Quand Harry Callahan débarque dans le Sud de la France en 1957, avec sa femme Eleanor et sa fille Barbara, il découvre un nouvel univers, loin de l’Illinois et de cette Amérique du Nord qu’il n’a jamais quitté. Alors âgé de 45 ans, il est un professeur de photographie reconnu de l’Institut of Design de Chicago et un artiste apprécié par ses pairs. Discret, timide, presque transparent, il vient de recevoir (sans l’avoir sollicité !) une généreuse bourse de création de la Fondation Graham. Il prend donc une année sabbatique et se retrouve en Provence avec une carte blanche aussi enthousiasmante qu’angoissante. Lui, le poète de l’urbanité et des solitudes modernes, le « pur » américain qui triture le réel dans l’obscurité de son cher labo argentique, que va-t-il faire dans cette campagne aixoise « trop harmonieuse » et dans cette ville d’Aix-en-Provence où le pittoresque l’assaille et le paralyse ? Il va lui falloir quelques mois pour ajuster son regard et trouver son rythme.
La parenthèse enchantée
Petit à petit, il se concentre sur les ruelles étroites d’Aix-en-Provence d’où émergent, au loin, les jours de grands soleils, d’élégantes passantes en contrejour. Dans la campagne provençale, il s’intéresse au rythme de la nature, aux petits détails, aux herbes folles, aux toiles d’araignée. Il poursuit aussi sa série de nu avec celle qui sera son seul modèle, son épouse. Envouté par ce territoire romantique, il conçoit d’étranges surimpressions où le corps d’Eleanor se fond avec la garrigue. Cette période française sera pour lui une parenthèse enchantée. Callahan parlait peu et théorisait encore moins. Mais c’est pourtant un des photographes clefs de l’histoire américaine, le plus illustre représentant de cette école de Chicago qui s’est nourri de la philosophie du Bauhaus.
Alors quand en 1994, presque quarante ans plus tard, il offre à la Maison Européenne de la Photo (MEP) à Paris, un ensemble de 130 tirages barytés issu de ce portfolio « français », son directeur, Jean-Luc Monterosso l’accueille avec enthousiasme et bienveillance. Après une première présentation à Arles il y a deux ans, la MEP propose aujourd’hui une exposition avec un large extrait de ces French Archives. Un beau catalogue est alors conçu (cosigné par la MEP et les éditions Actes Sud) pour conserver une trace de cette période française dans l’œuvre de Callahan. Bien imprimé, ce livre est un reflet fidèle du travail précis et subtil de ce maître du noir et blanc. On aurait sans doute apprécié une édition plus originale, peut-être plus luxueuse sur un épais papier mat. Mais on est déjà très heureux de pouvoir ranger dans sa bibliothèque ce livre d’une grande sobriété qui nous rappelle combien la photographie est aussi un art du silence et du recueillement.
Collection Maison Européenne de la Photographie, Paris – Don de l’auteur
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Harry Callahan, French Archives , éditions Actes Sud – Maison Européenne de la Photographie
260 x 248 mm – 144 pages
35 €