Cet automne est l’occasion d’une double actualité pour le photographe Thomas Klotz. Sa série Northscape fait l’objet d’un livre publié aux éditons EYD et d’une exposition présentée à Paris. Une balade solitaire dans un nord français désertique.
Si nous devions présenter sobrement le photographe Thomas Klotz, nous pourrions juste dire qu’il est né dans le nord de la France et dans l’écrin du 8e art. Ces deux indications, aussi réductrices puissent-elles paraître, font pourtant écho à Northscale, la série qu’il présente aujourd’hui. Tout comme lui, ce travail prend racine dans le nord de l’Hexagone ; tout comme lui, il s’est formé dans cette lumière. « Je suis né avec l’image, mon père était un photographe régional, se souvient-il. Nous avions un laboratoire à la maison. Dès l’enfance, j’ai utilisé des boîtiers argentiques et développé moi-même mes clichés. » Après avoir envisagé suivre les cours de l’ENSP, à Arles, il rejoint Paris et s’oriente vers des études de droit. Peu à peu, il s’éloigne de l’image fixe pour le mouvement. Parallèlement à son métier d’avocat, il a produit des longs métrages tels Le Tueur (2006) et La prochaine fois je viserai le cœur (2013).
De retour à la photographie, il y a quelques années, son regard s’affirme. « Mon travail peut être considéré comme de la photo anti-humaniste, explique Thomas Klotz. Il ne faut voir là aucun affect, aucune nostalgie. Ce ne sont pas les lieux précis de mon enfance, même si je suis né sur ces terres. » Pour trouver les endroits qui lui conviennent, il se base uniquement sur l’esthétique des bâtiments, l’organisation des structures, la pluralité des matériaux et des textures. Ses images ne sont pas guidées par le hasard : « Je retourne plusieurs fois sur les lieux que je trouve. Il m’arrive de les traquer sur Google Maps. Sur place, des personnes qui m’indiquent lorsque les bonnes conditions météorologiques sont réunies. Alors, je saute dans un train pour être sûr de ne pas rater l’instant. » En définitive, une radicalité esthétique émerge aussi bien des choix de l’artiste que de l’austérité des paysages saisis.
Des portraits de murs
La démarche de Thomas Klotz n’est pas sans rappeler celles de certains auteurs révélés par l’exposition New Topographics : Photographs of Man-Altered Landscape. Organisée en 1975, elle a bouleversé l’idée de la représentation du territoire. En proposant des lieux modifiés par la volonté humaine, la New Topographics a redéfini les codes de la photographie de paysage. Ce n’est pas pour rien que Thomas Klotz assume volontiers l’influence de Lewis Baltz et William Eggleston. Mais, pour lui, son travail relève plus de la recherche archéologique que de la flânerie urbaine. Cette comparaison, il en joue : « Je travaille sur les vestiges et les indices de la présence humaine. Cette région, c’est un petit peu ma grotte de Lascaux. Je réalise des portraits de murs, je leur donne une identité. »
Les scènes rassemblées dans Northscape, ont été majoritairement capté en extérieur. Mais, dans un cadre qui semblerait pareil à la vue passive observée depuis la fenêtre d’un wagon sorti d’Alstom, s’instaurent des ruptures. Des scènes d’intérieur et de pleine nature apportent du souffle et viennent ponctuer l’ouvrage. « Ici, je ne voulais pas qu’on se demande « où est-ce ?», mais plutôt qu’on questionne ce que ça raconte. » Il est vrai que les photographies de Thomas Klotz provoquent l’imaginaire et possèdent une dimension narrative évidente. Mais alors, qu’est-ce que ces images nous disent ? À cette question, l’artiste apporte quelques clés qui transforment une direction minimaliste en une histoire bien plus complexe qu’il n’y paraît. « Je pense que, quelque part, Northscape est un récit de la solitude (plus que de l’errance), confie le photographe. C’est un reflet de moi à un instant donné, au moment de la mort de mon père. »
Northscape, Éditions EYD, 38€, 112 p.
Northscape – Thomas Klotz
Exposition jusqu’au 13 octobre
5 rue des Haudriettes, 75003 Paris
© Thomas Klotz / EYD