Alors qu’il retourne en Éthiopie pour la seconde fois, en 2017, Jeff Le Cardiet découvre, une nuit, des échoppes en plein cœur de la capitale. Fasciné par leurs couleurs vives, il décide de les photographier. En découle son livre, Addis Ababa Mata Souks, une immersion dans l’obscurité des nuits éthiopiennes.
Jeff Le Cardiet découvre l’Éthiopie en 2016, lors d’un voyage personnel. Un périple qui l’aide à se recentrer, après une période difficile de sa vie. Le pays africain s’impose comme une évidence au photographe, fasciné par son histoire. « Au départ, je ne savais pas où aller, mais finalement je n’ai pas hésité longtemps », confie-il. « Il y a une résonance, dans ce pays, une culture passionnante. C’est le berceau de l’humanité – le pays de Lucie – mais aussi celui du jazz, du café ou encore des légendes de la Reine de Saba et du roi Salomon ». C’est sur place qu’il décide de devenir photographe. Il y réalise un premier projet, en noir et blanc, un reportage sur les habitants d’un quartier d’Addis-Abeba.
Lorsqu’il y retourne un an plus tard, dans le but de renouer avec ses modèles, il découvre par hasard des commerces nocturnes le long des rues. Un coup de foudre visuel qui le pousse à démarrer une nouvelle série. « Ce sont des photos très modernes, on n’a pas l’habitude de voir ce genre de clichés de l’Éthiopie », souligne Jeff. « On parle habituellement de famine, d’instabilité politique… mais j’ai préféré me concentrer sur ces petits commerçants ». Les prises de vue sont compliquées. Depuis plus de deux ans, un état d’urgence se prolonge dans le pays et cause des manifestations sanglantes. Une protestation venue du peuple, qui tente de se révolter contre l’État tout puissant, récupérant des terres autour d’Addis-Abeba pour agrandir la ville. « J’ai été questionné par la police plus d’une fois. Ils voulaient récupérer mon appareil », ajoute le photographe. « Les vendeurs, eux, étaient méfiants d’abord, mais grâce à un ami interprète j’ai pu échanger avec eux, leur expliquer qu’il s’agissait d’un projet social, artistique ».
Un ouvrage immersif
Soirée après soirée, Jeff retourne à la rencontre des commerçants. Il enchaîne les clichés et discute avec chacun d’eux, un rituel particulier qui l’aide à créer un récit intime et poétique. Des tranches aux pages, le livre est plongé dans l’obscurité totale, et révèle ses trésors page après page. Une immersion dans les ruelles de la capitale, aux côtés de Jeff. Sur la couverture, on aperçoit une étrange échoppe, protégée par une fenêtre. La lumière verte qui en émane est mystérieuse, presque surnaturelle. « C’était une très belle rencontre », raconte-t-il. « Le commerçant était un ancien soldat de l’armée, et tenait cette échoppe avec son chat. C’était un homme très doux ». Ces volets annoncent une entrée dans un univers à part, et invitent le lecteur à se plonger dans l’atmosphère fascinante des nuits éthiopiennes. Addis Ababa Mata Souks révèle la beauté des couleurs de ces magasins d’un soir, dans une sorte de réalisme magique envoûtant.
© Jeff Le Cardiet
Addis-Ababa Mata Souks, auto-édité, 35 €, 108 p.