Claudia Andujar continue le combat

30 janvier 2020   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Claudia Andujar continue le combat

La photographe d’origine suisse a consacré sa vie à défendre la cause des Indiens Yanomami, en Amazonie brésilienne. Son œuvre est aujourd’hui exposée dans toute son ampleur et sa complexité à la Fondation Cartier, à Paris, alors que l’avenir du peuple amérindien est plus que jamais menacé. Cet article, rédigé par Christian Caujolle, est à retrouver dans notre dernier numéro.

Il est des expositions qui tombent à point nommé. Malheureusement, faut-il ajouter, dans le cas de celle de Claudia Andujar, avec et autour des Indiens Yanomami. Cet ensemble était accroché à l’Instituto Moreira Sales de Sao Paulo alors que l’Amazonie brûlait et que le président brésilien Jair Bolsonaro, fidèle à ses discours de campagne électorale, conspuait les « indigènes » dont il a clairement dit qu’ils étaient inadaptés au monde contemporain et devaient disparaître. On peut imaginer la rage et le désespoir de Claudia Andujar, bientôt nonagénaire, qui a consacré l’essentiel de sa vie et de son œuvre à la tribu amazonienne des Yanomami en danger.

Les Indiens représentent le combat de sa vie. Pas seulement au sens de la photographie, qui n’a été que l’accompagnement d’un engagement pour un peuple et une culture. La photographe a obtenu, après plus d’un quart de siècle de lutte, que le droit des Indiens indigènes sur leur terre soit inscrit dans la constitution du Brésil, en 1988. Avant les expositions individuelles, avant les monographies, avant la célébration dans les biennales d’art contemporain et les galeries, c’est sous forme d’affiches militantes, d’expositions à but pédagogique, de brochures engagées que les photographies de Claudia Andujar ont circulé, ont été vues et reconnues, accompagnant des slogans: « Le génocide des Yanomami, c’est la mort du Brésil », ou encore « Le jour où disparaîtrait le dernier Yanomami, la planète serait véritablement en danger ».

© Claudia Andujar

Expérimentations plastiques

Avant tout cela, il y a le vécu. Les mois dans la forêt, le partage de la vie quotidienne, la tentative de connaissance, les expérimentations plastiques de la part de celle qui utilise parfois la pellicule infrarouge comme elle le faisait à Sao Paulo, par défi, alors que la dictature en interdisait l’usage, réservé, paranoïa oblige, à l’armée. Les arbres de la ville comme ceux de la forêt devenaient alors rouges, comme marqués de sang. Il y a, naturellement, tous ces portraits tendres, en noir et blanc, ces enfants dans l’eau, communiant avec la nature, ces visages que la photographe ne regarde jamais avec exotisme. En couleur, les surimpressions qui tentent de visualiser les rêves des Indiens, différents des nôtres, combinant le feu et l’eau. Tout un univers que l’artiste traduit en s’effaçant. Elle est au service de leur cause avec ses images, comme elle l’a été en faisant le tour du monde, passant par le Japon et le siège des Nations unies pour dénoncer les atteintes aux droits des Indiens. Comme elle l’est en leur donnant, depuis toujours, un tiers du produit de la vente de ses œuvres. Elle avait gagné, jusqu’à aujourd’hui…

Son père était un juif hongrois, sa mère une Suissesse, et elle est née à Neuchâtel en 1931. La famille rejoint très tôt la Roumanie, mais le couple divorce alors que Claudia a 7 ans. En 1944, après l’invasion de la Hongrie par l’Allemagne, les biens de la famille sont saisis, le père de Claudia est arrêté et déporté à Dachau, où il disparaît. Claudia et sa mère réussissent à regagner la Suisse après une traversée épuisante de l’Europe. Ensuite, Claudia rejoint New York en 1946, où elle épouse Julio Andujar dont elle se séparera neuf mois plus tard, puis, en 1955, celle qui est devenue fonctionnaire des Nations unies et pratique activement une peinture abstraite rend visite à sa mère au Brésil. Et elle décide de s’installer à Sao Paulo, où elle réside et travaille toujours aujourd’hui.

 

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #40, en kiosque et disponible ici.

Claudia Andujar, La lutte Yanomami

Du 30 janvier au 10 mai 2020

Fondation Cartier pour l’art contemporain

261, boulevard Raspail à Paris (14e)

© Claudia Andujar© Claudia Andujar

© Claudia Andujar© Claudia Andujar

© Claudia Andujar

© Claudia Andujar© Claudia Andujar

© Claudia Andujar© Claudia Andujar

© Claudia Andujar

Explorez
Arielle Bobb-Willis célèbre la vie
© Arielle Bobb-Willis
Arielle Bobb-Willis célèbre la vie
Issue du mouvement de l’avant-garde noire contemporaine que nous présentons dans notre dernier numéro, Arielle Bobb-Willis capture le...
28 mars 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Algorithmes 
sous influence
© Lena Simonne, backstage du show Étam 2024 à Paris.
Algorithmes 
sous influence
Autrefois dominé par les magazines et les photographes, le secteur de la mode s’est transformé sous l’impulsion...
27 mars 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand
Focus : capitalisation du corps, tourisme strassé et indépendance
Unprofessional © Matilde Ses Rasmussen
Focus : capitalisation du corps, tourisme strassé et indépendance
Créé par les équipes de Fisheye, Focus est un format vidéo innovant
qui permet de découvrir une série photo en étant guidé·e par la...
26 mars 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Finalistes du prix Découverte Fondation Roederer : ébranler l'histoire officielle
Sans titre, 2023. Série Patria Nostra © Julie Joubert. 2023-2024. Avec l’aimable autorisation de l’artiste. Prix Découverte 2025 Fondation Louis Roederer - L’assemblée de ceux qui doutent. Présenté par L’Hôtel Fontfreyde – Centre Photographique, Clermont-Ferrand, France.
Finalistes du prix Découverte Fondation Roederer : ébranler l’histoire officielle
Pour la deuxième année consécutive, les sept finalistes du prix Découverte Fondation Roederer des Rencontres d’Arles seront exposé·es...
25 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les coups de cœur #538 : Alexandre Dinaut et Pascal Fayeton
© Alexandre Dinaut
Les coups de cœur #538 : Alexandre Dinaut et Pascal Fayeton
Alexandre Dinaut et Pascal Fayeton, nous coups de cœur de la semaine, nous proposent deux voyages distincts. Le premier nous emmène en...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 24 mars 2025 : mode, couleurs et âge adulte
© Lena Simonne, backstage du show Étam 2024 à Paris.
Les images de la semaine du 24 mars 2025 : mode, couleurs et âge adulte
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes de Fisheye évoquent le passage à l’âge adulte, l’importance que peuvent avoir...
30 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Au musée de Pont-Aven, Corinne Vionnet sonde la répétition des images
© Corinne Vionnet
Au musée de Pont-Aven, Corinne Vionnet sonde la répétition des images
Jusqu’au 4 mai 2025, le musée de Pont-Aven présente Écran total de Corinne Vionnet. L’exposition rassemble plusieurs séries de l’artiste...
29 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Arielle Bobb-Willis célèbre la vie
© Arielle Bobb-Willis
Arielle Bobb-Willis célèbre la vie
Issue du mouvement de l’avant-garde noire contemporaine que nous présentons dans notre dernier numéro, Arielle Bobb-Willis capture le...
28 mars 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas