En France et en Égypte, Louise Servan et Eslam Abd El Salam, nos coups de cœur #378, puisent leur inspiration dans leur intimité, leur quotidien. Tous deux révèlent, avec sensibilité, la poésie de leur environnement.
Louise Servan
« Enfant, je restais souvent assise sur le canapé à dessiner, bercée par les discussions de mes parents, tous deux scientifiques. À l’époque, je capturais l’image à l’aide d’un crayon. Ce n’est peut-être pas un hasard que la lenteur du croquis m’ait emmené à celle du procédé argentique… »,
se souvient Louise Servan. Nourrie par ses études de graphisme, la photographe de 25 ans développe aujourd’hui une pratique à la croisée de l’artistique et du documentaire. « Les thèmes que j’aime aborder ? La famille, la femme, l’absence, l’adolescence, le temps qui passe, la relation entre l’homme et son environnement, le désir, le quotidien, le corps », énumère-t-elle. Colorées par des tons pâles, ses images capturent des instants paisibles, des fragments d’un monde ordinaire, où les âmes se croisent et les existences se déploient. « Mon travail est le reflet des discussions que j’ai pu avoir avec les personnes que j’ai rencontrées. Mes images mêlent paysages oubliés et portraits familiers et interrogent avec douceur notre rapport à l’autre. Je fais partie de la génération #MeToo, tiraillée entre l’espoir d’un futur meilleur et la peur que les schémas du passé ne soient trop difficiles à déconstruire », confie-t-elle. Une angoisse que l’autrice cherche à gommer grâce à ses projets. Car, bercés par la délicatesse de son univers, on se prend à oublier nos craintes un instant.
© Louise Servan
Eslam Abd El Salam
Installé au Caire, Eslam Abd El Salam explore, à travers l’image, les histoires entremêlées des lieux qu’il traverse et fréquente. Imaginant sa pratique comme un dialogue entre lui-même et son sujet, il se laisse guider par ses propres écrits, par les mots qui se forment dans son esprit et prend le temps de les matérialiser avant d’appuyer sur le déclencheur. « Je ne me définis pas comme un photographe. J’ai l’impression que cela me distance du médium, et le place au rang de simple outil. Non, la photographie est plus importante que cela : c’est une amie proche, dont la voix fait partie de moi depuis longtemps », confie-t-il. Au cœur de ses clichés ? « Le temps, le déroulement des choses et la manière dont nous y répondons me fascinent. La mémoire, également, celle des lieux, des terres, des corps… Ma connexion à Dieu est, enfin, un pilier de ma pratique. À travers la photographie, je cherche à me comprendre, à capter l’intimité autour de moi, les visages nouveaux comme familiers et le monde dont je fais partie », précise-t-il. Comme un poème désarticulé, dont les vers se dispersent pour mieux servir le récit, les images d’Eslam Abd El Salam évoquent un univers en constante métamorphose, nourri par les fusions comme les explorations.
© Eslam Abd El Salam
Image d’ouverture : © Louise Servan