Dans la bibliothèque de Jean-Christophe Béchet #7

20 avril 2017   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Dans la bibliothèque de Jean-Christophe Béchet #7

Après avoir photographié clandestinement l’invasion soviétique de 1968, Koudelka quitte la Tchécoslovaquie pour l’Europe de l’Ouest, l’Angleterre d’abord, puis la France qui va devenir « nouveau » pays d’adoption. A son arrivée, au début des années 70, ses photos de gitans impressionnent. Il est accueilli chez Magnum, sous l’aile protectrice de Cartier-Bresson. Longtemps apatride, toujours nomade, vivant de peu, dormant à la belle étoile avec son sac de couchage ou chez des amis, Koudelka va rapidement symboliser le mythe du photographe absolu, celui qui ne vit que pour son art, loin du commerce, des commandes et des contraintes sociales.

En 1988, avec son complice éditorial, l’incontournable Robert Delpire, il publie un livre silencieux et mystérieux où les images noir et blanc se succèdent sans légende, ni repères. Son titre parle de lui-même: Exils. Réédité en 1997 et 2014, ce recueil est aujourd’hui l’objet d’une exposition au Centre Pompidou et d’une nouvelle publication exégèse. La mode est aux « livres sur les livres ». Il s’agit généralement de revenir sur une édition fameuse, de la décortiquer, de lui donner cette contextualisation qui fait si souvent défaut aux livres d’auteurs, réputés, souvent à juste titre, obscurs et élitistes.

25-copie
@ Jean-Christophe Béchet
77-copie
@ Jean-Christophe Béchet
85-copie
@ Jean-Christophe Béchet

300 000 négatifs en 10 ans

Voilà donc Koudelka le silencieux, celui qui ne se livre qu’avec parcimonie, et uniquement à des interlocuteurs prestigieux, qui accepte ici d’ouvrir ses carnets et ses archives à Michel Frizot, historien de la photo. Avec La Fabrique d’exils, on plonge donc dans l’univers de Josef : on retrouve bien sûr les photos d’exils, reproduites en petite taille et magnifiquement imprimées. Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans l’analyse historique de cette œuvre. Trouver le bon équilibre entre l’esprit universitaire et le plaisir esthétique n’est pas facile. Ce livre réussit plutôt bien cette gageure. Les textes sont clairs et bien documentés. On apprend beaucoup de chose sur la façon de travailler de Koudelka. On découvre que l’homme déclenche beaucoup (300 000 négatifs en 10 ans) et qu’il ne conserve ensuite que très peu d’images conserve très peu de vues.

On comprend bien son mode de vie et son engagement photographique. Mais on reste sur sa faim sur les questions purement photographiques : pourquoi Koudelka choisit-il cette photo plutôt que telle autre ? Comment s’est effectué le choix des maquettes successives avec Robert Delpire ?  On aurait aimé voir plus de planches-contact et de points de vue esthétiques explicatifs. En effet, Exils (dont je possède l’édition de 1997) a toujours été un livre ambigu pour moi. Si je trouve la plupart des images remarquables, d’autres me semblent nettement moins pertinentes. J’espérai donc trouver ici une explication à mes interrogations. Ce n’est pas le cas. Mais peut-être est-ce mieux ainsi, le « mythe » Koudelka est aussi construit sur l’énigme et le non-dit. Alors conservons la légende et oublions nos questions…

En (sa)voir plus

Le livre :

La Fabrique d’Exils
Josef Koudelka
90 images noir et blanc, 160 pages
Textes de Clément Chéroux et Michel Frizot
42 euros


L’exposition :

La Fabrique d’Exils
Jusqu’au 22 mai 2017
Galerie de Photographies,
Forum -1, Centre Pompidou
Place Georges-Pompidou, 75004 Paris

Explorez
Les images de la semaine du 20 octobre 2025 : famille, cultures alternatives et lumière
© Sara Silks
Les images de la semaine du 20 octobre 2025 : famille, cultures alternatives et lumière
C’est l’heure du récap ! Dans les pages de Fisheye cette semaine, les photographes nous font voyager, aussi bien dans des lieux...
26 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Festival InCadaqués : les coups de cœur de la rédaction
Hail Mary, bobbin lace, serpent’s thread © Emilia Martin, Special Mention InCadaqués Festival Open Call 2025
Festival InCadaqués : les coups de cœur de la rédaction
La rédaction de Fisheye a déambulé dans les rues idylliques du village de Cadaqués, en Espagne, à l'occasion du Festival Photo...
16 octobre 2025   •  
13 expositions photographiques à découvrir en octobre 2025
Residency InCadaqués 2025 © Antoine De Winter
13 expositions photographiques à découvrir en octobre 2025
La rentrée scolaire est souvent synonyme de foisonnement d'expositions. Pour occuper les journées d'automne et faire face à la dépression...
08 octobre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Antoine Béguier, au cœur des strates identitaires du Kirghizistan
Autoroute de la soie © Antoine Béguier
Antoine Béguier, au cœur des strates identitaires du Kirghizistan
Antoine Béguier a parcouru le Kirghizistan pendant plusieurs années. Ses voyages et ses rencontres lui ont révélé un pays en pleine...
01 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
© Laura Menassa
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
Entre journal intime visuel et témoignage collectif, le travail de Laura Menassa explore la fragilité et la résilience au cœur de...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Costanza Spina
La sélection Instagram #531 : dans le brouillard
© Francesco Topino / Instagram
La sélection Instagram #531 : dans le brouillard
Le ciel s’assombrit, les températures chutent. La vision se brouille. Alors que l’automne nous enveloppe dans une brume quotidienne, les...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
© Charlotte Abramow
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
Sept ans après la publication de son ouvrage Maurice, tristesse et rigolade, Charlotte Abramow rouvre les pages de l’histoire de son...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
© Ana da Silva
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
Lycien-David Cséry et Ana da Silva, nos coups de cœur de la semaine, prêtent attention aux détails. Le premier observe les objets et les...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger