Paco Boublard est comédien et photographe. À 36 ans, il remporte le concours Talents grainedephotographe.com 2017. Nous l’avons rencontré dans un petit café parisien où il nous a livré son parcours de vie. Passionné par l’humain, il a photographié la communauté tsigane. Ses photos sont à son image : authentiques et sincères. Portrait.
« Buenos Dias, my name is Stéphane ». C’est souvent avec ces mots qu’il noue le premier contact avec les Tsiganes. Quelques mots empruntés à Stéphane – le personnage principal du film culte de Tony Gatlif Gadjo Dilo. Quelques minutes de conversation avec lui nous suffisent pour imaginer Paco Boublard s’introduire dans un bidonville ou dans les quartiers populaires de New York sans maîtriser le langage adéquat. Voilà un homme confiant qui sait mettre ses interlocuteurs à l’aise. Telle est notre première impression.
Paco Boublard est comédien depuis 17 ans. Jusqu’à ces dernières années, la photographie était une passion qu’il cultivait sur ses temps de loisirs. Avant d’être sous le feu des projecteurs, il a connu des moments difficiles. Paco Boublard n’a jamais connu ses parents, il a expérimenté la vie dans la rue comme celle en foyer. C’est à Marseille qu’il a découvert la photographie. Il avait 18 ans. : « J’étais sans-abri. Je devais trouver de l’argent et j’ai volé un sac. Dedans, il y avait un tout petit appareil photo, mais vraiment minable. » Ses premiers sujets sont les poubelles marseillaises. De retour sur Paris, il photographie les sans-abri et réalise sa première série de portraits, De l’autre côté du mur. La vie le mène dans l’univers du cinéma et du téléfilm où il fait rapidement ses preuves. En 2009, au Festival de La Rochelle, Paco Boublard reçoit le prix du meilleur espoir masculin pour son interprétation dans le film Belleville Story. Il met de côté la photographie, car « il fallait bien vivre et nourrir mes enfants ».
Rencontres
À partir de 2012, il démarre un projet photographique autour de la communauté tsigane. Quand on l’interroge sur son approche de la photographie, il explique : « Je photographie avec mon cœur, mon âme et mon vécu ». Il part à la rencontre « des vrais gens » en France et en Europe de l’est : Roumanie, Yougoslavie et Tchétchénie. En 2014, pendant un mois et demi, il a vécu au sein du campement Tsigane situé à Saint-Denis (sous le périphérique, en direction de la Courneuve). Il s’est parfaitement intégré à la communauté : « J’allais acheter du lait pour les gosses, je prenais la charrette et j’allais chercher du bois, j’allais faire de la ferraille ». Un temps qu’il considère comme primordial. « Avant de les photographier, je m’intéresse à eux ». Il a pu assister à la préparation d’un mariage entre une jeune fille de 16 ans et un garçon âgé de 18 ans. La photo du futur marié se faisant couper les cheveux lui a d’ailleurs valu la première place du concours Talents grainedephotographe.com 2017.
“Quand tu n’as rien, tu partages”
Pour Paco Boublard, un bon photographe doit être authentique et sincère. Puisqu’il est aussi comédien, il affirme savoir quand un regard est « faux ». Le noir et blanc, c’est d’ailleurs pour lui le meilleur moyen de retranscrire cette authenticité qu’il recherche. Surtout, avec le noir et blanc, « on dirait qu’il n’y a pas de publicité, pas de mensonge », explique-t-il. Sensible aux inégalités de notre société, les photos de Paco Boublard questionnent notre regard. La méconnaissance que nous avons de la communauté tsigane justifie-t-elle son isolement ? « À l’époque, quand j’ai commencé ce travail, il y avait une sorte de tabou autour des Tsiganes. J’ai voulu travailler autour de la peur des gens ». Certes, quand on pense aux campements, on pense « aux infections, aux odeurs, aux angoisses liées aux arrestations », mais les Tsiganes ont le sens du partage. « Quand tu n’as rien, tu partages. Nous étions quinze sur un sac de pommes de terre ». Paco Boublard est un homme qui vit pour les rencontres. Si la vie est un combat, « l’avenir appartient à celui qui croit à la portée de ses rêves ». C’est cet état d’esprit qu’il communique à travers chaque image. L’avenir de ce jeune talent nous semble en tout cas très prometteur.
Images par © Paco Boublard