« Northscape », sans nostalgie ni affect

10 octobre 2019   •  
Écrit par Julien Hory
« Northscape », sans nostalgie ni affect

Cet automne est l’occasion d’une double actualité pour le photographe Thomas Klotz. Sa série Northscape fait l’objet d’un livre publié aux éditons EYD et d’une exposition présentée à Paris. Une balade solitaire dans un nord français désertique.

Si nous devions présenter sobrement le photographe Thomas Klotz, nous pourrions juste dire qu’il est né dans le nord de la France et dans l’écrin du 8e art. Ces deux indications, aussi réductrices puissent-elles paraître, font pourtant écho à Northscale, la série qu’il présente aujourd’hui. Tout comme lui, ce travail prend racine dans le nord de l’Hexagone ; tout comme lui, il s’est formé dans cette lumière. « Je suis né avec l’image, mon père était un photographe régional, se souvient-il. Nous avions un laboratoire à la maison. Dès l’enfance, j’ai utilisé des boîtiers argentiques et développé moi-même mes clichés. » Après avoir envisagé suivre les cours de l’ENSP, à Arles, il rejoint Paris et s’oriente vers des études de droit. Peu à peu, il s’éloigne de l’image fixe pour le mouvement. Parallèlement à son métier d’avocat, il a produit des longs métrages tels Le Tueur (2006) et La prochaine fois je viserai le cœur (2013).

De retour à la photographie, il y a quelques années, son regard s’affirme. « Mon travail peut être considéré comme de la photo anti-humaniste, explique Thomas Klotz. Il ne faut voir là aucun affect, aucune nostalgie. Ce ne sont pas les lieux précis de mon enfance, même si je suis né sur ces terres. » Pour trouver les endroits qui lui conviennent, il se base uniquement sur l’esthétique des bâtiments, l’organisation des structures, la pluralité des matériaux et des textures. Ses images ne sont pas guidées par le hasard : « Je retourne plusieurs fois sur les lieux que je trouve. Il m’arrive de les traquer sur Google Maps. Sur place, des personnes qui m’indiquent lorsque les bonnes conditions météorologiques sont réunies. Alors, je saute dans un train pour être sûr de ne pas rater l’instant. » En définitive, une radicalité esthétique émerge aussi bien des choix de l’artiste que de l’austérité des paysages saisis.

© Thomas Klotz / EYD

Des portraits de murs

La démarche de Thomas Klotz n’est pas sans rappeler celles de certains auteurs révélés par l’exposition New Topographics : Photographs of Man-Altered Landscape. Organisée en 1975, elle a bouleversé l’idée de la représentation du territoire. En proposant des lieux modifiés par la volonté humaine, la New Topographics a redéfini les codes de la photographie de paysage. Ce n’est pas pour rien que Thomas Klotz assume volontiers l’influence de Lewis Baltz et William Eggleston. Mais, pour lui, son travail relève plus de la recherche archéologique que de la flânerie urbaine. Cette comparaison, il en joue : « Je travaille sur les vestiges et les indices de la présence humaine. Cette région, c’est un petit peu ma grotte de Lascaux. Je réalise des portraits de murs, je leur donne une identité. »

Les scènes rassemblées dans Northscape, ont été majoritairement capté en extérieur. Mais, dans un cadre qui semblerait pareil à la vue passive observée depuis la fenêtre d’un wagon sorti d’Alstom, s’instaurent des ruptures. Des scènes d’intérieur et de pleine nature apportent du souffle et viennent ponctuer l’ouvrage. « Ici, je ne voulais pas qu’on se demande « où est-ce ?», mais plutôt qu’on questionne ce que ça raconte. » Il est vrai que les photographies de Thomas Klotz provoquent l’imaginaire et possèdent une dimension narrative évidente. Mais alors, qu’est-ce que ces images nous disent ? À cette question, l’artiste apporte quelques clés qui transforment une direction minimaliste en une histoire bien plus complexe qu’il n’y paraît. « Je pense que, quelque part, Northscape est un récit de la solitude (plus que de l’errance), confie le photographe. C’est un reflet de moi à un instant donné, au moment de la mort de mon père. »

Northscape, Éditions EYD, 38€, 112 p.

 

Northscape  – Thomas Klotz

Exposition jusqu’au 13 octobre

5 rue des Haudriettes, 75003 Paris

 

© Thomas Klotz / EYD

© Thomas Klotz / EYD

© Thomas Klotz / EYD© Thomas Klotz / EYD

© Thomas Klotz / EYD© Thomas Klotz / EYD© Thomas Klotz / EYD

© Thomas Klotz / EYD

Explorez
Florence et Damien Bachelot, collectionneurs de rencontres
Florence et Damien Bachelot © Nicolas Despis pour Fisheye.
Florence et Damien Bachelot, collectionneurs de rencontres
Avec un cabinet de plus de 1 000 œuvres, Florence et Damien Bachelot ont constitué, depuis 2004, l’une des plus grandes collections...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #512 : amour censure, amour sincère
© Aniela Kurkiewicz / Instagram
La sélection Instagram #512 : amour censure, amour sincère
« Il n’y pas d’amour censure, il n’y a que d’l’amour sincère », chante Hoshi. Peut-être ces paroles rythmeront-elles la marche des...
24 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Marie-Laure de Decker à la MEP : le regard sensible d’une photojournaliste
Valéry Giscard d’Estaing devant sa télévision, le soir de son élection comme président de la République française, Paris, 19 mai 1974 © Marie-Laure de Decker
Marie-Laure de Decker à la MEP : le regard sensible d’une photojournaliste
Jusqu’au 28 septembre 2025, l’œuvre de Marie-Laure de Decker s’expose à la Maison européenne de la photographie. Au fil de sa carrière...
23 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Caroline Sohie : « La beauté des images n’est pas sans conséquence, elle a un poids »
© Caroline Sohie
Caroline Sohie : « La beauté des images n’est pas sans conséquence, elle a un poids »
Autrefois carrefour de la traite et du commerce colonial, Bagamoyo, sur la côte tanzanienne, juste en face de Zanzibar, est aujourd’hui...
21 juin 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Escapade, mode et photojournalisme : nos coups de cœur photo de juin 2025
Silence © Héloïse Béghin
Escapade, mode et photojournalisme : nos coups de cœur photo de juin 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Florence et Damien Bachelot, collectionneurs de rencontres
Florence et Damien Bachelot © Nicolas Despis pour Fisheye.
Florence et Damien Bachelot, collectionneurs de rencontres
Avec un cabinet de plus de 1 000 œuvres, Florence et Damien Bachelot ont constitué, depuis 2004, l’une des plus grandes collections...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Focus #79 : pour Rose Mihman, la beauté est picturale
05:59
Focus #79 : pour Rose Mihman, la beauté est picturale
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! En pleine préparation de l’exposition Sous les paupières closes, présentée à la Fisheye Gallery...
25 juin 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
PMA : Valentine de Villemeur et son combat pour être mère
© Valentine de Villemeur
PMA : Valentine de Villemeur et son combat pour être mère
Dans I’ve Always Wanted to Be a Mom, Valentine de Villemeur se livre pour la première fois à une approche autobiographique. Comme son...
25 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet