Si la pandémie a obligé la Fondation Louis Vuitton a décalé l’ouverture de la rétrospective Cindy Sherman, la capitale autrichienne propose The Cindy Sherman Effect, une stimulante exposition qui met en regard les œuvres de l’artiste américaine avec une vingtaine de créateurs. L’occasion de décliner la notion d’identité sous de multiples facettes. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
L’exposition The Cindy Sherman Effect s’ouvre avec l’une des photos de Untitled Film Stills (1977-1980) qui ont fait connaître l’artiste américaine dans le monde. Composés en noir et blanc, les 70 clichés de cette série se présentent chacun comme le plan arrêté d’un film dont l’artiste serait l’héroïne. Plus qu’une série d’autoportraits, ces images sont à voir comme autant d’archétypes de la femme communiqués par le cinéma, la mode ou la publicité des années 1960 aux États-Unis. Ces modèles conditionnant nos constructions identitaires sont au cœur de l’exposition, dont l’accrochage fait se répondre les œuvres des artistes à travers plusieurs époques.
« Loin de se limiter à l’autoportrait ou à l’autobiographie, les artistes dont il est question ici travaillent à travers la performance collective et individuelle, la sculpture, l’installation, la photographie. (…) En dépeignant les constructions sociales de la masculinité et de la féminité, ils dissèquent également d’autres forces de la société qui déterminent qui vous êtes, comme la race, la classe sociale ou le contexte historique », explique Bettina M. Busse, commissaire de l’exposition.
© Cindy Sherman / Courtesy of the artist and Metro Pictures, New York
Construction de la personnalité
Face à cette première photo de la série Untitled Film Stills, qu’on retrouve en un fil rouge dans les autres salles du Kunstforum de Vienne, on découvre les premières images (2003 et 2005) de la Sud-Africaine Zanele Muholi, où celle qui se définit comme une « activiste visuelle » interroge la notion de genre. Un peu plus loin, ce sont les autoportraits de Samuel Fosso qui explorent les African Spirits, série où l’artiste rejoue les images célèbres des militants de la cause noire et des droits civiques, tels Malcom X et Angela Davis (2008). Le photographe centrafricain n’hésite pas à se transformer en femme dans The Liberated American Woman of the 70’s (1997) dans une salle où la notion d’identité est également travaillée par Tejal Shah, artiste indienne qui présente une vidéo où se succèdent les portraits de la caste des Hijra, comprenant notamment des eunuques, des intersexués et des transsexuels.
On découvre aussi Becoming (2003), l’étonnante installation vidéo de Candice Breitz, où l’artiste associe des monologues d’actrices dans des courts-métrages, avec leur bande-son originale, a d’autres séquences où elle se met en scène en rejouant dans une forme de karaoké visuel le jeu des comédiennes. Une manière de mettre en évidence les images qui participent, souvent à notre insu, la construction de notre personnalité. « Pour les artistes de la Pictures Generation – qui comprenait Richard Prince, Sherrie Levine et Cindy Sherman –, les images des mass media ne se contentent pas de décrire le monde, mais le façonnent activement », rappelle Paul Clinton, écrivain et curateur, dans un des textes du catalogue.
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #41, en kiosque et disponible ici.
The Cindy Sherman Effect, Identity and Transformation in Contemporary Art
Jusqu’au 19 juillet
Kunstforum Wien, Freyung 8, 1010, Autriche
La rétrospective Cindy Sherman à la Fondation Louis Vuitton ouvrira ses portes le 23 septembre.
© Cindy Sherman / Courtesy of the artist and Metro Pictures, New York
© à g. Eva Schlegel und Bildrecht, Wien 2020, à d. Douglas Gordon © Studio lost but found Bildrecht, Wien 2020 Fot Paul Seewer
© Cindy Sherman / Courtesy of the artist and Metro Pictures, New York
Image d’ouverture : © Cindy Sherman / Courtesy of the artist and Metro Pictures, New York