Le photographe américain Amani Willett aime suivre sa curiosité. Ses projets s’articulent autour de découvertes et de mystères qu’il élucide grâce à son objectif. À travers son dernier ouvrage, il se penche sur La disparition de Joseph Plummer.
Les premières pages du livre d’Amani Willett nous plongent dans un monde paisible et, en même temps, inquiétant. La civilisation semble s’être envolée, et les bois sombres nous promettent un voyage dans le folklore et les mythes américains. Le silence est pesant, jusque dans les photographies, qui subliment la quiétude de cette maison perdue dans la forêt. C’est au cœur de ce décor mystérieux que nous emmène le récit. Une véritable enquête animée par des clichés d’hier et d’aujourd’hui, et des textes énigmatiques qui paraissent codés.
Lorsque tout commence, Amani a cinq ans. Son père achète un terrain niché dans les bois, loin de la ville, et y construit une cabane. Depuis, tous les ans, la famille s’y rend et apprend à aimer cet endroit étrange. Ce n’est qu’en 2010 que le photographe commence à s’intéresser au passé des lieux. « La cabane se trouvait près d’un lac appelé Lac Ermite, et je me suis demandé d’où venait ce nom », explique le photographe. « Après quelques recherches, j’ai découvert l’existence de Joseph Plummer qui, en 1700, avait quitté sa famille pour vivre, reclus, dans la forêt. Il y avait, lui aussi, bâti une cabane. »
L’héritage d’un ermite
Sa curiosité piquée, le photographe enquête sur la vie de Joseph Plummer. Articles de vieux journaux, archives locales ou encore témoignages… ses recherches l’emmènent dans un passé fascinant. Joseph Plummer l’inspire, et un récit se forme, petit à petit. « Je suis quelqu’un de très curieux. J’aime collecter des bribes d’informations, des souvenirs, et m’en servir pour écrire ma propre histoire », confie Amani. L’ermite devient alors une figure mystérieuse, étroitement liée à son père. « Tous deux suivaient le même chemin, tous deux étaient séduits par cette terre et son pouvoir ». Sous ses airs d’enquête, le livre d’Alani Willett rejoint la lignée des grands ouvrages américains sur la nature et son étrange emprise sur l’homme. Parmi les images fragmentées, les souvenirs désordonnés qu’il récolte, le photographe nous parle d’un retour à l’état sauvage. D’hommes renouant avec leurs instincts, pour survivre, loin d’une civilisation qui ne leur convient pas. Si Plummer passionne tant l’artiste, c’est pour sa force animale, immuable. « Finalement, son désir de devenir invisible l’a rendu inoubliable », conclut-il.
The disappearance of Joseph Plummer, Édition Overlapse, 35 £, 136 p.
© Amani Willett