des instants de profonde confusion. Dans tous les cas, ils se mélangent au bruit et deviennent des vides que je veux combler » conclut le photographe. Un ouvrage qui pousse à la réflexion.
© Joshua Lutz
Mind the Gap, Éditions Schilt Publishing, 45 €, 160 p.